Avec l’urgence climatique, des « ruptures » plus politiques chez les jeunes diplômés
Aurélie, Maxime, Hélène, Emma, Romain sortent de Polytechnique, de Sciences Po, de Centrale ou d’écoles de commerce. Ils auraient pu décrocher un emploi prestigieux et un gros salaire. Mais ils ont choisi de rompre avec des entreprises jugées trop polluantes et un capitalisme destructeur.
Pendant un an, Arthur Gosset, lui-même étudiant à Centrale Nantes, a filmé le parcours de ces jeunes, leurs tâtonnements, leurs difficultés, leurs expériences de désertion souvent douloureuses. Sorti en septembre 2021, le documentaire Ruptures a donné lieu à des centaines de projections, notamment dans les grandes écoles et les universités.
« Ce documentaire explore un mouvement de fond. J’ai rencontré près de 20 000 jeunes. A la fin des projections, les débats sont toujours animés. Comment résister aux gros salaires, aux voitures de fonction ? On a même des parents qui viennent nous remercier. Leurs enfants ont arrêté les études, ils n’osaient pas en parler. Grâce au film, ils comprennent mieux », raconte le réalisateur de 24 ans, qui a renoncé, pour sa part, à une carrière d’ingénieur en environnement.
Inquiets du creusement des inégalités et des ravages écologiques, révoltés par un monde du travail qui n’a pas tenu ses promesses de progrès social, les jeunes de la « génération Z » qui ont grandi avec la crise environnementale remettent en question la notion même de carrière.
Faut-il déserter ou tenter de changer le système de l’intérieur ? Le débat est aussi vieux que les slogans et les barricades, mais il se déploie avec une ampleur inédite sur les réseaux sociaux. Vu par près de douze millions de personnes, l’appel à la désertion prononcé par huit étudiants d’AgroParisTech, le 30 avril, lors de leur remise de diplômes, est devenu le symbole de la crise existentielle d’une fraction de cette génération. Comme l’avait été le discours de Clément Choisne, jeune diplômé de Centrales Nantes, en 2018, lors d’une cérémonie identique où il se disait « incapable de se reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur, en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation ».
« On parle d’une génération qui a vu ses parents travailler toute leur vie dans la même boîte, pour ensuite se faire virer par un simple mail. Qui a vu ses grands frères investir le monde de l’entreprise avec le désir de le changer, mais finir en burn-out », déroule Arthur Gosset.
Dans les entreprises, le rapport de force s’est inversé, et les responsables de recrutement sont désarçonnés, poursuit-il : « Avant, un ingénieur acceptait un emploi pour une usine de SUV électriques sans trop se poser de questions. Aujourd’hui, il veut en savoir davantage sur le processus de fabrication, porte un regard critique sur l’incitation à la consommation. Les plus engagés vont jusqu’à démissionner. »
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