Sous l’effet de l’inflation, les mobilisations salariales se multiplient en France
La statistique publique n’en donnera pas la mesure avant un an ou deux, mais tous les observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de loupe médiatique : la France connaît une recrudescence de mobilisations pour des augmentations de salaire. « Les récits de conflits salariaux se multiplient, c’est indéniable », selon Karel Yon, sociologue et chercheur au CNRS.
Ce mercredi 6 juillet, le mouvement s’annonçait massif à la SNCF. Celui dans les aéroports franciliens d’Orly et de Roissy a entraîné la suppression d’un vol sur cinq samedi 2 juillet au matin. « Il y a vraiment un foisonnement d’actions sur ces questions salariales. Ça bouge partout, tout le monde est touché », renchérit Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, qui cite encore la grève des routiers, les mouvements dans les grandes entreprises privées Total ou Thales, et dans le secteur public. On pourrait y ajouter une longue liste de mobilisations constatées depuis l’automne, dans l’agroalimentaire, les assurances, la sécurité, l’aéronautique, chez les parfumeurs Marionnaud ou Sephora, les enseignes préférées des Français Leroy Merlin et Decathlon, et dans une myriade de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, inconnues du grand public.
« Parce qu’elle touche tout le monde, à tous les postes, qu’elle n’est pas liée à une quelconque question de productivité ou d’investissement du salarié dans son travail, l’inflation a redonné tout son sens à la demande d’augmentation collective des salaires, souligne Jérôme Pélisse, professeur à Sciences Po et chercheur au centre de sociologie des organisations. Une pratique qui n’avait cessé de reculer ces dernières années dans les entreprises, au profit des augmentations individuelles, dites « au mérite ».
« La mobilisation paye »
De la même façon, la grève comme mode d’action collectif semble revivifiée : les témoignages abondent de salariés l’ayant expérimenté pour la première fois ces derniers mois. « Cette vague de grèves vient rappeler combien la relation salariale est fondamentalement conflictuelle et repose sur un rapport de force qui fait partie de la vie normale de l’entreprise », insiste M. Pélisse.
Avec son collègue chercheur au CNRS Pierre Blavier, il a étudié à la loupe les données (recueillies avant le confinement) de la dernière enquête « Relations professionnelles et négociations d’entreprise », de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. « Alors qu’au niveau national, les conflits sociaux ne sont que rarement gagnants, nous avons montré qu’à l’échelle des établissements la mobilisation paye, souligne M. Blavier. Lors des négociations salariales, il existe un lien statistique fort entre l’occurrence d’une mobilisation collective et le fait que la direction amende sa proposition initiale. »
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