« Fatiguées » et en « colère », des salariées attendent encore le procès du voyeur qui les espionnait aux toilettes
Un cadre d’une filiale d’Engie à Toulouse est suspecté d’avoir observé ses collègues femmes entre 2015 et 2018. Le procès a été renvoyé à avril 2020.
Article réservé aux abonnés
Depuis plusieurs semaines, Marine (certains prénoms ont été modifiés) refait ce cauchemar tenace : « deux grands yeux noirs » qui l’observent sous la douche. Ce mauvais rêve la hante depuis qu’elle a découvert, il y a quatre ans, qu’un cadre de son entreprise, une filiale d’Engie établie à Toulouse, l’espionnait aux toilettes et sous la douche sur son lieu de travail. A l’instar de treize autres femmes – une quarantaine au total ont potentiellement été victimes de ces agissements –, elle a porté plainte contre ce cadre, qui travaillait dans un autre service que le sien.
Avec une impatience teintée d’anxiété, elle attendait le procès de cet homme, poursuivi pour « voyeurisme » et « violences n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail avec circonstances aggravantes ». Deux chefs d’accusation différents pour des faits établis à des périodes distinctes, en 2015 puis en 2018, l’infraction de « voyeurisme » étant entre-temps apparue dans la loi Schiappa d’août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. L’entreprise s’est également constituée partie civile.
Vendredi 20 septembre, le tribunal correctionnel de Toulouse a reporté à avril 2020 le procès qui devait se tenir le jour même, repoussant ce « moment de vérité » qu’elles attendent depuis des mois, déplore Marine. Derrière le procès du suspect, les plaignantes espèrent mettre au jour l’apathie de leurs directions, GBS Services et Ineo, filiales du groupe Engie, qui n’ont pris aucune mesure contre le cadre, permettant ainsi que la situation perdure durant près de trois ans.
« Je te vois en entier ! »
Les premiers soupçons remontent à novembre 2015. Depuis plusieurs semaines, un homme travaillant au rez-de-chaussée est aperçu par les employées rodant dans les couloirs du deuxième étage, plus précisément autour des toilettes, qui sont régulièrement hors service.
Suspicieuse, Isabelle, employée du deuxième étage, décide un matin d’inspecter les toilettes des hommes, reliées par un sas à celles des femmes. Accompagnée d’une collègue, elle découvre un « stratagème » permettant d’observer les femmes sous la douche et aux toilettes. Depuis le sas où se trouve la tuyauterie, le salarié avait perforé des trous, avant de les recouvrir d’une feutrine, qu’il n’avait qu’à soulever pour espionner ses collègues.