« Comme l’impression d’avoir pris une revanche sur le passé », l’ascension sociale des techniciens devenus ingénieurs

« Comme l’impression d’avoir pris une revanche sur le passé », l’ascension sociale des techniciens devenus ingénieurs

Sur le réseau professionnel LinkedIn, Kevin Lapoule, 33 ans, s’est empressé de mettre à jour son profil. Depuis novembre 2022, il n’est plus technicien de maintenance agroalimentaire mais coordinateur maintenance préventive et fiabilité au sein du Groupe Nutriset. La raison de cette promotion ? Dix ans après être entré, avec un BTS en poche, dans cette entreprise spécialisée dans la lutte contre la malnutrition, il a obtenu, en octobre, son diplôme d’ingénieur généraliste par la voie de la formation continue. « Comme l’impression d’avoir pris une revanche sur le passé », se réjouit-il. Après son bac + 2, il avait fait le choix « d’arrêter les études pour entrer rapidement dans le monde du travail, quitte à limiter [ses] perspectives d’évolution professionnelle ensuite ».

Il a finalement, sur le tard, choisi de relever le « challenge » de décrocher le sésame grâce à la formation continue, avec l’appui de son entreprise, qui a financé intégralement son cursus à l’école d’ingénieurs du CESI. Ce type d’accélération professionnelle concerne quelque 1 000 personnes chaque année en France, selon les chiffres de la Commission des titres d’ingénieur (CTI). « Ils étaient quatre ou cinq fois plus il y a trente ans », commente Jean-Louis Allard, vice-président de la CTI et directeur de l’école d’ingénieurs du CESI. Cet établissement fut créé en 1958 par des entreprises pour permettre à des techniciens d’accéder au statut d’ingénieur, dans une France d’après-guerre où les secteurs industriels et du bâtiment en avaient bien besoin, face aux difficultés des écoles d’ingénieurs à fournir suffisamment de cadres.

Mais, au CESI comme ailleurs, la voie de la formation continue suivie par Kevin est aujourd’hui devenue minoritaire : une centaine d’ingénieurs diplômés par an, sur 1 500 au total. Les raisons de cette baisse ? L’allongement de la durée des études, « qui pousse aujourd’hui de nombreux jeunes à continuer vers une formation d’ingénieur après un bac + 2 », explique Fabrice Maerten, responsable des admissions au CESI. Mais aussi « l’explosion de l’apprentissage depuis les années 1990 dans les écoles d’ingénieurs », vers lequel les entreprises se tournent plus spontanément pour financer la formation des ingénieurs dont elles ont besoin, et ce, dès la formation initiale, là où elles préféraient, par le passé, accompagner leurs meilleurs techniciens vers le statut d’ingénieur, dans une logique de conservation des compétences et de fidélisation des collaborateurs.

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Aujourd’hui, si quelque 40 000 étudiants obtiennent le diplôme d’ingénieur chaque année en formation initiale, la formation continue d’« anciens », bien que ne représentant que 2 % des diplômés, constitue toujours « un levier de promotion sociale et professionnelle sans équivalent », selon Jean-Louis Allard. Mais, qu’ils suivent cette formation (1 200 heures en tout) en cours du soir, en alternant les périodes à l’école et en entreprise, par des cours en ligne ou des stages intensifs, le parcours de ceux qui veulent dépasser leur plafond de verre en passant par la formation continue n’a rien d’un long fleuve tranquille.

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