Revue académique : une domination anglo-saxon

Revue académique : une domination anglo-saxon

Presque 80 enseignants et chercheurs en gestion appellent les pouvoirs académiques français à critiquer la domination des revues anglophones dans l’estimation de leurs travaux.

Pour estimer la recherche en sciences de gestion, un principe s’est décidé : celui de se baser sur les seuls articles diffusés dans des revues académiques, au détriment des autres formes de production scientifique (ouvrages, rapports de recherche, etc.). Dans ce cadre, le Centre national de recherche scientifique (CNRS) et la Fondation nationale pour l’enseignement et la gestion des entreprises (Fnege) ont tous deux préparé des listes de revues qui font aujourd’hui référence dans notre règlement. Ces listes jouent un rôle de maîtrise qualité, en distinguant les revues répondant aux exigences académiques (principe d’évaluation par les pairs, en double aveugle) des autres. Elles placent par ailleurs une hiérarchisation entre les revues d’excellence, qui sont classées au « rang 1 », et les revues moins prestigieuses, classées aux rangs 2, 3 et 4.

C’est là que le bât blesse. Car ces listes permettent un pouvoir des revues anglo-saxonnes sur les revues francophones. Parmi les 110 revues classées par le CNRS à un rang 1, comme parmi les 61 revues classées par la Fnege à ce même rang, aucune n’est de langue française. Comment deux institutions françaises en arrivent-elles à l’aberration consistant à dire qu’une revue publiée dans notre langue serait par nature moins bonne qu’une revue écrite en anglais ? L’élément qui légitime cet état de fait aux yeux de ses concepteurs est le moindre « facteur d’impact ». Le facteur d’impact est une mesure de visibilité des revues. Son calcul s’opère en comptant le nombre de fois où les articles édités dans la revue sont cités par d’autres articles au cours des trois dernières années.

Discrimination                                                                                                                         

Pour le dire avec une métaphore, le principal critère utilisé pour classifier les revues s’apparente aujourd’hui à un calcul de box-office de cinéma. Selon une logique similaire à celle consistant à compter les entrées à la sortie d’un film d’une semaine sur l’autre, c’est en fonction du nombre de citations de ses articles juste après leur parution que la qualité d’une revue est évaluée. Au-delà d’inciter le monde de la recherche à un court-termisme néfaste, un tel calcul de box-office repose par nature sur un biais majeur : il avantage ceux qui disposent d’un plus grand marché. Ainsi, mécaniquement, un article en anglais sera plus cité qu’un article en français, parce qu’il y a plus de chercheurs anglophones dans le monde pour lire les articles publiés dans cette langue, qu’il y a plus de revues anglophones, plus d’institutions, etc. Mais certainement, ce plus fort facteur d’impact ne veut rien dire de la qualité des travaux publiés dans les revues francophones. Ainsi, Jacques Audiard ou Jean-Luc Godard, parce que leurs films ont engendré bien moins d’entrées que ceux de Steven Spielberg ou Martin Scorsese, seraient-ils de moins bons opérateurs ? Leur impact sur les pratiques cinématographiques serait-il moindre ?

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LJD

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