La crise sanitaire oblige les journaux à repenser leur avenir
La « crise de la presse » est un fait tellement établi que, comme les vedettes, elle dispose d’une page Facebook. Comment, dès lors, qualifier la situation actuelle, alors que les nuages s’accumulent au-dessus d’elle à la vitesse de la marée montante en baie du Mont Saint-Michel ? « Je ne pense pas qu’il faille parler de “crise de la presse”, ergote Christian Delporte, professeur d’histoire et responsable de la revue Le Temps des médias. Elle subit un long déclin qui a commencé il y a cinquante ans. »
Du Parisien à L’Equipe ou Libération pourtant, de Grazia à Paris-Normandie, au Nouveau Magazine littéraire, à La Recherche, et au groupe Paris Turf, les projets de refonte, de reprise, ou de rachat et leurs présages de réductions d’effectifs s’ajoutent les uns aux autres, quand il n’est pas question de crédits pour assurer les trésoreries ou de mesures d’économies. « Cela fait tant d’années que la presse a un pied au-dessus du gouffre qu’on ne va pas dire aujourd’hui qu’elle va tomber dans un précipice tel qu’elle ne pourra pas remonter », s’efforce de tempérer Jean-Clément Texier, président de Ringier France et ex-banquier d’affaires.
« Un gros krach »
Pendant le confinement, les lecteurs ont raréfié leurs déplacements jusqu’aux kiosques, quand ceux-ci n’étaient tout simplement pas fermés ou dotés d’horaires restreints, ce qui a fait baisser la vente au numéro des sept quotidiens nationaux de 42 % en moyenne. A L’Equipe, le directeur général Jean-Louis Pelé a même annoncé aux salariés « une perte de plus de 60 % de la vente au numéro » entre mars et juin. Déjà fortement impactée en mars, la diffusion totale de la presse quotidienne nationale a baissé de 5,98 % en avril (par rapport à avril 2019), selon les déclarations déposées à l’Alliance pour la diffusion de la presse et des médias (ACPM-OJD, l’organisme qui certifie les chiffres du marché).
« On s’attendait à un gros krach, mais les niveaux de diffusion restent forts », assure pourtant Jean-Paul Dietsch, le directeur général adjoint de l’ACPM/OJD. Par aveuglement ? Sous le coup d’un optimisme forcené ? Par principe de réalité, plutôt : « Dans une période comme celle que l’on vient de traverser, baisser de 5 %, c’est avoir largement évité le pire, insiste-t-il. La tendance du marché est malheureusement, depuis une dizaine d’années, à un déclin situé entre 1 % et 5 % de diffusion globale. D’une certaine façon, il n’y a pas eu de sur-décroissance. »
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