« A l’instar de la productivité ou du taux d’épargne, l’indicateur de l’intérim est déréglé depuis 2019 »

« A l’instar de la productivité ou du taux d’épargne, l’indicateur de l’intérim est déréglé depuis 2019 »

Pour connaître le temps qu’il fera demain sur le marché du travail, l’intérim a longtemps fait figure de baromètre. Une hausse des embauches d’intérimaires annonçait grand soleil sur l’emploi, en général perceptible dès le trimestre suivant. A contrario, une décrue du travail temporaire augurait de lendemains plus difficiles.

A l’instar de la productivité ou du taux d’épargne, cet indicateur semble cependant connaître quelques dérèglements depuis 2019, avant les crises liées au Covid-19 et à l’inflation : en près de cinq ans, l’emploi intérimaire a globalement baissé alors que tous les grands secteurs économiques ont vu leurs effectifs augmenter.

Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee, estime même que cette décorrélation est en marche depuis plus d’une décennie. « Le lien entre les fluctuations de l’intérim et celles de l’emploi privé s’est affaibli au fil du temps et n’est plus significatif depuis les années 2010 », estime-t-il. Le cas de l’industrie, par exemple, est emblématique : alors que le secteur a vu ses effectifs augmenter de 85 000 emplois entre 2019 et 2024, les postes intérimaires sont en repli de 22 800 postes sur la même période.

Essor de l’apprentissage

L’intérim « ne profite jamais des crises », rappelle d’emblée Isabelle Eynaud-Chevalier, secrétaire générale de Prism’emploi, qui représente la branche du travail temporaire, soulignant que le phénomène s’est amplifié depuis l’épidémie de Covid. Et ce pour une excellente raison : une entreprise ne peut recourir au travail temporaire que si elle peut justifier une croissance ponctuelle de son activité. Et non pour parer à un éventuel risque de « coup de mou » en limitant le recrutement de personnel. Cela explique le recul de l’intérim dans trois secteurs qui en sont habituellement friands : l’automobile, le BTP et la logistique.

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L’inflation, qui a induit une forte hausse des coûts de production des entreprises, a aussi joué un rôle. Un salarié intérimaire coûte plus cher qu’un salarié en CDD ou CDI, en raison du coût de sa protection sociale et de l’indemnité compensatrice de congés payés de 10 % – au total, plus de 20 % qu’un salarié rémunéré au smic. Trop cher pour certains secteurs qui serrent les coûts au maximum, comme celui de la propreté. La faiblesse de la croissance économique et les perspectives incertaines plaident également en ce sens, incitant les employeurs à privilégier une main-d’œuvre moins chère.

Mais, observe Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode, le déclin de l’intérim est peut-être aussi lié à des changements plus structurels. L’essor sans précédent de l’apprentissage, notamment, qui concerne désormais un million de salariés, a bousculé l’ordre ancien. Depuis fin 2019, les emplois créés ont été d’abord des CDI, puis des contrats d’alternance, au détriment des CDD et des intérimaires.

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