Les repentis de la reconversion professionnelle : « On s’attend à vivre une autre vie, mais la désillusion est totale »

Les repentis de la reconversion professionnelle : « On s’attend à vivre une autre vie, mais la désillusion est totale »

Stéphanie plaque tout en 2021. A l’approche de la cinquantaine, elle envoie valser son boulot de fonctionnaire et ses vingt-huit ans de mariage. « J’ai lancé mon divorce en même temps que ma rupture conventionnelle », plaisante la Rémoise, qui préfère garder l’anonymat. Cette mère de deux enfants quitte son emploi aux ressources humaines payé au smic, laissant les désaccords avec sa hiérarchie sur son bureau. « Ma cheffe me harcelait et j’avais envie d’un métier artistique. Par exemple, tatoueuse ou fleuriste. Je souhaitais un job passion qui me donne la force de me lever le matin ! », résume cette quinquagénaire touche-à-tout. Son CAP de fleuriste en poche, l’apprentie découvre peu à peu l’envers du décor : des patrons maltraitants, des tâches répétitives et une précarité grandissante.

A plusieurs reprises, les enseignes lui claquent la porte au nez. « Tous les bons postes étaient pris, et ceux qui restaient se trouvaient dans des grosses chaînes avec beaucoup de turnover », confie-t-elle. Dès qu’elle décroche un contrat, les missions se résument aux livraisons, à la manutention et au ménage. « En entretien, un employeur me disait qu’il fallait réceptionner les colis des clients sur notre pause déjeuner. Je lui ai répondu que je n’étais pas postière ! », s’emballe la Champenoise au caractère bien trempé.

Celle qui voulait « toucher de la fleur » et « confectionner des bouquets » enchaîne les déconvenues. Elle cherche maintenant à récupérer son ancien métier. « Ce n’est pas facile, car j’ai un gros trou dans mon CV », soupire Stéphanie, qui vit avec 580 euros mensuels d’allocation de solidarité spécifique. Regrette-t-elle sa bifurcation ? « J’essaie de le prendre bien, en me disant que c’était une expérience. »

Difficile d’admettre l’échec quand on est inondé de récits positifs sur les changements de vie. Sourire aux lèvres, tradeurs et assureurs expliquent dans les médias comment ils ont troqué leur costume contre une blouse ou un tablier. « Déjà, dans les années 1990, on parlait de ces cadres qui plaquaient tout pour ouvrir des chambres d’hôtes. Chaque époque a ses stéréotypes et, maintenant, on a rajouté une dimension écologique », souligne Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste qui écrit sur les modes de vie. Si ce phénomène n’est pas nouveau, il n’est plus, selon lui, réservé aux cols blancs : « C’est devenu courageux de suivre sa passion. Et cette injonction au bonheur dans le travail, si elle existe depuis longtemps dans les classes privilégiées, se diffuse dans toute la société. »

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LJD

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