Reprise : « Un nouveau paradoxe français est train d’émerger »
Pertes & profits. Jean-Michel Aulas a finalement perdu le match. Le bouillant président de l’Olympique lyonnais n’est pas parvenu à empêcher, en Conseil d’Etat, la Ligue de football professionnel d’arrêter définitivement le championnat 2019-2020. Paris, Marseille et Rennes participeront à la Ligue des champions, pas Lyon. Beaucoup ont raillé l’activisme débridé de l’industriel lyonnais pour éviter le déclassement de son club. Lui en faisait une affaire économique. Pourquoi l’Allemagne a-t-elle remis ses joueurs sur la pelouse et pas la France ? La question dépasse largement le cadre footballistique et remet en cause le redressement économique du pays.
Un nouveau paradoxe français est train d’émerger. La France a adopté le système de protection le plus avantageux et coûteux d’Europe, avec un recours massif au chômage partiel, au motif non seulement de protéger la population des dégâts du chômage de masse, mais aussi pour accélérer la reprise. Les entreprises ayant gardé leurs employés, elles devaient pouvoir redémarrer bien plus rapidement et éviter ainsi une crise prolongée comme celle que nous avons vécue au sortir de la catastrophe financière de 2008. C’est un peu le contraire qui semble se produire. Avec une prévision de baisse de sa richesse, le produit intérieur brut (PIB), de plus de 10 % pour l’année 2020, l’Hexagone se place en queue du peloton européen, loin derrière l’Allemagne, qui table sur une chute d’un peu plus de 6 %. La France protège, avec raison, ses emplois, mais n’en profite pas.
Une société en veilleuse
Cette mauvaise performance annoncée s’explique d’abord par le confinement. Les travaux de l’Insee et d’une étude en cours du Conseil d’analyse économique montrent une corrélation très forte, et logique, entre la sévérité des mesures de confinement et la baisse de PIB enregistrée au premier trimestre de cette année. Aux deux extrêmes, d’un côté, la Suède, zéro confinement et un PIB très légèrement positif, et, à l’autre bout, l’Italie, son confinement total et un PIB en chute de plus de 5 %. Mais cela n’explique pas tout. Au milieu de ce graphique, une exception française, et aussi espagnole, avec des mesures officiellement moins sévères qu’en Italie, mais une contraction de l’économie encore plus prononcée. C’est ce surplus qui affecte le redémarrage.
Au delà de la spécialisation française dans les services et le tourisme qui la pénalise plus fortement, il semblerait que la société française se soit mise spontanément en veilleuse. De nombreux secteurs qui n’étaient pas interdits se sont arrêtés d’eux-mêmes. Comme le BTP, stoppé à 85 %. Début mai, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’était inquiété de cette situation, en remarquant que, dans les pays voisins, cette activité avait repris bien plus fortement. En Allemagne ou aux Pays-Bas, très peu de chantiers se sont arrêtés. Parmi les causes connues, comme le souligne l’économiste Jean Pisani-Ferry, la défiance et les mauvaises relations sociales en France. Témoins, les arrêts à La Poste ou chez Amazon.
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