« Moi, je ne vais pas donner ma vie pour la brigade »
La brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la plus glorieuse, fait aussi plusieurs déçus. Les missions déçoivent et la vie militaire ne convient pas à tout le monde.
Ce n’est pas pour ça qu’ils s’étaient engagés, alors ils sont partis. Julien et Raphaël (les prénoms ont été changés), 26 ans, ont intégré la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) fin 2017. Le premier l’a quittée au mois d’août. Le second l’aura imité avant la fin du mois de septembre. Tous deux évoquent une « libération », moins de deux ans après avoir fêté leur entrée dans ce que la profession considère pourtant comme son unité d’élite, mais qui n’échappe pas au malaise général.
Certes, celui-ci se voit moins qu’en province : spécificité de la « brigade », qui défend Paris et les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), ses 8 500 pompiers ont le statut de militaire, et n’ont donc pas le droit de grève, contrairement à leurs 40 500 collègues professionnels dans le pays, appelés à en faire (symboliquement) usage depuis le 26 juin. Mais certains chiffres trahissent un trouble profond au sein de l’institution, qui a connu son heure de gloire lors de l’incendie de Notre-Dame mi-avril : la BSPP ne parvient pas à conserver ses troupes et connaît un turnover énorme.
Selon des chiffres diffusés en 2017, 30 % des recrues quittent la brigade au bout de la période probatoire de six mois, qui précède la signature d’un contrat de cinq ans. Et parmi les 70 % qui signent ce contrat, seuls 53 % le changement. D’où la nécessité d’embaucher chaque année 1 200 jeunes pompiers à la BSPP.
Raphaël et Julien sont restés au-delà des six premiers mois, mais ne sont pas allés au bout des cinq ans. Ils ont pris la troisième porte de sortie : réformés en cours de contrat, après passage devant le psychiatre, seule façon de démissionner sans être considéré comme déserteur. De quoi faire des envieux : « Je ne connais pas une caserne où il n’y a pas quelqu’un qui a envie de partir », assure le premier, qui était basé au sud de Paris. Le second, dont la caserne se trouvait à l’est de la capitale, fait le même constat : « Si tu donnes la possibilité aux pompiers de Paris de démissionner, t’as la moitié de chaque caserne qui s’en va. » Sollicitée par Le Monde, la BSPP n’a pas souhaité faire de commentaire.
Appels abusifs
Des discours de ces ex- « brigadous » émanent deux sources majeures au mal-être : une mission qui ne correspond pas à leurs attentes, et l’ambiance. Le premier phénomène est connu : actuellement, un pompier n’est plus quelqu’un qui éteint des feux, lesquels représentent moins de 3 % des interventions de la BSPP. Raphaël n’a eu qu’un seul véritable incendie à traiter – plusieurs voitures en feu devant une prison. Julien a eu « plus de chance » : « Quelques-uns. »