La solution au fatalisme anti-humaniste est sous nos yeux
Dans son ouvrage « L’Esprit malin du capitalisme », Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon, décrit les caractéristiques et les mécanismes assurant la croissance et l’innovation du capitalisme spéculatif, qui s’est illustré avec la financiarisation puis la digitalisation.
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Livre. Des bâtisseurs sans architecte sont appelés à construire un édifice. Mur après mur, ils dressent un labyrinthe dans lequel ils se perdent. Ils se fient à l’intuition qu’ils vont finir par découvrir un architecte invisible qui donnera sens à leurs efforts. Mais l’esprit insaisissable n’a pas plus qu’eux le plan des issues, il n’existe que les dédales sans fin du labyrinthe. « Telle est la manière dont on peut se figurer le système économique et social contemporain et le trouble qu’il produit. Criblés de dettes irrécouvrables, mais continuant de spéculer frénétiquement en prétendant qu’il n’y a pas d’autre alternative que de poursuivre un avenir évanescent qui pourrait seul les éteindre, nous pressentons que les dettes ne s’effaceront pas… sans que ne s’effacent aussi les endettés », analyse Pierre-Yves Gomez dans L’Esprit malin du capitalisme.
L’homme serait-il un être fondamentalement nuisible, qui a dévasté la planète et mérite ou bien de disparaître ou bien d’être régénéré par la technologie ? La question est sur toutes les lèvres, alors que les oiseaux disparaissent, et que le réchauffement climatique est inéluctable. Mais le professeur à l’école de management EM Lyon, où il dirige l’Institut français du gouvernement des entreprises, s’insurge contre cette « anthropologie de fin de repas ». « Trouver dans l’être humain des péchés constitutifs, c’est s’épargner la peine (ou le devoir) de critiquer la consommation, la production et les interactions dans le monde social concret dans lequel il vit ici et maintenant. »
C’est faire l’impasse sur le fonctionnement économique actuel de la société. Les êtres humains ne sont pas depuis toujours des « prédateurs imbéciles ». Ils le sont depuis peu de temps, et « parce qu’un système économique et social particulier les y encourage. Mais l’encouragement est doux, malin, apparemment sans exigences claires sinon celle de continuer à bâtir ce monde déraisonnable ». C’est ce système que le spécialiste du lien entre l’entreprise et la société appelle « capitalisme spéculatif ». Comment fonctionne-t-il ? Comment y contribuons-nous et y succombons-nous ?
Promesses, réussites et envoûtements
L’ouvrage décrit les caractéristiques et les mécanismes assurant la croissance et l’innovation du capitalisme spéculatif, qui s’est illustré avec la financiarisation puis la digitalisation. Il en raconte les promesses, les réussites et les envoûtements. Et conduit à un dénouement démystifiant : financiers qui développent des fonds de placement éthiques ou socialement responsables ; tradeurs qui doutent de leur utilité et qui changent de vie ; salariés qui s’épaulent et maintiennent des solidarités de travail ; médecins qui trouvent des contournements pour continuer de soigner correctement, malgré la pression des chiffres ; consommateurs qui regardent leurs ordinateurs et leurs téléphones comme des outils quelconques, sans phobie ni fascination.
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