Médecins, directeurs, agences régionales de santé : à l’hôpital, qui doit gouverner ?
« Un hôpital, c’est fait pour soigner des patients. Du coup, quand tout le monde est focalisé là-dessus, ça râle beaucoup moins », plaisantait, mi-avril, un directeur d’établissement hospitalier de l’est de la France, en pleine crise due au Covid-19. Il se disait surpris par « la diminution des dissensions et par la synergie autour d’un objectif commun » : lutter contre l’épidémie.
Paradoxalement, cette période de crise sanitaire a souvent constitué un moment d’union et d’apaisement des tensions dans une communauté hospitalière structurée par l’éternelle opposition entre soignants et administratifs. Une question « archaïque » pour Jérémie Sécher, président du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS), qui veut croire que le problème n’est plus là. « C’est le dixième ou le vingtième épisode d’un faux nez », estime-t-il.
Forte pression financière
La répartition du pouvoir entre administratifs et soignants est en effet un débat vieux comme l’hôpital, qui a balancé au fil des époques. Depuis les réformes de 2005 et de 2009, la structure hiérarchique d’un hôpital public est partagée entre médical et administratif.
D’un côté, une direction administrative, chapeautée par un directeur nommé par le ministre et soumis aux consignes des agences régionales de santé (ARS) et du ministère. Le directeur siège au sein d’un conseil de surveillance, composé d’élus locaux, de représentants du corps médical, du personnel et des publics. Il préside également le directoire.
De l’autre, la commission médicale d’établissement (CME), qui représente le corps médical et dont le président élu siège lui aussi au directoire. La CME est composée des chefs de pôle, de service et de représentants, pour partie élus, des divers pôles et corps de métiers médicaux.
Les tensions sociales à répétition au sein des hôpitaux se sont accompagnées d’une volonté de redonner plus de pouvoir aux médecins face aux administratifs
Le climat austéritaire de la décennie écoulée, avec une forte pression financière exercée sur les directions hospitalières, a conduit à un mouvement de balancier vers ces dernières, parfois mal vécu par les médecins. « Tout est toujours vu par ce prisme de la contrainte budgétaire », soupire ainsi Rémi Salomon, qui préside la CME de l’Assistance publique-Hopitaux de Paris (AP-HP), pour qui la crise démontre qu’un fonctionnement apaisé est avant tout affaire de moyens.
Les tensions sociales à répétition au sein des hôpitaux se sont accompagnées d’une volonté de redonner plus de pouvoir aux médecins face aux administratifs. « Ces derniers mois, on ne parle pas de moyens en plus, mais de comment médicaliser la gouvernance », notait déjà un directeur en novembre 2019. Un mois plus tard, Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, chargeait le professeur Olivier Claris, président de la CME des Hospices civils de Lyon (HCL), d’une mission autour de la « médicalisation de la gouvernance », suscitant l’inquiétude des directions hospitalières. « Macron veut nous pendre. On va devenir consultant à 1 500 euros par jour pour les médecins qui deviendront directeurs », plaisantait alors un directeur.
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