Le travail de nuit reconnu, pour la première fois, comme un facteur du cancer du sein
Ancienne infirmière à l’hôpital de Sarreguemines (Moselle), aujourd’hui retraitée, Martine sait à l’unité près combien de nuits elle a passé au travail : 873, au cours de vingt-huit années de gardes, en cardiologie et en gynécologie. Le reste du temps, la soignante travaillait le matin ou l’après-midi, alternant les trois, parfois dans la même semaine. En 2009, Martine, qui souhaite que son nom ne soit pas publié, se dit qu’elle va souffler : à 48 ans, elle obtient de travailler de jour et aspire à une vie normale.
Espoirs douchés quand elle apprend peu après qu’elle souffre d’un cancer du sein. Quatorze ans plus tard, la sexagénaire a obtenu que cette pathologie soit reconnue comme une maladie professionnelle liée à ses années de travail de nuit. Une décision inédite, qui ouvre droit à une indemnisation et marque une victoire plus que symbolique : la CFDT des mineurs de Lorraine se bat depuis plus de cinq ans pour alerter sur les facteurs professionnels du cancer du sein.
La nouvelle, rendue publique à la fin du mois de mars, émane du conseil médical, instance départementale chargée de statuer sur les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles dans la fonction publique. Josiane Clavelin ne boude pas son plaisir. « Ça remet un peu de peps dans notre combat », commente cette aide-soignante en retraite, membre du syndicat. En binôme avec Brigitte Clément, elle aussi syndicaliste, elle a aidé Martine à constituer son dossier.
Tumeurs malignes
Les deux femmes animent des permanences dans le pavillon du syndicat à Freyming-Merlebach (Moselle). En octobre 2021, quand Le Monde l’y avait rencontrée, Martine était arrivée pleine d’une colère rentrée, convaincue que « ce n’était même pas la peine d’y aller », tant les chances de succès lui semblaient minces. Aucun médecin n’avait voulu signer de certificat attestant d’un lien possible entre son cancer et son travail de nuit. Ensemble, elles ont retrouvé les traces de ses gardes et construit un argumentaire pour démontrer le lien de causalité.
Josiane Clavelin est une lanceuse d’alerte. Dans les années 1990 et 2000, la retraitée exerce à l’hôpital de Freyming-Merlebach. Autour d’elle, des dizaines d’infirmières et d’aides-soignantes développent des tumeurs malignes au sein. La plupart ne présentent aucun facteur de risque connu dans leur vie personnelle : antécédents génétiques, sédentarité, alcool… Josiane Clavelin a très tôt l’intuition que le cancer du sein, multifactoriel, peut prospérer sur des causes professionnelles.
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