Les entreprises au défi des violences du public envers leurs salariés
Le changement est survenu courant 2022. Agathe, caissière dans un supermarché à Paris, a constaté davantage d’agacement de la part des clients. Des remises en cause de la somme à régler, des insultes qui volent. « Les gens sont moins respectueux, ils s’emportent. Une collègue a même été menacée physiquement. » Comme dans de nombreux magasins, l’incivilité a suivi ici la courbe haussière de l’inflation. « On observe une recrudescence de l’agressivité face à la hausse des prix, abonde Sylvain Macé, délégué groupe CFDT Carrefour. Les clients font le tour du magasin et ils se déchargent en caisse. C’est dur à vivre pour les salariés, qui travaillent en état de vigilance. »
Les phénomènes d’incivilité et d’agression sont bien connus des établissements accueillant du public. Mais, ces dernières années, de nouveaux paramètres renforcent le sentiment d’insatisfaction des clients ou des usagers, et leur potentielle incivilité. Des facteurs multiples, comme le sont les secteurs touchés par ces « violences externes » : enseignement, santé, administration, médico-social, action sociale, vente…
Il s’agit par exemple de la « mise au travail » croissante qu’ont pu connaître les clients, notamment « dans les supermarchés où on leur demande de scanner leurs achats », note Valérie Langevin, psychologue du travail à l’Institut national de recherche et de sécurité. Dans un mouvement parallèle, « la digitalisation a complexifié l’accès à certains services et créé une frustration », indique Sadrina Bertrand, ingénieure conseil à la Caisse d’assurance-retraite et de santé au travail (Carsat) Languedoc-Roussillon, qui travaille à la prévention des risques en entreprise.
Des plans d’action
Les Français ont désormais de multiples occasions de « se retrouver seuls, en ligne, face à des conseillers virtuels (chatbots) qui leur proposent des réponses stéréotypées. Et parfois, toute leur exaspération pourra ressortir s’ils sont mis en contact, par la suite, avec un vrai téléopérateur », poursuit Mme Langevin.
La place de l’usager n’est pas la seule à avoir évolué. Les sollicitations de certains organismes se sont aussi renouvelées, comme autant d’irritants potentiels pour leurs clients. Dans le secteur bancaire, par exemple, « en vingt ans, le panel de propositions de vente s’est multiplié pour les conseillers qui ont des objectifs de vente, explique Marc Durand, secrétaire général FO des banques et sociétés financières du Nord. Cela peut tendre la relation. Le client qui souhaite avoir une information sur son compte s’agace qu’on lui propose une assurance ».
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