Entre mantra politique et mirage économique, le difficile retour des usines en France

Entre mantra politique et mirage économique, le difficile retour des usines en France

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Publié aujourd’hui à 02h18, mis à jour à 10h54

Arnaud Montebourg n’a pu s’empêcher de poster, le 23 mai, un message sur Twitter, entre deux tweets sur son miel « Bleu-blanc-ruche » et ses glaces bio « La Mémère ». Devant l’engouement des Français pour les relocalisations, il a annoncé qu’il republiait son ouvrage, La Bataille du made in France (Flammarion), écrit en 2013. « A télécharger gratuitement ici », précise le ministre du redressement productif de François Hollande (2012-2014), qui poursuit son combat avec une casquette d’entrepreneur. Le « retraité » de la politique n’avait pu réaliser son rêve de « démondialisation » à Bercy ; et voilà que le Covid-19 rebat les cartes en faveur d’un patriotisme économique qui lui est cher.

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Emmanuel Macron lui-même a infléchi son discours : la France doit reconquérir sa « souveraineté industrielle ». Le ministre de l’économie s’en fait l’avocat inconditionnel. Exemple de l’automobile à l’appui, Bruno Le Maire entend « rompre avec trente années où l’on a massivement délocalisé », et rapatrier « certaines productions ». L’injonction vaut surtout pour Renault, qui a été invité à se joindre à l’alliance européenne sur les batteries, aux côtés de PSA et de Saft (groupe Total). Avec un argument de poids : les 8 milliards d’euros d’aides reçus par la filière, dont plus de 5 milliards pour le groupe au losange.

Lire l’entretien : « Renault est le reflet des mutations économiques et industrielles de la France »

La France s’est progressivement désindustrialisée à la fin des « trente glorieuses », au milieu des années 1970. En visite dans une usine sidérurgique du Creusot (Saône-et-Loire), en 1959, le général de Gaulle se disait « stupéfait » par « tout un ensemble de puissance, d’activité, de progrès » qu’il y découvrait. Quel président de la République, hormis Georges Pompidou, a été capable d’un tel hymne à l’industrie ? Leurs successeurs ont développé une économie « tous services », qui s’est traduite par des délocalisations-restructurations (textile-habillement, sidérurgie, automobile, chantiers navals, informatique…).

La dérive du « fabless »

Il y a trente ans, quand l’Allemagne cessait de fermer ses usines, la France persévérait dans l’idée du « fabless ». Elle a culminé en 2001, quand Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel, a prétendu en faire « un groupe industriel sans usine ». Poussée à l’extrême, la théorie des avantages comparatifs a conduit à produire tout ce qui pouvait l’être dans les pays à bas coûts, pour ne garder que les activités à haute valeur ajoutée. Le dédain des élites politico-administratives pour l’industrie a fait le reste. Alors qu’elle pèse 25 % du produit intérieur brut (PIB) outre-Rhin – et qu’elle y est un puissant vecteur d’innovation et d’exportation – elle représente seulement 12 % du PIB en France, qui n’a cessé de perdre des parts de marché – surtout en Europe – en raison d’une compétitivité insuffisante et de produits moyen de gamme.

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