Barème Macron : la France tancée par le Conseil de l’Europe
Ceux qui croyaient que la « bataille des prud’hommes » avait pris fin en seront pour leurs frais. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) vient, en effet, de relancer cette controverse liée à une réforme emblématique du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : le plafonnement des dommages-intérêts accordés par la justice en cas de licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Cette disposition, introduite par des ordonnances de septembre 2017, a été jugée contraire à des engagements internationaux de la France par le CEDS. La décision de cette instance, qui ne devait être portée à la connaissance du public qu’en septembre et dont Le Monde a pris connaissance, n’est pas exécutoire. Elle va, par ailleurs, à rebours de la position exprimée par toutes les cours suprêmes de notre pays.
La mesure incriminée, souvent appelée « barème Macron », se présente sous la forme d’une grille avec des valeurs minimales et maximales en fonction de l’ancienneté du travailleur. Bien qu’elle ait obtenu la bénédiction du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, elle a été combattue devant les tribunaux, au motif qu’elle entrerait en contradiction avec des textes ratifiés par la France : la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et la Charte sociale européenne. Toutes deux prévoient qu’une réparation « adéquate » doit être accordée au salarié abusivement licencié. Or les montants prévus par les ordonnances de 2017 ont été considérés comme trop faibles par plusieurs organisations de salariés et par le Syndicat des avocats de France (SAF). Une longue guérilla judiciaire s’en est suivie. Après d’innombrables péripéties, la Cour de cassation a finalement validé le mécanisme, dans un arrêt rendu le 11 mai, estimant qu’il était conforme aux engagements internationaux de la France et que son application ne tolérait aucune exception.
« Marge de manœuvre étroite »
Parallèlement à ces actions en justice, la CGT et Force ouvrière (FO) avaient saisi le CEDS en se prévalant de l’idée que le barème constituait une violation de l’article 24 de la Charte sociale européenne. Les deux syndicats viennent donc d’obtenir gain de cause. Dans une décision rendue « à l’unanimité » le 23 mars, le Comité européen conclut que les montants prévus dans les ordonnances de septembre 2017 « ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et [pour] être dissuasifs pour l’employeur ».
« En outre, poursuit-il, le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. » Dès lors, « le préjudice réel subi par le salarié (…) peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé ». C’est pourquoi le Comité pense que « le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, au sens de l’article 24.b de la Charte, n’est pas garanti ».
Il vous reste 37.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.