Entre luxe et désastre écologique, le paradoxe des étudiants de l’industrie des superyachts

Entre luxe et désastre écologique, le paradoxe des étudiants de l’industrie des superyachts

Des superyachts amarrés sur le « quai des milliardaires » de la ville d’Antibes, sur la Riviera française, le 3 juillet 2020.

« La créativité naît de l’angoisse comme le jour naît de la nuit noire. » « C’est dans la crise que naissent l’innovation, les découvertes et les grandes stratégies. » Massimo Paperini cite Albert Einstein en anglais devant une trentaine d’étudiants. Le professeur, qui n’est pas philosophe mais architecte naval, assure le cours « The Yacht Design of the Third Millennium » dans le cadre du master « yacht design » de l’Ecole polytechnique de Milan. Sur un grand écran, l’enseignant projette une carte de l’Italie parsemée de points rouges : « Il s’agit des aires marines protégées. L’accès aux plus belles mers de notre planète est désormais interdit aux armateurs qui ne se soucient pas de l’environnement. On compte sur vous pour maîtriser les réglementations visant à respecter les fonds marins. »

Une injonction à remettre en perspective : émissions de gaz d’échappement, utilisation de peintures contenant des substances nocives, rejet d’eaux souillées, dégradation des fonds marins… La grande plaisance est une activité intrinsèquement polluante. « Loués 225 000 euros à 1 million d’euros la semaine, consommant 2 000 litres de carburant à l’heure, les superyachts sont un miroir grossissant révélant l’envolée des inégalités économiques et l’accélération du désastre écologique », souligne Grégory Salle. L’auteur de Superyachts. Luxe, calme et écocide (éditions Amsterdam, 2021) rappelle que la seule flotte des 300 plus gros superyachts en activité émet près de 285 000 tonnes de dioxyde de carbone, soit autant voire davantage qu’un pays entier. « Aujourd’hui, les porte-parole de l’industrie du superyachting ont des préoccupations écologiques plein la bouche. Eux aussi se disent touchés par la grâce du développement durable », résume, non sans ironie, le sociologue.

« Bien sûr, un superyacht a une mauvaise empreinte carbone. Mais on ne va pas tous se mettre au paddle pour autant », dit Alexandra Illa, étudiante en yacht design

Peut-on vraiment conjuguer superyacht et sobriété ? « Les superyachts sont de plus en plus médiatisés, notamment avec la confiscation des biens des oligarques russes en raison de la guerre en Ukraine. Tant mieux : c’est une occasion à saisir pour faire évoluer le secteur », assure Dimitris Magenis, 26 ans, qui a intégré le master « yacht design » de l’Ecole polytechnique de Milan après des études d’architecture en Grèce. Avec trois camarades de promo, il s’exerce à concevoir un bateau à voile et un superyacht à moteur. L’équipe commence par imaginer le propriétaire : un banquier de 35 ans, sportif, aimant voyager dans les coins les plus reculés de la planète.

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LJD

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