« En matière sociale, le monde d’après ressemble soudainement trop crûment à celui d’avant »
Chronique. Une fermeture d’usine annoncée brutalement, dans une région déjà sinistrée socialement, alors que le gouvernement vient de dégainer un grand plan de relance visant précisément à « soutenir les entreprises et l’emploi » : la volonté des dirigeants du fabricant de pneus Bridgestone de fermer l’usine de Béthune (Pas-de-Calais), révélée jeudi 16 septembre, tombe au pire moment pour l’exécutif.
Après les annonces d’Auchan, qui compte supprimer 1 500 postes, et de General Electric, 753 postes selon les syndicats, la perspective d’y ajouter plus de 863 licenciements renoue avec une sinistre litanie dont les périodes de crise économique ont le secret. Et ce ne sont pas les propos du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui dénonce les plans sociaux « d’aubaine » – on dégraisse après la pandémie, mais on l’aurait fait sans – qui vont y changer quoi que ce soit.
Le gouvernement montre les muscles, les oppositions crient au scandale, les syndicats montent au créneau, les salariés sont sous le choc : en matière sociale, le monde d’après ressemble soudainement un peu trop crûment à celui d’avant. Cette répétition de l’histoire est évidemment à interroger. Ne serait-ce que parce que la plupart de ces grands noms avaient reçu ces dernières années des aides publiques (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, subventions régionales…), et risquent bien d’en recevoir encore davantage… pour ne pas licencier.
Inquiétude des suppressions de postes dans les TPE-PME
Derrière ces annonces fracassantes, il est toutefois un mouvement plus discret, qui inquiète tout autant l’exécutif : celui des suppressions de postes dans les TPE-PME. Ces Petit Poucet de l’économie – commerçants, artisans, petits industriels… – sont aussi ceux qui ont payé un lourd tribu à la crise depuis le confinement : ayant les reins moins solides, ils ont largement bénéficié du soutien de l’Etat, de report de charges, de prêts garantis. Mais tout cela n’aura qu’un temps et le risque est grand qu’une fois ces facilités terminées, ils se retrouvent en grande difficulté.
La distinction entre gros et petits n’est pas toujours politiquement correcte, mais elle est réelle. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, Bercy craint autant, voire plus, ces suppressions de postes à bas bruit que les licenciements les plus médiatisés. « Les plans sociaux qui font la “une” des journaux, si on parvient à gagner un peu de temps pour les gérer, sont au final souvent plus costauds en termes de conditions de départ pour les salariés. On trouve des interlocuteurs, il y a des cordes de rappel. Dans les TPE, ce n’est pas le même contexte », glissait-on, avant même l’épisode Bridgestone, dans les couloirs du ministère de l’économie.
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