Revaloriser les professeurs et le système éducatif

Revaloriser les professeurs et le système éducatif

Personne ne peut le contester : la rémunération des enseignants français est insuffisante, voire indécente. En 1980, un professeur débutant gagnait 2,3 fois le smic ; ce n’est plus que 1,2 fois aujourd’hui. Cette dévalorisation salariale se double d’une perte de prestige social et d’un affaiblissement du poids politique dans un contexte professionnel alourdi par l’inflation des missions, la pression des parents d’élèves et la bureaucratie de l’éducation nationale. Alors que l’avenir du pays se trouve en partie entre les mains des professeurs, il est inquiétant qu’il ait fallu une grave crise de recrutement pour imposer l’évidence : la nécessité d’une revalorisation significative.

Pour répondre à cette exigence, le dispositif annoncé jeudi 20 avril par le président de la République est loin d’être négligeable : 3 milliards d’euros annuels sont sur la table, dont les deux tiers destinés à l’ensemble du corps enseignant. Ils doivent se traduire par des augmentations « de 100 à 230 euros net par mois » et faire en sorte que plus aucun enseignant ne gagne moins de 2 000 euros mensuels. Mais cette augmentation, qui représente un bonus moyen de 10 %, ne tient pas exactement la promesse faite par Emmanuel Macron lors de la présidentielle d’une hausse de 10 % pour tous.

Pour toucher « jusqu’à 500 euros par mois » de plus, les professeurs devront, « sur une base totalement volontaire », s’engager à accomplir des tâches supplémentaires, comme le soutien aux élèves en difficulté en primaire, un renforcement en français ou en mathématiques en 6e, la découverte des métiers ou la coordination de projets pédagogiques innovants, ainsi que, dans le second degré, des remplacements de courte durée.

Il n’est guère contestable que ces missions, aujourd’hui insuffisamment assurées, figurent parmi celles dont l’accomplissement peut aider le système éducatif à enrayer une dégradation que soulignent les enquêtes internationales : baisse des performances des élèves dans les savoirs fondamentaux (lecture, orthographe, mathématiques), classement médiocre parmi les pays développés, forte corrélation entre le statut socioéconomique des élèves et leurs résultats.

Sentiment d’épuisement professionnel

Dans ce contexte, l’appel au volontariat semble logique, tant le système scolaire souffre d’une uniformité qui, sous couvert d’égalité, sert souvent d’alibi à l’inertie. La revalorisation des salaires peut difficilement être conçue sans lien avec celle du système scolaire lui-même, autrement dit sans de profondes transformations.

Cette tâche, herculéenne dans une administration qui emploie 859 000 professeurs, apparaît encore alourdie par l’ampleur du déficit salarial accumulé et par un sentiment d’épuisement professionnel répandu. L’équation se trouve aussi compliquée par la crise politique en cours et le choix du président de la République, en situation d’impopularité, de se mettre en avant sur ce dossier qui devrait, en toute rationalité, être géré par le ministre de l’éducation nationale.

En combinant revalorisation générale et augmentations ciblées, l’exécutif pense sans doute avoir trouvé une formule acceptable et jouer sur l’opinion pour déjouer le « toujours plus » des syndicats d’enseignants. Mais, après le grand conflit de la réforme des retraites, alors que l’inflation dévore les salaires, comment imaginer faire aboutir le nécessaire aggiornamento de la rémunération des enseignants sans l’aval d’organisations qui les représentent ? Et sans une garantie que le rattrapage annoncé se poursuivra dans la durée ?

Le Monde

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LJD

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