La rémunération, vecteur de la discrimination ethnique

Carnet de bureau. Une étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales, « Racial Inequality in France », publiée le 1er octobre, révèle qu’« en France les minorités racisées subissent de fortes pénalités salariales », avec des différences importantes entre les actifs sans origine migratoire et les autres, et des écarts variables selon la région dont ils sont originaires. Selon les résultats révélés par ce centre de recherche de Paris School of Economics, spécialisé dans l’analyse des inégalités dans le monde, les travailleurs les plus « pénalisés » sont originaires du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord, puis d’Afrique subsaharienne et, plus modérément, d’Asie du Sud-Est. Ni le niveau d’éducation ni la localisation ne suffisent à expliquer les écarts de revenus entre les différents groupes. Ceux qui sont nés en France sont moins touchés, mais « les pénalités persistent d’une génération à l’autre », précisent les chercheurs.
L’entreprise peut-elle y remédier ? « En théorie, les politiques de rémunération pourraient corriger cette situation. Elles le font déjà pour réduire les inégalités salariales entre les femmes et les hommes », avance Jean-François Amadieu, professeur à l’Ecole de management de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Mais le diagnostic des discriminations ethnoraciales en entreprise est compliqué par l’absence de statistiques rendues illégales, justement pour éviter les politiques discriminatoires.
Pour contourner la difficulté, les auteurs de l’étude, les économistes Ellora Derenoncourt, Yajna Govind et Paolo Santini ont analysé les données fiscales de 2006 à 2020 à partir de l’« Enquête revenus fiscaux et sociaux » de l’Insee, puis classé les individus par groupe régional selon la nationalité de leurs parents à la naissance.
Situations particulières
Les entreprises ne peuvent pas appliquer la même méthode : elles n’ont évidemment pas le lieu de naissance des parents dans les fichiers paie. « La première étape consiste à aller chercher les écarts salariaux au cas par cas et à mettre en évidence des modèles pour comprendre si les origines peuvent avoir un effet. Ensuite, l’entreprise regarde tout l’effectif pour repérer les groupes de salariés où il y a des écarts inexpliqués, avec un seuil de 10 %, par exemple. C’est ainsi que j’avais procédé pour une banque. On reproduit finalement ce que le juge ferait en cas de litige », décrit M. Amadieu.
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