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Retraites : les militants de la CFDT bousculent Laurent Berger, leur numéro un

Laurent Berger à l’ouverture du 50e congrès de la CFDT, à Lyon, le 13 juin 2022.

Les militants de la CFDT viennent d’adresser une énergique mise en garde à leur numéro un, Laurent Berger, et à la garde rapprochée de celui-ci, sur la question des retraites. Réunis en congrès à Lyon depuis lundi 13 juin, les syndicats de la centrale cédétiste ont obtenu, jeudi, contre l’avis de leurs instances confédérales, que la feuille de route de leur organisation soit réécrite, car ils la jugeaient ambiguë : à leurs yeux, ce texte – appelé « résolution générale » en interne – pouvait laisser penser qu’ils étaient prêts à accepter un allongement de la durée de cotisation pour toucher une pension à taux plein. Ils ont voulu fermer la porte à cette hypothèse en défendant un amendement qui a été adopté par un peu plus de 67 % des voix. Une majorité très nette, qui montre que de nombreux adhérents attendent un positionnement très ferme de leurs leaders face au projet d’Emmanuel Macron de faire « travailler plus longtemps » la population.

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Le débat s’est focalisé sur quelques mots de la résolution générale qui réaffirment que la CFDT admet un accroissement de la durée de cotisation pour répondre à l’augmentation de l’espérance de vie. De la part des cédétistes, il s’agit d’une position constante depuis au moins une dizaine d’années. Elle avait d’ailleurs amené la confédération à donner son imprimatur à la « loi Touraine » de janvier 2014, qui fait graduellement passer à 172 trimestres la durée d’affiliation requise pour percevoir une pension à taux plein.

Mais la formulation retenue dans la résolution a été jugée équivoque, notamment par le syndicat Interco-CFDT de la Somme. Elle « pourrait alimenter une réforme injuste, surtout en ce moment », comme l’a précisé, jeudi après-midi, son secrétaire général, Arnaud Espel, dont l’intervention a été très applaudie par l’assistance. « Est-ce bien à nous et, surtout, est-ce bien le moment de revenir sur les paramètres ? », s’est-il interrogé. D’autres composantes de la centrale avaient exprimé les mêmes appréhensions, à la veille de l’ouverture du congrès.

« En phase avec l’opinion »

Frédéric Sève, secrétaire national chargé du dossier, a essayé de dissiper ces craintes, en rappelant que la phrase incriminée ne faisait que « reprendre » une doctrine forgée il y a longtemps. « Elle est toujours d’actualité, elle nous identifie, elle est cohérente avec nos valeurs, elle est en phase aussi avec l’opinion, a-t-il plaidé. Nous n’avons pas besoin d’en changer pour contrer des projets du gouvernement, bien au contraire. »

La veille, M. Berger avait mis les points sur les « i » encore plus clairement. « Nous n’avons pas (…) l’intention de valider un allongement de la durée de cotisation au-delà de ce qui est prévu par la loi Touraine, qui prendra son plein effet en 2034 », avait martelé le secrétaire général de la confédération. Et de lancer à la salle : « Mes amis, pas d’alerte inutile, pas de mauvais débats entre nous, pas de peur sans fondement. »

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« S’il fait trop chaud, on s’arrête », dans le BTP des chantiers freinés par la canicule

Un homme se rafraîchit avec de l’eau alors qu’il travaille sur un chantier de construction à Merignac, près de Bordeaux, le 14 juin 2022.

La soirée électorale de Francis Dubrac, président de Dubrac TP, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) – « quatre cents bonshommes, une cinquantaine de chantiers en Ile-de-France » –, a pris une autre tournure, dimanche 12 juin, au moment de la diffusion du bulletin météo annonçant des fortes chaleurs partout en France, en fin de semaine. Dès lundi matin, il adressait une note de service « alerte canicule » à tous ses chefs de chantier pour les inciter à surveiller les coups de chaleur chez leurs ouvriers et leur rappeler la conduite à tenir au moindre mal de tête. L’eau est disponible à volonté, mais là, insiste-t-il, 3 litres minimum doivent être distribués par personne.

Le même jour, un semi-remorque de palettes de bouteilles d’eau a été livré au dépôt principal de la société Fayolle, à Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise) – cinq cents salariés, une centaine de chantiers autour de Paris. Pour les ouvriers les plus exposés, comme ceux qui étalent de l’enrobé ou de l’asphalte à 180 °C, la journée de travail pourra démarrer dès 6 heures et se terminer à midi, explique Christophe Rogron, directeur travaux publics de l’entreprise. « On applique ces règles depuis une vingtaine d’années. La canicule de 2003 a laissé des traces. »

Des horaires plus matinaux

Décaler les horaires, programmer les tâches les plus physiques à la fraîche, boire avant d’avoir soif, se rafraîchir régulièrement, ce n’est ni plus ni moins que la recommandation de l’Organisme de prévention des branches professionnelles du BTP. « Ensuite, on adapte. ça n’est pas la même chose si le chantier est en ville, à la campagne, sous les arbres ou non », poursuit le directeur de Fayolle. Les chantiers en France ne sont toutefois pas encore organisés comme à Dubaï, où le travail commence à l’aube, s’arrête à midi, et reprend en fin d’après-midi, parfois jusqu’à 22 heures. « En zone habitée, nous ne pouvons pas faire de bruit le matin, ni tard le soir », explique M. Dubrac. « La réglementation interdit de faire du bruit entre 22 heures et 6 heures. Mais, en zone dense, avant 8 heures, ça n’est pas très accepté ; 7 h 30, on y arrive, mais 6 heures, jamais, relève Philippe Servalli, le président de la Fédération française du bâtiment Grand Paris Ile-de-France. Par ailleurs, comment demander aux compagnons d’arriver tôt si le métro ne circule pas ? Tout cela demande une réflexion globale. »

Le code du travail ne donne pas de température seuil au-delà de laquelle l’activité est interdite, mais les employeurs sont tenus de veiller à la sécurité et à la santé de leurs salariés. Dans certains cas, la climatisation a tout changé. Les grutiers travaillent désormais au frais, dans leur cabine, tout comme les conducteurs de pelles. Les couvreurs et les étancheurs, profession moins connue mais très exposée aux fortes chaleurs puisqu’il s’agit de dérouler des bandes de bitume noires ou réfléchissantes sur les toitures et de les souder au chalumeau, n’ont pas ce privilège. Tout au plus peuvent-ils monter une glacière sur le toit. « Pour nous couvreurs, il n’y a pas de sujet, explique Guillaume De Koninck, 43 ans dont vingt-sept passés sur les toits de Paris et d’Ile-de-France. S’il fait trop chaud, on s’arrête. Il y a déjà peu de candidats pour faire notre métier, si en plus je ne fais pas travailler les gars dans de bonnes conditions, je ne m’en sortirai pas. »

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Avec l’urgence climatique, des « ruptures » plus politiques chez les jeunes diplômés

Aurélie, Maxime, Hélène, Emma, Romain sortent de Polytechnique, de Sciences Po, de Centrale ou d’écoles de commerce. Ils auraient pu décrocher un emploi prestigieux et un gros salaire. Mais ils ont choisi de rompre avec des entreprises jugées trop polluantes et un capitalisme destructeur.

Pendant un an, Arthur Gosset, lui-même étudiant à Centrale Nantes, a filmé le parcours de ces jeunes, leurs tâtonnements, leurs difficultés, leurs expériences de désertion souvent douloureuses. Sorti en septembre 2021, le documentaire Ruptures a donné lieu à des centaines de projections, notamment dans les grandes écoles et les universités.

« Ce documentaire explore un mouvement de fond. J’ai rencontré près de 20 000 jeunes. A la fin des projections, les débats sont toujours animés. Comment résister aux gros salaires, aux voitures de fonction ? On a même des parents qui viennent nous remercier. Leurs enfants ont arrêté les études, ils n’osaient pas en parler. Grâce au film, ils comprennent mieux », raconte le réalisateur de 24 ans, qui a renoncé, pour sa part, à une carrière d’ingénieur en environnement.

Inquiets du creusement des inégalités et des ravages écologiques, révoltés par un monde du travail qui n’a pas tenu ses promesses de progrès social, les jeunes de la « génération Z » qui ont grandi avec la crise environnementale remettent en question la notion même de carrière.

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Faut-il déserter ou tenter de changer le système de l’intérieur ? Le débat est aussi vieux que les slogans et les barricades, mais il se déploie avec une ampleur inédite sur les réseaux sociaux. Vu par près de douze millions de personnes, l’appel à la désertion prononcé par huit étudiants d’AgroParisTech, le 30 avril, lors de leur remise de diplômes, est devenu le symbole de la crise existentielle d’une fraction de cette génération. Comme l’avait été le discours de Clément Choisne, jeune diplômé de Centrales Nantes, en 2018, lors d’une cérémonie identique où il se disait « incapable de se reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur, en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation ».

« On parle d’une génération qui a vu ses parents travailler toute leur vie dans la même boîte, pour ensuite se faire virer par un simple mail. Qui a vu ses grands frères investir le monde de l’entreprise avec le désir de le changer, mais finir en burn-out », déroule Arthur Gosset.

Dans les entreprises, le rapport de force s’est inversé, et les responsables de recrutement sont désarçonnés, poursuit-il : « Avant, un ingénieur acceptait un emploi pour une usine de SUV électriques sans trop se poser de questions. Aujourd’hui, il veut en savoir davantage sur le processus de fabrication, porte un regard critique sur l’incitation à la consommation. Les plus engagés vont jusqu’à démissionner. »

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« Pour un travail social indiscipliné » : les ressorts de l’insoumission

Le travail social ? « Le contraire d’un long fleuve tranquille, un champ de bataille, un monde désordonné », assure Marcel Jaeger, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) dans la préface de l’ouvrage Pour un travail social indiscipliné. De fait, cet essai de Jean-Louis Laville, sociologue et économiste au CNAM, et d’Anne Salmon, philosophe et sociologue au CNAM, nous présente un secteur d’activité vibrant, traversé par d’intenses réflexions et débats sur ce qui doit définir ses actions.

Une question centrale résume cette introspection : « Quelles pratiques, quelles méthodes, quelles théories peuvent entrer en dialogue fructueux pour avancer vers des interventions au sein desquelles un ensemble élargi d’acteurs – personnes accompagnées, praticiens spécialistes du travail social, chercheurs en sciences sociales – réfléchissent et agissent effectivement de concert ? »

C’est cette problématique de l’association des acteurs en présence qui est à la source de l’ouvrage, et tout particulièrement celle de l’implication des publics bénéficiaires dans la conception des actions sociales. Car, les auteurs le rappellent, nous sommes à un moment charnière, caractérisé par « une forte demande de participation et de prise en compte des savoirs expérientiels » et où « les publics aspirent plus que jamais à être reconnus comme des citoyens, des sujets pensants et agissants ». L’ouvrage questionne donc le passage du « agir sur » au « agir avec les publics ».

Pour ce faire, M. Laville et Mme Salmon engagent une démarche épistémologique et proposent aux lecteurs de remonter le temps, pour saisir comment différents courants de pensée ont structuré les modalités d’action du travail social jusqu’à nos jours. Ce « travail critique » s’intéresse notamment à la philosophie de Platon et à la métaphysique classique inaugurée par Descartes (1596-1650).

Une soif de projets participatifs

Les théories élitistes de la connaissance y trouvent leur origine. Le savoir est perçu comme immuable, fruit de la théorie et non de la pratique, et ne peut être délivré par « l’homme ordinaire ». Le sociologue Emile Durkheim (1858-1917) « ne dit pas autre chose », soulignent les auteurs, qui le citent : « La vie sociale doit s’expliquer non par la conception que s’en font ceux qui y participent, mais par des causes profondes qui échappent à la conscience. » Un héritage culturel qui invite à ne pas intégrer les personnes accompagnées à la réflexion sur l’action sociale.

Impossible, sur de telles bases, de « construire des interventions de type participatif ». Pour autant, l’essai met en lumière plusieurs évolutions jugées favorables. Des courants de pensée, tout d’abord, qui invitent à « délaiss[er] la science en surplomb pour lui préférer une science en action » et à procéder à une « émancipation » face aux modèles en place. L’objectif étant de développer « une intervention sociale indisciplinée se défiant des orthodoxies ».

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« L’arrivée de diplômés d’écoles de commerce à la direction des entreprises a fait baisser les salaires »

L’accélération récente de l’inflation remet la question du pouvoir d’achat au centre des débats. Les responsables sont tout trouvés : guerre en Ukraine, difficultés logistiques et productives liées à la pandémie de Covid-19. Mais il y a deux parties à l’équation du pouvoir d’achat : les prix des biens, et les salaires. Or, l’impact des crises sanitaire et ukrainienne serait peut-être moins douloureux si les salaires n’avaient pas subi un effritement continuel depuis les années 1980 (et aussi, bien sûr, si nous avions pris la transition énergétique plus au sérieux et plus en avant). Rappelons-nous : les revendications de pouvoir d’achat des « gilets jaunes » étaient là bien avant ces crises.

Aux Etats-Unis, alors que les salaires ont augmenté de 2 % en valeur réelle par an en moyenne entre les années 1950 et 1970, ils n’ont augmenté que de 0,3 % par an depuis 1980 (« Eclipse of Rent-Sharing: The Effects of Managers’ Business Education on Wages and the Labor Share in the US and Denmark », Daron Acemoglu, Alex Xi He et Daniel Le Maire, National Bureau of Economic Research, 2022).

La France ne fait guère mieux : + 0,6 % depuis les années 1990 (Insee, bases « Tous salariés », séries longues sur les salaires, 2019). Et ce malgré de forts gains de productivité. Ainsi, la part de la valeur ajoutée allouée aux travailleurs a baissé, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France et même dans les pays réputés pour leur modèle social, comme le Danemark. Le solde allant au capital, c’est-à-dire les actionnaires.

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Les auteurs de l’étude américaine mettent en avant une explication nouvelle à ces évolutions : l’arrivée de diplômés de business schools, les écoles de commerce, à la direction des entreprises. En 1980, seulement 26 % des entreprises aux Etats-Unis étaient dirigées par un diplômé d’école de commerce ; c’est le cas aujourd’hui de 43 % d’entre elles. Cette augmentation est presque entièrement due à la part des chefs d’entreprise détenteurs d’un MBA (dont 20 % délivrés par Harvard). Or, qu’apprend-on dans une école de commerce et dans un MBA ? A réduire les coûts afin de créer de la valeur pour les actionnaires. Et que les salaires sont un coût comme un autre.

Rémunération plus importante

Quand un de ces diplômés remplace un dirigeant détenteur d’un autre diplôme (d’ingénieur par exemple), les salaires baissent de 5 % et la part de la valeur ajoutée allouée aux travailleurs de 6 %. Les effets sont similaires… au Danemark. Les auteurs ont bien sûr vérifié que les entreprises dans lesquelles s’effectuent ces changements de direction sont sur une trajectoire économique similaire aux autres, autrement dit qu’elles ne changent pas de directeur parce qu’elles sont en difficulté…

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Temps partiels, bas salaires, âge du permis D… les multiples causes de la pénurie de conducteurs scolaires

Dépôt de la compagnie de transport Linévia, à Missiriac (Morbihan), le 9 juin 2022.

De multiples facteurs expliquent la pénurie de main-d’œuvre dans le transport scolaire, entre autres branches du transport en tension. A commencer par l’organisation du métier, qui le rend peu attractif : à temps très partiel, avec des horaires contraignants rendant difficile le cumul avec un autre emploi, et faiblement rémunéré.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés « Ça en fait des petites têtes à ramasser dans nos campagnes » : dans le Morbihan, cherche conducteurs de cars scolaires désespérément

S’ajoute une pyramide des âges vieillissante (51 ans en moyenne, contre 43 ans dans les autres métiers de la route), pour une profession considérée comme « de reconversion ». Elle est exercée notamment par des retraités de l’armée ou du civil désireux de compléter leurs pensions. Et l’abaissement de l’âge légal du permis D de 21 ans à 18 ans, en 2021, est encore trop récent pour avoir eu un effet.

La crise sanitaire a noirci un peu plus le tableau. Alors que le turnover était déjà important, la suspension du transport et des sorties scolaires a entraîné des départs vers le transport de marchandise et l’urbain, mieux rémunérés. Les formations ont, elles aussi, été suspendues, entraînant des retards. Conséquence de la pénurie : « Certaines entreprises refusent le marché, de peur de ne pouvoir assurer leurs lignes scolaires – elles encourent le cas échéant des pénalités financières », alerte Jean-Sébastien Barrault, président de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), estimant qu’il manquera au moins 8 000 conducteurs à la rentrée.

Une filière d’apprentissage spécialisée

La crise liée au Covid-19 est aussi venue percuter des PME fragiles, qui doivent aujourd’hui faire face, en sus, à l’explosion des prix du carburant. « Entre les départs en retraite et les démissions, avec minimum trois mois pour former un conducteur, les recrutements en cours ne sont pas assez importants pour couvrir le besoin », selon M. Barrault.

Les acteurs de la filière et les autorités en charge des transports planchent pour rendre les contrats des chauffeurs plus attractifs, notamment en cherchant les moyens d’augmenter le volume d’heures travaillées.

Parmi les pistes : le décalage des horaires d’entrée et de sortie des établissements scolaires (lycées, collèges, primaires) à l’échelle d’un bassin de vie afin de permettre d’enchaîner deux circuits avec le même véhicule et le même conducteur, ce qui permettrait d’augmenter la durée des contrats de travail. Cette option va être expérimentée dans le Grand-Est, dans le cadre d’une charte signée, en mars, avecles ministères du travail, des transports et de l’éducation nationale d’alors, et les autres branches du transport, visant à réduire les tensions de recrutement dans les prochaines années. Une filière d’apprentissage spécialisée (CAP) est aussi en cours de chantier avec l’éducation nationale.

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A 36 500 euros par an, les salaires des jeunes diplômés des grandes écoles repartent à la hausse

CentraleSupelec

Après le « trou d’air » de l’année 2021, le marché de l’emploi sourit de nouveau aux jeunes diplômés des grandes écoles. « Tous les secteurs sont en recherche : l’industrie, la banque, l’assurance, le conseil… Il y a en ce moment de gros besoins de recrutement », se réjouit Laurent Champaney, président de la Conférence des grandes écoles et directeur de l’Ecole nationale supérieure des arts et métiers.

L’enquête portant sur les élèves sortis en 2021, publiée mercredi 15 juin, montre un vrai changement par rapport à la même étude réalisée un an auparavant. Il faut dire que la promotion 2020 avait souffert des effets de la crise sanitaire. Son taux d’emploi avait dévissé : il était de 79 % six mois après leur sortie d’école, contre 90 % pour la promotion 2021.

Au moment de l’enquête (en début d’année 2022), 89 % des interrogés étaient en CDI. « Les principaux indicateurs ont retrouvé leur niveau d’avant-crise. Le contexte est très favorable aux jeunes diplômés », commente Nicolas Glady, directeur de Telecom Paris.

Les rémunérations en témoignent. Pour la promo en 2021, le salaire brut annuel s’élève à 36 550 euros en moyenne, contre 35 460 euros lors de la même enquête il y a un an. Une progression à prendre avec des pincettes : en euros constants, le salaire d’embauche des diplômés des grandes écoles est légèrement à la baisse depuis quinze ans.

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L’apprentissage continue sa percée

Sans surprise, les secteurs qui paient le mieux sont les activités financières et les assurances. Les jeunes ingénieurs qui ont choisi de commencer leur carrière dans cet univers gagnent en moyenne 42 800 euros. Pour les diplômés d’écoles de commerce, c’est encore plus : la moyenne se situe à 45 300 euros.

En bas du tableau figurent l’industrie textile, l’audiovisuel, ou encore le commerce : les salaires perçus par la promotion 2021 dans ces secteurs tournent autour de 34 000 euros par an. Du côté des ingénieurs, les salaires les moins élevés concernent les diplômés travaillant dans la recherche et le développement. Ou bien ceux qui officient dans l’agroalimentaire (31 800 euros par an), qui est aussi le secteur où la part de femmes est la plus importante.

C’est dans le secteur de la banque et des assurances que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont les plus forts

Globalement, les diplômés des écoles de commerce sont un peu mieux payés (+6 %) que ceux qui sortent des écoles d’ingénieurs. Mais de manière persistante, les femmes continuent, dès leur sortie d’école, à percevoir des salaires inférieurs aux hommes : par an, les diplômées touchent 1 760 euros de moins que leurs confrères. La Conférence des grandes écoles a cartographié les domaines où les différences entre hommes et femmes sont les plus importantes : c’est dans le secteur de la banque et des assurances que les écarts sont les plus forts.

En outre, les diplômés sont de moins en moins nombreux à s’expatrier après leurs études. La part de ceux qui sont en poste à l’étranger est en baisse tendancielle depuis quelques années : elle concerne 11,7 % de la promotion 2021, alors qu’il y a dix ans, ce taux oscillait autour de 15 %. En haut du podium des destinations : la Suisse, qui a dépassé le Royaume-Uni. Figurent derrière le Luxembourg et l’Allemagne. Chez les Helvètes, les salaires des jeunes diplômés atteignent des sommets : ceux qui ont répondu à l’enquête déclarent en moyenne 69 600 euros bruts par an.

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Enfin, l’apprentissage continue sa percée dans le monde de l’enseignement supérieur, alors même que l’effet des aides récentes n’est pas totalement visible dans les chiffres de cette année. Ce mode d’étude devient de plus en plus fréquent : 36 % des diplômés des écoles de commerce ont suivi leur dernière année de master en alternance, et 14 % des ingénieurs.

Canicule : comment les salariés sont-ils protégés ?

Sur un chantier de construction à Mérignac, près de Bordeaux, le 14 juin 2022.

Qu’il soit dans un préfabriqué sans climatisation, sur un échafaudage, sur le toit d’une maison ou les pieds dans l’asphalte ramolli par la chaleur, en période de canicule, le salarié est menacé par le « coup de chaleur », « une défaillance aiguë de la thermorégulation associant une hyperthermie majeure (température corporelle au-dessus de 40 °C) et des signes neurologiques et notamment : troubles du comportement, confusion mentale, délire, troubles de la conscience, voire coma », décrit l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Pour éviter d’en arriver là, comment se protéger au travail ? Le juriste Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit à Paris-I-Panthéon-Sorbonne, rappelle le cadre légal.

Y a-t-il une température maximale au-delà de laquelle le salarié est dispensé de travailler ?

Le code du travail ne prévoit pas de seuil de température maximum pour travailler. L’INRS indique toutefois trois seuils de risque pour la santé des salariés : 28 °C pour un travail physique, 30 °C pour un travail de bureau, 33 °C au-delà desquels les risques augmentent verticalement.

Quels types de précautions peut prendre l’employeur ?

Il faut d’abord faire preuve de bon sens. Dans le BTP, par exemple, en faisant travailler les salariés aux heures les moins chaudes, en organisant des rotations des tâches ou en augmentant la fréquence des pauses. Et que les pauses soient prises dans un espace climatisé, car cela permet au corps de retrouver sa température. Le code du travail précise que les salariés doivent avoir à leur disposition de l’eau potable et fraîche et que les locaux fermés doivent être ventilés. Lorsque des conditions particulières de travail amènent les salariés à se désaltérer fréquemment, l’employeur doit leur mettre à disposition au moins une boisson non alcoolisée.

A quelles conditions un salarié peut-il exercer son droit de retrait ?

Dès qu’il a un motif raisonnable de penser qu’il existe un danger grave et imminent pour sa santé. Ce qui est très subjectif, car une personne à forte corpulence est par exemple beaucoup plus sensible à la chaleur qu’une autre. Ce droit de retrait peut également être exercé collectivement, ce qui a plus de poids. Quoi qu’il arrive, le salarié continue d’être rémunéré. Mais, même en cas de canicule, le salarié n’a pas droit à une totale liberté vestimentaire. La jurisprudence Cédric M. de 2003 en témoigne : vendeur, il a été licencié pour être venu travailler en bermuda.

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Pourquoi les employeurs sont réticents au télétravail depuis l’étranger

Carnet de bureau. Londres, New York et Bangalore, dans le sud de l’Inde, seraient, dans cet ordre, les villes dotées de la meilleure infrastructure pour télétravailler, selon une étude publiée fin mai par la plate-forme de recrutement international WorkMotion. De quoi faire voyager les nomades numériques, mais pas tous les salariés. En effet, la plupart des DRH du CAC 40 ne veulent pas du télétravail depuis l’étranger, confiait récemment au Monde l’un d’entre eux.

Une large majorité (60 %) des dirigeants d’entreprises d’au moins vingt salariés interrogés en mai par OpinionWay pour la plate-forme Remoters estime que la mise en place du télétravail depuis l’étranger est « impossible », et 16 % s’y opposent. Paradoxalement, c’est dans le secteur de l’industrie qu’ils l’envisageraient, plus volontiers que dans les services, et évidemment pas pour toutes les catégories de salariés. A partir d’un effectif de 50 personnes, les chefs d’entreprise sont encore plus frileux face à ce mode d’organisation du travail sans frontières : 65 % le jugent « impossible ».

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Les freins avancés pour les activités éligibles : une perte de contrôle sur le salarié, la crainte d’une baisse de la productivité et de la qualité du travail, et de nouvelles complexités (contrats de travail, couverture sociale, décalage horaire, etc.). Le recours à des personnes travaillant de l’étranger grâce aux technologies numériques pose de nombreuses questions en matière de réglementation et de droit du travail. Les entreprises doivent s’adapter en fonction de l’endroit où elles emploient leur main-d’œuvre, expliquait, fin mai, l’économiste Nela Richardson dans une interview à l’AFP en marge du Forum de Davos.

Une gestion par pays

Pourtant, les chefs d’entreprise y voient aussi des avantages pour faciliter le recrutement : 14 % reconnaissent que c’est une motivation supplémentaire pour les salariés et 12 % considèrent que ce mode de travail renforce l’attractivité de l’entreprise. Alors que les cadres sont de plus en plus difficiles à recruter, selon le dernier baromètre de l’Association pour l’emploi des cadres publié le 7 juin, la piste n’est pas à négliger.

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Mais, même au sein des partisans du 100 % télétravail, passer la frontière reste compliqué. Le spécialiste de la gestion de paie en ligne PayFit, en télétravail total dans l’Hexagone, a ainsi ouvert, en mai, son deuxième hub à Barcelone : un site implanté sous le soleil d’Espagne pour y attirer des commerciaux français. Y sont à pourvoir 500 nouveaux postes en 2022. « On espère être 1 300 à la fin de l’année. Nos salariés sont très intéressés par une expérience à l’étranger. Avec une population jeune, on a besoin de donner énormément de flexibilité. Mais, à Barcelone, ils sont sous contrat espagnol », explique le directeur des opérations, Thomas Jeanjean.

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« Grande démission » : les Etats-Unis inventent l’entretien de fidélisation

L’envie de quitter son emploi a fait des ravages aux Etats-Unis. En 2021, près de 48 millions d’Américains ont participé au mouvement de la « grande démission ». Et cette année encore, les départs sont massifs : 4,5 millions en mars, 4,4 millions en avril… D’où les sueurs froides des services de ressources humaines des entreprises qui cherchent frénétiquement comment retenir les meilleurs.

« Avant la pandémie, c’est l’employeur qui détenait le pouvoir. Mais aujourd’hui la balance penche en faveur des employés », souligne Brooks Holtom, professeur de la McDonough School of Business à l’université Georgetown. C’est pourquoi depuis quelques mois un nombre croissant d’employeurs tentent de mieux saisir l’état d’esprit de leurs troupes, espérant ainsi les garder bien au chaud dans l’entreprise.

Un café ou une promenade

Et pour comprendre, on pose des questions. Cela s’appelle la stay interview, littéralement « l’interview pour rester » ou encore « l’entretien de fidélisation ». Paul Lewis, responsable clientèle du moteur de recherche Adzuna (100 salariés) conseille une conversation très informelle. On va prendre un café, ou on fait une promenade. Le face-à-face se veut régulier, environ tous les trois mois.

Brian Kropp, l’expert en ressources humaines du groupe d’études Gartner évoque lui aussi un entretien « semi-structuré », à un moment où justement le risque de départ se fait plus sentir. L’analyste cite l’anniversaire du salarié, l’arrivée d’un nouveau chef ou encore une réunion d’anciens copains de classe, comme d’éventuels « déclencheurs » d’une envie d’aller voir ailleurs. Les questions se veulent simples, amicales, sans aucun risque de représailles. « Comment vous sentez-vous ? Qu’est-ce qui vous fait venir au bureau ? Y a-t-il quelque chose qui vous déplaît ? Comment voyez-vous votre carrière à terme ? », suggère M. Lewis.

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Kate Grimaldi, responsable talents de Paylocity, un éditeur de logiciels pour les ressources humaines (5 000 employés) pousse l’enquête un peu plus loin. « Qu’est-ce qui vous inciterait à regarder ailleurs ? Est-ce que vous vous sentez reconnu ? Voulez-vous faire autre chose ? » Et d’ajouter son interrogation préférée : « Si vous partez demain, que se passera-t-il ? » « Lorsqu’on me répond “personne ne s’en apercevra”, je vois tout de suite que l’employé est démobilisé et qu’il n’a plus de liens avec son équipe. »

Qui devrait réaliser l’entretien ? Le plus souvent le chef de service. « Si le salarié est jeune, sa plus grande préoccupation est le développement de sa carrière, dit le professeur Holtom. Et 70 % du développement dépend du poste de travail. Son manageur doit être impliqué. » « Les gens ne quittent pas leur entreprise, ils quittent leur manageur », renchérit Annette Reavis, la responsable des ressources humaines de la plate-forme de gestion du travail Envoy (deux cent soixante-quinze personnes) en Californie.

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