« Que sait-on du travail ? » : derrière la prétendue « flémmingite », une pandémie de conditions de travail dégradées

« Que sait-on du travail ? » : derrière la prétendue « flémmingite », une pandémie de conditions de travail dégradées

37 % : c’est la part de salariés français qui déclarent avoir travaillé au moins une fois en étant malade, sur une période de douze mois, révèle l’étude Eurofound de 2021. La moyenne de l’Union européenne n’est que de 28 %, et ce chiffre n’est que de 22 % aux Pays-Bas. Autre question issue de cette enquête : « Vous arrive-t-il de travailler sur votre temps libre pour répondre aux exigences de votre travail, tous les jours ou plusieurs fois par semaine ? » C’est le cas de 20 % de Français, soit quatre points de plus que la moyenne européenne. Y aurait-il donc vraiment une « épidémie de flemme » dans l’Hexagone ?

C’est l’idée que bat en brèche un article réalisé pour le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Les sociologues Maëlezig Bigi et Dominique Méda affirment que c’est la dégradation continue des conditions de travail, depuis près de vingt ans, qui explique une relation plus distanciée des Français vis-à-vis de leur emploi, et non un prétendu refus de travailler.

A l’aide de données issues de programmes de recherche européens, les chercheuses rappellent d’abord que les Français ont toujours été majoritaires à déclarer que le travail est très important dans leur vie, ce qui ne les empêche pas de souhaiter en même temps qu’il prenne moins de place. Cette coexistence n’est pas nouvelle, et démontre simplement une exigence à l’égard du contenu du travail.

De ce fait, la France est un des pays où le fossé entre les attentes placées sur le travail et la réalité de ses conditions d’exercice est le plus grand. Déjà au début des années 2000, le travail était considéré, bien plus en France qu’ailleurs, comme épuisant, mal payé, et ne débouchant que sur de faibles chances de promotions.

Ce constat s’est amplifié : en 2019, l’enquête Conditions de travail de la Dares (ministère du travail) met en évidence que le travail est « insoutenable » pour 37 % des actifs occupés français. La comparaison européenne, à l’occasion de l’enquête Eurofound de 2021, est sans appel : 52 % des Français déclarent que leur travail nécessite de travailler dans des délais très stricts et très courts, contre 37 % des salariés néerlandais par exemple.

La pénibilité physique et psychique du travail est bien plus lourde dans l’hexagone : quand 7 % des Danois et 30 % des Européens disent souffrir d’anxiété, c’est le cas d’un Français sur deux. Cette enquête pointe aussi chez les salariés français le faible soutien des collègues, la faible reconnaissance par la hiérarchie, et un écart plus important qu’ailleurs entre les exigences imposées et les ressources pour y faire face.

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LJD

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