Les négociations salariales 2023 se tiennent dans un contexte inédit de tension
« Agir collectivement pour revaloriser les salaires » : c’est l’un des points-clés de la feuille de route présentée par la première ministre, Elisabeth Borne, mercredi 26 avril. Nul doute qu’il fera l’unanimité chez les Français. Car si la réforme des retraites les a médiatiquement éclipsées depuis janvier, les mobilisations pour obtenir des augmentations n’ont pas cessé, dans le contexte des négociations annuelles obligatoires (NAO) qui se tiennent généralement en toute fin ou en tout début d’année.
Citons, par exemple, le mouvement en cours depuis le 20 mars chez Vertbaudet près de Lille, la grève chez Tisséo qui a mis à l’arrêt le réseau des transports en commun toulousain, celle des salariés de la chocolaterie Cémoi dans l’Orne, de Blédina à Brive, des bases logistiques d’Intermarché, de sites Michelin, Amazon, Alstom et même de salariés du géant du jeu vidéo Ubisoft, une première.
Inédits, aussi, les débrayages dans deux jardineries Truffaut, dont le dernier, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), samedi 22 avril. « C’est ma première fois en presque vingt ans. Faut vraiment qu’on nous pousse à bout pour en arriver là », confiait un agent de maîtrise manifestant dans le magasin (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat). « Au smic, on ne s’en sort pas. On vient de me couper mon forfait téléphonique. A 33 ans, j’ai dû demander de l’aide à ma maman », déplorait Hélène, vendeuse en pépinière. « Je suis seule avec trois enfants et 1 000 euros de loyer. Avec un salaire de 1 451 euros net, comment je fais ? », interrogeait Emmanuelle, 47 ans.
Une progression qui ne rattrape pas l’inflation
Mercredi, prenant au mot Elisabeth Borne, qui a rappelé les « employeurs » à leur « responsabilité », ce sont les huit syndicats de la fonction publique qui ont demandé au gouvernement des augmentations salariales « importantes », « dès le 1er mai ».
A ce jour, les hausses négociées dans les entreprises pour 2023 sont, en moyenne, de 4,4 % (contre 2,8 % en 2022 et 1,4 % en 2021), selon une note de la Banque de France publiée mercredi 26 avril. Une progression « significative », mais qui ne rattrape pas l’inflation.
« Ni l’inflation de 2022 [5,9 %] ni celle prévue pour 2023 [5,4 %, selon la Banque de France]. Il y a donc un retard cumulé des salaires sur l’inflation depuis deux ans », souligne Alice Rustique, chargée d’études au centre études & data du Groupe Alpha.
Pour compenser, un tiers des accords prévoient une prime de partage de la valeur (exonérée de cotisations sociales) d’un peu moins de 900 euros, en moyenne, précise la Banque de France. « On note aussi beaucoup de mesures “talons” pour s’assurer que les bas salaires touchent, par exemple, au minimum, 100 euros de plus par mois. Des primes “mobilités” qu’on voyait peu jusque-là. Et beaucoup de clauses de revoyure », constate Alice Rustique, à partir de l’analyse détaillée de 200 accords de NAO 2023.
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