L’entreprise, acteur déterminant du congé paternité
« Quand j’ai eu ma première fille en 2013, moins de douze heures après la naissance, je recevais un appel de mon boss que je devais absolument prendre. Une semaine après, j’étais de retour au bureau à faire du 9 heures-20 heures. Les mentalités étaient comme ça, et finalement je l’ai assez mal vécu. » Père de deux filles, Martial Valéry aurait voulu leur consacrer plus de temps à leur naissance.
Désormais dirigeant du studio de jeux vidéo mobiles Oh BiBi, il lui a paru normal de décider, début 2020, de proposer à ses salariés un congé paternité digne de ce nom : deux mois pleins, aux frais de l’entreprise. L’objectif : « Donner du temps à nos collaborateurs pour profiter de ces moments et libérer un peu leurs conjoints. Pour un employeur qui s’inscrit dans le temps long, c’est important de s’assurer de leur équilibre personnel ». Et quatorze jours de congé paternité sont largement insuffisants pour atteindre ce but, selon Martial Valéry.
Le gouvernement semble avoir entendu ses revendications : le congé paternité va être doublé, passant de 14 à 28 jours dont sept obligatoires, a annoncé mercredi 23 septembre Emmanuel Macron. Réclamée de longue date par les syndicats, les militantes féministes et de nombreux pères, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une réforme de la politique de la petite enfance. La réforme, qui entrera en application en juillet 2021, coûtera en année pleine plus de 500 millions d’euros supplémentaires à la Sécurité sociale.
Le congé paternité ou second parent, mis en place en 2002, prend la forme d’un congé de onze jours consécutifs accordé au père ou second parent, auquel s’ajoutent pour les salariés trois jours d’absence autorisés par l’entreprise. Si ces trois jours resteront inchangés, le congé financé par la Sécurité sociale sera désormais de 25 jours.
« Le moins de risques possible »
En premier lieu, cette réforme vise à lutter contre les inégalités femmes-hommes : « Lorsque l’enfant arrive au monde, il n’y a aucune raison que ce soit juste la maman qui s’en occupe », justifie le président de la République. Mais l’élargissement du congé paternité cherche aussi à faire rentrer encore plus dans les mœurs une pratique qui ne touche pas tous les salariés : 67 % des pères ont recours au congé paternité, un chiffre qui n’a que très peu évolué depuis 2002.
Selon la nature du contrat et les choix de son entreprise, il est plus ou moins difficile d’accéder à un congé long, et il est rare d’aller au-delà des quatorze jours inscrits dans la loi. 80 % des salariés en CDI y ont recours, mais seuls 48 % de ceux en CDD, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales. « Si on est en CDD et que notre confort économique dépend du renouvellement de ce contrat, on va prendre le moins de risques possible », observe Patrice Bonfy, cofondateur du média numérique Le Paternel.
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