« Que sait-on du travail ? » : La précarisation du marché du travail est portée par les moins de 25 ans

52,7 %, c’est la part d’emplois précaires des moins de 25 ans en 2019. Plus d’un jeune sur deux est soit en CDD, soit en intérim, soit en contrat aidé, soit en apprentissage. La précarisation du marché du travail à l’œuvre depuis une quarantaine d’années est largement portée par les jeunes, démontre le sociologue Camille Peugny dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.
Depuis les années 1980, à chaque fois que le marché du travail s’est affaibli, les premiers touchés ont été les juniors et les seniors. Et, au fil des années, la qualité de l’emploi s’est détériorée : la part d’emplois précaires a plus que triplé entre 1983 et 2019, passant de 2,2 % à 6,2 % pour les plus de 50 ans, de 2,9 % à 11,3 % pour les salariés de 25 à 49 ans, et de 16,7 % à 52,7 % pour les moins de 25 ans. C’est ainsi qu’« une part croissante des jeunes connaît des trajectoires d’entrée dans la vie active pour le moins heurtées, avec des séquences d’emplois précaires et de périodes de chômage de plus en plus fréquentes », observe le sociologue, avant de développer son analyse de l’impact sur l’ensemble de la carrière.
Si deux jeunes sur trois sont en CDI entre 25 et 29 ans, certains n’ont toujours pas d’emploi stable plusieurs années après la fin de leur formation initiale. L’observation de la part des CDI par tranche d’âge selon les générations met en évidence ce qu’il nomme « un effet cicatrice » de ces débuts difficiles sur l’ensemble de la vie professionnelle. « Si la part de l’emploi précaire dans les premières années de vie active grandit au fil des cohortes successives, ces dernières ne semblent pas rattraper leur retard sur les cohortes précédentes, y compris jusqu’à un âge avancé », note le sociologue.
De précédentes études avaient établi l’impact à moyen terme d’une faible rémunération à l’embauche en période de crise économique. En matière d’emploi, « quelques trimestres de mauvaise conjoncture ne dégradent pas durablement le niveau d’insertion », relativise le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, mais un mauvais salaire à l’embauche est long à rattraper, surtout pour les femmes.
Le travail de Camille Peugny va plus loin en s’intéressant, au-delà du taux d’emploi et de la rémunération, à la stabilisation dans l’emploi. Le sociologue ne manque pas de s’intéresser également à l’évolution du rapport au travail des jeunes. Son analyse nous révèle indirectement que la pratique courante de l’emploi précaire, qu’il s’agisse de CDD ou d’intérim, pour ouvrir la porte du marché du travail aux jeunes laisse des traces, et pour longtemps.
Il vous reste 0% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.