Monoprix assigne trente-neuf de ses salariés pour faire interdire toute manifestation dans ses magasins
C’est une audience qui prend une teinte particulière à l’heure ou des organisations syndicales dénoncent les réquisitions de raffineurs grévistes comme des attaques au droit de grève.
Dans une petite salle du tribunal judiciaire de Paris, ce mardi 28 mars, trente-neuf salariés du Monoprix Picpus (12e arrondissement) étaient assignés en référé – une procédure d’urgence devant un juge unique – après avoir manifesté dans leur magasin les 8 et 19 décembre 2022.
Cela, expliquent-ils, pour dénoncer le manque de personnel et ses conséquences, alors qu’un de leur collègue, seul pour faire le travail de trois au rayon boucherie, venait d’être convoqué pour un entretien préalable au licenciement. Sur leur smartphone, certains montrent des photos de palettes de viande fraîche abandonnées des heures dans des allées non réfrigérées.
Intervention d’huissiers
Après vingt-cinq ou quarante ans « de maison », ils n’en reviennent pas de se retrouver ainsi devant la justice. Mais lors de ces deux matinées de mobilisation, Monoprix a fait venir des huissiers – une pratique de plus en plus fréquente dans les conflits sociaux – pour constater que les agissements des salariés « excédaient les limites du droit de manifester au sein de l’entreprise ».
« Des salariés se sont livrés à une occupation partielle et non autorisée, interpellant d’autres salariés, des clients, tapant sur des caisses automatiques, scandant “Direction démission !”, ce qui a désorganisé le fonctionnement et la bonne marche du magasin », détaille à l’audience Me Philippe Bouchez El Ghozi, pour Monoprix Exploitation.
Il lance une vidéo sur son ordinateur. Tournée le 19 décembre 2022 près des caisses, on y entend une ambiance revendicative bruyante et des « Libérez Mohammed ! », le collègue alors en entretien préalable à son licenciement dans un bureau. « Si ça ce n’est pas un trouble illicite à l’ordre public, alors l’Etat de droit est menacé », lance l’avocat sans ciller.
« Prévention de la réitération »
Mais l’enjeu de l’audience est tout autre rappelle-t-il. C’est « la question de la prévention de la réitération ». Car un témoin a été entendu dire : « D’autres actions sont prévues en janvier. »
Ainsi l’entreprise demande au juge d’ordonner à tout salarié, de la société ou d’une autre, « de ne pas renouveler leur participation » à un mouvement dans un magasin Monoprix Exploitation, à Paris ou ailleurs, sous peine d’être condamné à 1 000 euros par personne et par infraction, et ce pendant trois ans. Une somme, quand la plupart des paies avoisinent le smic (1 353 euros net). Monoprix demande en sus le paiement des 1 116 euros de frais d’huissier, à titre de provision sur dommages et intérêts.
Il vous reste 23.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.