Le modèle économique d’Uber et de Lyft menacé par la législation californienne
Une loi, qui doit passer devant le Sénat californien dans les prochains jours, contraindrait notamment ces deux plates-formes à salarier leurs chauffeurs, qui ont pour l’instant le statut de travailleurs indépendants.
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Lyft sait se montrer généreux à l’égard de ses clients. A l’occasion du passage de l’ouragan Dorian en Floride, la plate-forme de conducteurs proposait à ses utilisateurs qui auraient besoin d’évacuer la zone des courses gratuites. A l’égard de ses chauffeurs, la société américaine se montre moins généreuse. Avec son concurrent Uber – son allié pour l’occasion –, elle est engagée dans une vaste campagne de lobbying pour contrer une loi qui pourrait contraindre les deux compagnies à salarier leurs chauffeurs en Californie, alors qu’ils ont, pour l’instant, le statut de travailleurs indépendants.
L’enjeu est d’importance. Un tel changement obligerait les entreprises à offrir à leurs chauffeurs nombre d’avantages dont ils sont aujourd’hui privés : salaire minimum, protection sociale (assurance maladie, congé maternité, congés payés), droit de se syndiquer, etc. Tout devrait se jouer dans les prochains jours, quand le texte, adopté en mai par l’Assemblée de Californie, sera présenté au Sénat de l’Etat.
Un projet de loi concurrent
La principale auteure du texte, l’élue démocrate de San Diego Lorena Gonzalez, s’appuie sur une décision de 2018 de la Cour suprême de Los Angeles déterminant les conditions à partir desquelles une société doit considérer ses travailleurs comme des salariés. C’est le cas si la compagnie fixe leurs conditions de rémunération et si leur travail est partie prenante dans le cœur d’activité de la société. Deux points qui s’appliquent à Lyft et Uber.
Conscientes du danger que cela représente pour leur activité, les deux groupes font feu de tout bois
Même si le texte de loi qui est présenté au Sénat californien exclut de son champ d’application une longue liste de professions, Uber et Lyft, eux, restent menacés par son adoption. Conscientes du danger que cela représente pour leur activité, les deux groupes font feu de tout bois. Tribune dans la presse locale, mise en ligne de sites Internet livrant le témoignage de chauffeurs opposés au texte, etc. les éléments de langage sont identiques : les conducteurs sont attachés à garder leur liberté en termes de temps de travail, les usagers auraient beaucoup à y perdre et Lyft souligne que « des centaines de milliers d’emplois » seraient menacées par une telle législation.
Parallèlement, Uber et Lyft ont annoncé qu’ils pourraient mettre 60 millions de dollars (54 millions d’euros) sur la table pour financer un projet de loi concurrent visant à organiser une consultation locale dans le but de créer un statut particulier pour leurs chauffeurs en Californie. La société de livraison de nourriture à domicile DoorDash, également menacée, a proposé d’abonder 30 millions supplémentaires. « Ce n’est pas notre option de préférence, avance Tony West, le responsable de la direction juridique d’Uber. Nous préférerions aboutir à un accord historique, qui serait bon pour les chauffeurs, bon pour l’innovation et bon pour l’emploi. »