Fermeture de magasins, ventes en baisse… Le jean de Gap a le blues
Au 36, avenue des Champs-Elysées, la messe est dite. Dans le magasin Gap que l’enseigne américaine exploite, depuis vingt ans, au bas de l’artère parisienne, la musique soul diffusée en sourdine résonne comme un requiem. Les vendeurs plient des centaines de jeans et de sweat-shirts aux prix bradés à moins 70 %. La chaîne n’en dit rien dans ses vitrines, mais la boutique fermera définitivement ses portes, samedi 25 janvier.
L’enseigne, qui, jusqu’à l’été 2019, exploitait vingt-huit pas de porte en France, multiplie, depuis, les fermetures de points de vente en Ile-de-France. Et, en dépit des 300 000 personnes qui, chaque jour, foulent les trottoirs des Champs-Elysées, elle a décidé de tirer un trait sur cette adresse prestigieuse. Elle ne lui procure plus que 9 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit moitié moins qu’en 2008. Pour l’heure, son emplacement n’a pas trouvé preneur.
L’américain va « fermer 230 magasins [sur un total de 3 666], au cours des deux prochaines années », dans le monde, rappelle une porte-parole de la direction.
Confronté à une stabilité des ventes, à 16,6 milliards de dollars, soit 14,5 milliards d’euros, en 2018, et à une chute de sa marge opérationnelle à 8,2 %, le groupe, qui exploite les enseignes Gap, Old Navy et Banana Republic, prétend économiser 90 millions de dollars. Première visée : l’enseigne Gap, dont les ventes ont chuté de 5 % en 2018. Près de 250 des 850 employés dans l’Hexagone sont concernés. Aux Champs-Elysées, environ 90 personnes seront licenciées.
Ancien numéro un mondial
Rien ne laissait présager un destin aussi funeste. Le 2 juillet 1999, l’américain débarque au numéro 36 de l’avenue, sur 1 500 mètres carrés. « S’y installer était aussi important que d’ouvrir sur la Ve Avenue, à Manhattan », assure au Monde Ken Pilot, président de Gap à l’international à l’époque, aujourd’hui consultant et investisseur. Pour cette « fête », Bob Fisher, fils des fondateurs de l’enseigne née à San Francisco en 1969, a traversé l’Atlantique.
Près de 250 des 850 employés en France sont concernés par des fermetures de magasins
Mille invités empruntent un tapis rouge déroulé devant l’entrée. DJ Shazz remixe ses tubes de techno. Les flashs crépitent. Estelle Lefébure pose aux côtés de M. Pilot. Les membres du boys band français 2Be3 aussi.
A en croire Thierry Chevrier, agent immobilier, le petit monde du commerce tricolore se « presse » dans ce 35e magasin français ouvert, après d’âpres négociations, à l’adresse qu’occupaient les tissus Rodin depuis 1953. Les vingt-six écrans géants, qui, en boucle, diffusent les spots de publicités de Gap, les épatent. Sa puissance de feu aussi.