Plates-formes d’emploi : la naissance européenne des autoentrepreneurs
Droit social. Les travailleurs des plates-formes sont souvent des indépendants chargés de la fourniture de biens et de services sous forme rémunérée et non délocalisable, sous-traitants d’entreprises. Ces entreprises qui non seulement rapprochent l’offre et la demande par un algorithme, mais aussi définissent le service et le cadre de travail de ces fournisseurs, et qui, ce faisant, remettent surtout en cause la définition du salarié, fondatrice du droit social.
Au vu de l’ampleur de ce phénomène, cette catégorie intéresse également l’Union européenne. La Commission a ainsi proposé un projet de directive comportant notamment une liste de contrôles pour déterminer si la plate-forme est un « employeur » et, le cas échéant, par déduction, aurait directement le salarié sous sa responsabilité.
Le Parlement européen a, le 2 février 2023, amendé cette proposition en instaurant une présomption légale générale de salariat pour les travailleurs des plates-formes, quelles que soient l’appellation ou la forme de leur contrat. Les Etats membres qui, en Conseil des vingt-sept ministres du travail, doivent également approuver la directive, sont très réticents à adopter une quelconque réglementation, et donc a fortiori le texte du Parlement. La situation est dès lors bloquée.
Un risque d’infraction
Pourtant, une avancée notable à l’initiative de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a été à peine remarquée : le 29 septembre 2022, cette dernière a publié des lignes directrices autorisant des travailleurs indépendants à négocier collectivement de meilleures conditions de travail sans enfreindre les règles de concurrence de l’Union européenne.
La Commission est, en effet, aussi l’autorité de la concurrence chargée notamment de veiller à l’application des textes prohibant les ententes. Or, les indépendants sont des entreprises, au sens du traité de l’Union européenne, ce qui les place en risque d’infraction lorsqu’ils souhaitent s’entendre sur le prix de leurs prestations… en négociant collectivement leurs conditions de travail et de rémunération.
Par ces nouvelles lignes directrices, les syndicats agissant dans l’intérêt collectif de ces travailleurs ne peuvent plus être traités comme des « cartels » prohibés, et la négociation collective pour les indépendants qui fournissent principalement leur propre travail ne peut être considérée comme une fixation de prix illicite.
En position de faiblesse
Ce texte européen d’analyse de marché intéresse aussi par ses définitions. Sont visés les indépendants qui dépendent d’une seule société pour au moins 50 % de leurs revenus professionnels (sur moins d’un an, un an ou deux ans), ceux travaillant aux côtés d’autres travailleurs, ceux qui assurent des tâches similaires à d’autres travailleurs œuvrant pour une même société, et enfin ceux offrant leurs services à une plate-forme de travail numérique ou par son intermédiaire.
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