L’intelligence artificielle, nouvel outil pour faciliter le travail des avocats
Automatisation des métiers (2/3). Quel est l’impact de la robotisation sur le monde du travail ? Deuxième épisode de notre série en trois volets sur l’automatisation des métiers avec un reportage dans un cabinet d’avocats qui a recours à l’intelligence artificielle.
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Sur son bureau, aucune pile de dossiers, pas l’ombre d’une chemise de papier. Seules quelques éditions du code civil posées sur une étagère en guise de décoration et une robe noire accrochée au portemanteau trahissent son métier. Nathalie Navon-Soussan est une avocate « augmentée ». Sur son bureau épuré, un ordinateur portable renferme un précieux logiciel d’intelligence artificielle, qui accompagne désormais cette avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille et en droit social, dans chacun de ses contentieux.
L’outil, dénommé « Case Law Analytics », est une solution mathématique permettant d’estimer les chances de réussite d’un procès, le montant des indemnités escomptées, et même les arguments les plus à même d’influer sur la décision des juges. Concrètement, cette intelligence artificielle (IA) – née de la rencontre entre deux Français, l’un mathématicien, l’autre magistrat – fait travailler un millier de « juges virtuels » possédant chacun son raisonnement propre.
Entre 200 et 300 « start-up du droit »
Par cette simulation, un client engagé dans une procédure de divorce apprendra, par exemple, que 800 de ces « juges » lui accorderont une prestation compensatoire. Que, parmi eux, 200 décideront d’un montant de 100 000 euros, mais que 600 n’iront pas au-delà de 75 000 euros, pour telle ou telle raison (durée du mariage, état de santé, revenus…). « Si vous allez dix fois au tribunal, vous aurez dix décisions plus ou moins différentes. C’est cet aléa que notre outil va quantifier en donnant l’éventail des possibles », résume le mathématicien Jacques Lévy Véhel, l’un des deux créateurs de « Case Law Analytics ».
Voilà près d’un an que Me Navon-Soussan et ses associés de la société Avocap 2.2 se sont dotés de cet outil. « Nous avons eu le sentiment qu’il y avait urgence, qu’il fallait prendre maintenant le virage du numérique », explique l’avocate, qui affiche trente ans de métier. Car derrière les murs de son cabinet, situé dans le 7e arrondissement de Paris, une bataille commerciale fait rage. Celle des « legaltech », les start-up du droit. On en compte entre 200 et 300 en France, selon les sources, qui proposent des services allant de la rédaction d’actes à l’audit de contrats, en passant par ce qu’on appelle la « justice prédictive », permettant d’anticiper, à partir d’une grande masse de données et par un jeu d’algorithmes, l’issue d’un litige.