« Dans mon agence d’hôtesses, on hiérarchisait les filles selon des critères esthétiques »

« Dans mon agence d’hôtesses, on hiérarchisait les filles selon des critères esthétiques »

La première fois que j’ai mis les pieds dans une grande agence d’hôtesses parisienne, j’aurais dû fuir tout de suite. A 27 ans, je venais de finir mon école de communication et je cherchais un travail dans l’intermittence du spectacle en tant que casteuse, sans succès. Alors j’ai accepté ce job de chargée d’exploitation.

La première semaine, j’ai été complètement laissée à l’abandon, je me sentais comme une stagiaire à qui on ne donne rien à faire. Je me suis formée toute seule, sur le tas. Personne ne m’avait prévenue que j’allais reprendre le plus gros client de l’agence. Tous les matins, pour ce seul morceau, j’avais quatre-vingts personnes qui m’envoyaient un message pour me prévenir qu’elles prenaient leur poste. S’il manquait des gens, je devais être réactive et m’adapter en trouvant quelqu’un en urgence. Je devais aussi envoyer des contrats de travail, gérer les problèmes administratifs… J’ai également fait de la facturation, tâche qui n’était pas prévue dans ma fiche de poste. En plus de ce gros morceau, j’avais une petite dizaine de dossiers. Et je recrutais aussi les hôtesses, selon des caractéristiques bien particulières.

Par exemple, pour les loges VIP du Parc des Princes, je ne pouvais pas proposer à n’importe quelle hôtesse de participer. On utilisait des groupes de messagerie interne hiérarchisant les filles selon des critères esthétiques. Dans le booking [poste qui consiste à gérer un portefeuille de clients, à placer des hôtesses sur leurs événements et en assurer le bon déroulement], les clients précisent qu’ils souhaitent « une personne qui présente bien ». Implicitement, cela signifie qu’ils veulent des hôtesses blondes, minces, grandes, jolies.

Certaines femmes sont exclues de fait

On avait donc cinq groupes, allant de 1 à 5. Le premier, que j’appelle celui des « bombasses » : toutes belles, grandes, minces, qui parlent bien anglais. Dans le second, il y avait des filles jolies mais petites ou qui ne parlaient pas bien anglais. Dans le troisième, des filles encore plus petites et peut-être moins dans les canons de beauté, que l’on mettait sur des congrès professionnels. Enfin, on mettait les filles restantes dans les derniers groupes, qui servaient pour de la distribution de tracts.

Une multitude de tailles 36 et 38, pour une seule taille 40 et une autre en 42

Quand on reçoit de nouvelles recrues, elles doivent passer à l’agence pour prendre leur tenue. Dès lors, la discrimination commence puisque l’on possède souvent une multitude de tailles 36 et 38, pour une seule taille 40 et une autre en 42. Certaines femmes sont exclues de fait. Il m’est arrivé de dire à une fille que j’avais bookée que, finalement, je n’avais pas de tenue dans sa taille 42. J’ai dû annuler son contrat à cause de la grossophobie de la boîte, c’était gênant.

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LJD

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