« Il existe une divergence des imaginaires au sein de la jeunesse française »
La jeunesse française est loin d’être homogène, et le critère le plus pertinent pour appréhender cette diversité, c’est le niveau de diplôme. Un marqueur associé à des modes de vie, des aspirations, un rapport au travail ou des choix résidentiels spécifiques. Tel est le constat de Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste, et Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherches au CNRS, qui publient, le 27 janvier, Génération surdiplômée. Ces 20 % qui transforment la France (Odile Jacob, 304 p., 22,90 €).
Les deux auteurs, qui se sont appuyés sur une enquête et de multiples entretiens, se sont intéressés aux « bac + 5 ». Un groupe social en pleine croissance, issu de la massification de l’enseignement supérieur, et qui représentent désormais 20 % des 25-40 ans. S’il est pertinent d’étudier ces « super diplômés », estiment les auteurs, c’est qu’ils jouent un rôle politique et social majeur dans la société. Ni très riches ni assimilables aux classes moyennes, ils sont les producteurs des normes, des symboles et des modes de vie les plus visibles, qui se diffusent dans le reste de la société… Mais qui divergent parfois des aspirations d’une autre jeunesse, majoritaire, moins ou pas diplômée. Au risque d’alimenter certaines fractures.
Votre livre est consacré à ces jeunes de moins de 40 ans, diplômés bac + 5 ou plus, et du modèle de société auquel ils aspirent. Pourquoi s’intéresser à cette catégorie ?
Monique Dagnaud : Ces « super diplômés » forment un groupe social qui n’existait pas, par son ampleur numérique, il y a vingt ou trente ans. Ils sont le produit de la massification de l’enseignement supérieur. Ce qui est intéressant, c’est qu’en les étudiant, on s’aperçoit qu’ils transforment les modalités de la reproduction sociale – non pas en raison de leurs propres origines, mais en raison de leurs choix professionnels et de leurs orientations, qui se distinguent de ceux de la génération d’avant. Ils inventent et diffusent des normes culturelles dans l’ensemble de la société.
Si l’on additionne les diplômés de masters universitaires et de grandes écoles, ce sont près de 200 000 jeunes qui, chaque année, entrent sur le marché du travail avec ce niveau de titre. Ils représentent désormais un peu plus de 20 % de leur génération.
Parallèlement aux professionnels et cadres des fonctions classiques (enseignants, cadres et autres professionnels), nombre de ces diplômés occupent des postes qui reflètent l’essor d’un capitalisme d’innovation, qui a généré de nouveaux métiers – consultants, chercheurs, ingénieurs et informaticiens, spécialistes des données, fondateurs de start-up, entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire, UX designers, etc.
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