L’argot de bureau : le « team bonding », des liens qui libèrent

L’argot de bureau : le « team bonding », des liens qui libèrent

L’entreprise taïwanaise Foxconn n’est pas connue pour son amour du « bonheur au travail ». Ce géant de la fabrication de composants informatiques, qui emploie plus de 1 million de personnes en Chine, a été pointé du doigt au début des années 2010 lorsqu’une vague de suicides avait révélé les réelles conditions de travail des ouvriers. Et pourtant, chaque matin, avant de s’installer sur la chaîne de montage où il est interdit de parler, les salariés criaient en cœur, avec enthousiasme, devant leurs chefs : « We are good, very good, VERY VERY GOOD ! », apprend-on dans un ouvrage de la sociologue Jenny Chan (La machine est ton seigneur et ton maître, Agone, 2015).

L’objectif de ce rituel matinal ? Rappeler aux individus qu’ils font avant tout partie d’une équipe, d’une famille soudée. C’est justement l’objectif, en management, du team bonding. Fort heureusement, en général, il n’a pas pour but de masquer des conditions de travail horribles. Si le team building – ou « construction d’équipe » – est un incontournable du phrasé managérial depuis les années 1980, avec ses activités insolites collectives hors du cadre de travail, de l’atelier smoothie à l’escape game en passant par la sculpture sur glace, son cousin le team bonding prend du galon dans l’événementiel d’entreprise.

Les deux termes sont parfois synonymes, mais leur étymologie permet de cerner la différence : le team bonding – du verbe anglais to bond, « lier » – s’adresse à des salariés qui se connaissent déjà. On peut donc le traduire par « reconnexion » ou « renforcement d’équipe ». Le bonding est en quelque sorte le service après-vente du building, le contrôle technique des relations entre collègues.

Des moments d’exception

Au-delà de la nuance sémantique, les actions ne répondent pas aux mêmes objectifs. Quand le team building se veut intellectuellement stimulant, en favorisant l’esprit de compétition – quelle équipe trouvera le trésor en premier… –, le team bonding laisse place à la convivialité : il n’a pas besoin d’être encadré par des animateurs, puisqu’il peut s’agir d’un simple dîner d’équipe ou d’un pot pour célébrer les vacances.

L’objectif est de créer des liens davantage personnels que fonctionnels, plutôt en petit comité : en se parlant de choses plus intimes, les salariés développeront la confiance et l’empathie envers leurs congénères, ce qui favorisera un climat social plus apaisé.

Le team bonding cherchera plutôt des moments d’exception, où l’on se lâche : saut en parachute, séance de « yoga du rire », escapade dans une « salle de casse » où chacun pourra évacuer ses frustrations professionnelles à grands coups de masse sur de la vaisselle ou des écrans plats… Ou encore un peu de marche sur des charbons ardents, en faisant attention à ce qu’il n’en résulte pas des brûlures pour vingt-cinq salariés, comme dans l’entreprise suisse Goldbach il y a quelques jours.

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LJD

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