« Je suis complètement isolé, je survis pour travailler » : face à la pandémie de Covid-19, les Français peinent à se projeter
TémoignagesAlors que le couvre-feu se prolonge du fait de la crise sanitaire, « Le Monde » a recueilli la parole d’entrepreneurs, de salariés, de télétravailleurs et d’étudiants. Ils racontent leur quotidien, entre fatalisme et incertitudes quant à l’avenir.
Affectés par la crise liée au Covid-19, nombre de Français s’efforcent de faire contre mauvaise fortune bon cœur. « Le Monde » a rassemblé les témoignages de ces personnes qui, malgré des restrictions sanitaires de plus en plus pesantes, luttent pour ne pas perdre pied. Morceaux choisis.
« Je me sens trop seule à la barre »
Florence Bernardin, 59 ans, chef d’entreprise à Nanterre (Hauts-de-Seine)
Elle a le sentiment d’en porter beaucoup sur les épaules. Trop. A la tête d’une agence spécialisée dans la veille marketing de cosmétiques asiatiques, Florence Bernardin a vu son chiffre d’affaires baisser de près de 30 % en 2020 en raison de la crise sanitaire. « Alors que je voyageais toutes les deux à trois semaines en Asie pour suivre les marchés locaux, mon dernier vol date de février 2020. Aujourd’hui, mon horizon de travail est de 500 mètres : la distance entre l’agence et mon domicile », raconte-t-elle.
Dès le premier confinement, ses dix salariés sont passés en télétravail. « Je respecte scrupuleusement les consignes, pour les protéger. » Mais, au fil des mois, les liens avec ces derniers se sont distendus. « Il est difficile de maintenir le collectif uniquement en visio, à distance, parfois sans voir les visages, regrette-t-elle. Dans une petite structure comme la mienne, on porte toutes les casquettes : RH, gestion du risque, manageur… C’est épuisant. Je me sens trop seule à la barre. »
Au quotidien, elle se démène pour entretenir malgré tout l’esprit d’équipe et poursuivre la diffusion de nouvelles des marchés asiatiques à ses clients. « Eux non plus, je ne peux plus leur rendre visite pour leur présenter les produits que nous avons fait venir d’Asie : tout se fait par écrans interposés. »
« J’ai mis un peu d’argent de côté. Mais pour quoi faire ? »
Pierre Schweitzer, 31 ans, ingénieur logiciel à Paris
Il a démarré son nouveau travail dans un groupe informatique lors du premier confinement. Depuis, Pierre Schweitzer n’a été présent en tout et pour tout que trois semaines dans les locaux de son entreprise, en août 2020, celle-ci appliquant à la lettre les règles du télétravail. « Ce n’est pas vraiment l’idéal pour prendre ses marques », reconnaît-il.
Jusqu’en octobre, il a tenu bon. Mais, depuis le deuxième confinement, il supporte mal l’enferment dans son studio parisien. « Je tiens de moins en moins. Dans 26 mètres carrés, impossible d’aménager un espace de travail à part. » Son ordinateur est installé sur sa table de cuisine. La fermeture des lieux de culture et de divertissement a obscurci son quotidien. « Je suis complètement isolé. Je survis pour travailler. » Par chance, l’un de ses amis habite non loin : il se rend parfois chez lui pour travailler, afin de changer de cadre. Et de rompre un peu sa solitude.
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