Les salariés de Boiron manifestent contre le plan social
Du jamais-vu de mémoire de salariés des laboratoires Boiron. Plusieurs centaines d’employés ont manifesté devant le siège social du leader mondial de l’homéopathie, mercredi 16 septembre, à Messimy, au sud-ouest de Lyon. Venus de plusieurs régions françaises, parfois de très loin, les salariés, soudés dans une intersyndicale, ont bruyamment contesté la suppression de 646 emplois, sur un total de 2 400 salariés. La mesure, annoncée au mois de mars, juste avant le confinement, vise la suppression de douze sites de conditionnement et de distribution des produits du groupe.
« On avait foi dans la famille Boiron, nous étions dans une entreprise bienveillante, nous ne comprenons pas cette annonce brutale », témoigne Alain Collinet, 59 ans, préparateur, dont le poste est menacé après trente-trois ans de carrière. « C’est une trahison !, poursuit Marielle Davant, 57 ans. Chaque salarié était impliqué, on ne comptait pas nos heures, nous avons fait signer une pétition pour contester le déremboursement, quel manque de considération ! »
Les deux salariés sont arrivés de Pau dans la nuit, pour venir brandir une banderole sur le rond-point qui mène à l’immense site de fabrication de Boiron. Venus de Grenoble, Limoges, Niord, Montpellier, Montrichard (Loir-et-Cher), Sainte-Foy (Rhône), les manifestants partagent amertume et sidération, pas convaincus par l’argument économique avancé par la direction.
« Décision dogmatique »
Pour cette dernière, le plan social résulterait directement du déremboursement des médicaments homéopathiques, décidé en 2018 par Agnès Buzin, ancienne ministre de la santé. Le gouvernement a imposé un déremboursement progressif, jugeant que l’efficacité de l’homéopathie n’est pas prouvée. Selon le laboratoire, la conséquence est immédiate et chiffrée : chute de 30 % de l’activité en moins de deux ans.
Baisse de 25 % du chiffre d’affaire français, qui représente 60 % des résultats du groupe, présent par ailleurs dans 22 filiales internationales. « Cette décision dogmatique est une manière de tuer un champion français, c’est incompréhensible, j’en appelle au pragmatisme d’Emmanuel Macron pour nous aider », confie au Monde, Valérie Lorentz-Poinsot. Selon la directrice générale de Boiron, le maintien du taux de 15 % de remboursement permettrait de sortir d’une spirale descendante, sans impact sur les comptes de la Sécurité sociale, puisqu’il resterait comparable au coût de la franchise médicale.
« Nous avons été dénigrés, alors que 76 % des Français utilisent l’homéopathie, alors que de nombreux médecins soutiennent son efficacité, il suffit d’un décret pour que le gouvernement maintienne le remboursement et change l’avenir, je m’engagerai immédiatement à revoir le plan social dans de fortes proportions », assure Mme Lorentz-Poinsot, voix enrouée, visage marqué, visiblement éprouvée par une crise sociale historique. De l’étage feutré de la direction, où trône un cheval multicolore cabré, du sculpteur Giuseppe Viola, parvient la rumeur de la venue de grévistes aux slogans de « gilets jaunes ».
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