Alixe Kombila, visage de la lutte à l’école Emmaüs
Alixe Kombila est de celles qui prennent le micro qu’on ne leur tend pas. Cette Gabonaise de 36 ans est l’un des visages de la grève menée, durant un an, par les compagnons Emmaüs de La Halte Saint-Jean, communauté établie à Saint-André-lez-Lille, dans le Nord. Ce 22 juillet, la militante a troqué ses habits de lutte pour une coquette robe bleu et blanc. Son visage encadré de cheveux tressés de mèches rouges n’est plus celui de la colère, mais bien de l’apaisement. « Ce n’est pas de la satisfaction que je ressens, il ne peut pas y en avoir dans la souffrance », nuance-t-elle.
Pierre Duponchel, le président de la communauté qui gère La Halte Saint-Jean, ainsi qu’Anne Saingier, directrice de la communauté Emmaüs qu’Alixe Kombila a rejointe en février 2021, ont été reconnus, le 5 juillet, coupables de « travail dissimulé aggravé ». Ils ont été condamnés à des peines de prison avec sursis de respectivement un et deux ans, ainsi qu’à des amendes de 2 000 et 3 000 euros. Les deux dirigeants, qui ont l’interdiction d’exercer une activité en lien avec l’infraction pendant cinq ans, ont fait appel de la décision du tribunal judiciaire de Lille.
Si la date de ce second procès n’est pas connue, Alixe Kombila espère qu’y seront condamnés à des peines plus lourdes – « de la prison ferme » – ceux qu’elle qualifie de « nouveaux esclavagistes ». Son avocat, Ioannis Kappopoulos, va saisir le conseil de prud’hommes et aimerait porter l’affaire au pénal. En attendant, les compagnons sans papiers ont obtenu l’une de leurs principales revendications : être régularisés.
Situations de maltraitance
Cette décision, si elle venait à faire jurisprudence, pourrait remettre en question le principe même du fonctionnement du compagnonnage Emmaüs, une exception du droit du travail qui perdure depuis soixante-dix ans. Dans cent vingt-trois communautés en France, environ sept mille personnes dans des situations de grandes difficultés – économiques et administratives – vivent grâce à l’un des principes fondateurs du mouvement : garantir l’accueil inconditionnel (loger, nourrir et blanchir les compagnons) en échange de différents travaux allant du tri des dons à leur vente, en passant par le ménage des lieux d’hébergement. Ni salariés ni bénévoles, les compagnons reçoivent une allocation communautaire mensuelle d’environ 350 euros.
Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs France, reconnaît que, dans le cas de La Halte Saint-Jean, comme dans d’autres communautés du Nord, de graves dysfonctionnements ont mené à des situations de maltraitance. « Notre erreur a peut-être été de ne pas taper assez fort du poing sur la table, lorsque nous avions connaissance de telles situations », ajoute-t-il. Un large plan d’action a été voté en assemblée générale pour détecter d’éventuelles autres « situations à risque ».
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