En Belgique, Johan me raconte : « Dès qu’ils savent d’où vous venez, c’est terminé. Ils ne regardent même pas votre lettre de motivation. » L’homme d’une cinquantaine d’années sait que les employeurs écartent ses candidatures dès le moment où l’adresse figurant sur son CV leur indique la localité d’où il vient. « Des journalistes sont venus ici et la façon dont ils ont présenté notre quartier lui a donné mauvaise réputation. Les employeurs nous ferment la porte au nez, sans explication. » D’autres personnes comme Johan se joignent à la conversation et rapportent des expériences similaires ou acquiescent en silence.
Les vécus de ces personnes – les attitudes de mépris, les remarques condescendantes des travailleurs sociaux et des médecins, la méfiance exprimée par les propriétaires ou les employeurs – sont autant d’exemples de discriminations pour précarité sociale. Ces attitudes et ces comportements négatifs à l’égard des personnes en situation de pauvreté font partie de leur expérience quotidienne. Elles empêchent celles-ci de pleinement exercer leurs droits, qu’il s’agisse d’accéder aux soins de santé, de louer un appartement ou de trouver un emploi.
Les discriminations pour précarité sociale sont courantes sur le marché du travail. En France, des testings, menés en 2013 par ATD Quart Monde, ont montré que les candidats avaient moins de chances d’être sélectionnés lorsque leur candidature indiquait un passage en centre d’hébergement ou en entreprise d’insertion, deux indices signalant la précarité.
Aux Etats-Unis, les employeurs refusent souvent d’envisager les candidatures de personnes vivant dans des centres pour sans-abri. Dans les secteurs à bas salaire, les employeurs sont moins enclins à embaucher des candidats vivant dans des zones plus éloignées du lieu de travail, craignant que ces candidats soient moins disponibles, ce qui est souvent le cas des personnes en situation de pauvreté.
Des personnes qui deviennent invisibles
Enfin, les entreprises hésitent souvent à engager des candidats restés sans emploi durant de longues périodes, parce que les patrons les perçoivent, à tort, comme manquant de motivation.
Ces discriminations perpétuent la pauvreté. Elles privent les personnes en pauvreté de leur droit au travail. Elles privent nos sociétés des talents, des compétences et des connaissances de ces personnes. Elles réduisent la diversité du monde du travail et finissent par couper les personnes en pauvreté du reste de la société : elles deviennent invisibles.
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Attention, terrain miné. Dans le cadre de la « concertation » qu’il a ouverte, depuis un peu plus d’un mois, sur la réforme des retraites, le gouvernement s’apprête à traiter l’une des questions les plus sensibles : les régimes spéciaux de pensions. Le sujet doit, en effet, être abordé, à partir du mardi 15 novembre, avec les partenaires sociaux, à l’occasion d’un « deuxième cycle » de discussions centré sur « l’équité et la justice sociale ». Avant même le début des échanges relatifs à cette thématique, plusieurs scénarios émergent d’ores et déjà.
La démarche de l’exécutif correspond à une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Dans son programme pour l’élection présidentielle, celui-ci s’est engagé à mener à bien « la suppression des principaux régimes spéciaux » pour les individus travaillant chez certains employeurs – en particulier la RATP et les entreprises des industries électriques et gazières (IEG), dont EDF. Il avait précisé que les changements s’opéreraient « comme nous l’avons fait pour la SNCF ». Depuis le 1er janvier 2020, le « statut » de la société ferroviaire, qui permet de bénéficier de règles particulières, notamment en matière de protection sociale (retraite, assurance-maladie, invalidité, etc.), ne s’applique plus aux nouveaux embauchés. En revanche, il continue de prévaloir pour les personnels déjà en place, en s’éteignant progressivement à mesure que ceux-ci s’en vont. C’est ce qu’on appelle « la clause du grand-père ».
Le président de la République s’attaque ainsi à un corpus de dispositions dérogatoires, régulièrement décriées : parmi elles, il y a la possibilité offerte à ces catégories de salariés de réclamer le versement de leur pension plus tôt que dans le reste du privé et que pour la plupart des fonctionnaires. Ainsi, l’âge moyen de départ à la retraite est de 60 ans dans les IEG et légèrement inférieur à 57 ans pour les agents de la RATP, d’après le ministère du travail.
Subventions de l’Etat
La controverse se nourrit également des subventions que l’Etat apporte pour assurer l’équilibre financier de ces régimes (par exemple 700 millions d’euros, s’agissant de la RATP). Dans un rapport remis en juillet 2019, la Cour des comptes avait recommandé une remise à plat de ces singularités, car elles soulèvent « un problème d’acceptabilité par le reste de la communauté nationale ».
Quelques heures avant le démarrage du « deuxième cycle de la concertation » sur les retraites, Olivier Dussopt, le ministre du travail chargé du dossier, a balisé la réflexion à venir. Dans un entretien mis en ligne, lundi, sur le site Internet du quotidien Les Echos, il confirme que la réforme s’appliquera aux régimes des IEG et de la RATP, « voire [à] celui de la Banque de France ». La liste des employeurs concernés sera discutée avec les syndicats et le patronat, sachant qu’il a déjà été décidé de ne pas remettre en cause les dispositifs propres aux marins, à la Comédie-Française et aux danseurs de l’Opéra de Paris : il s’agit de « métiers très particuliers qui usent les corps », justifie le ministre.
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La stagnation était attendue, elle se confirme. Au troisième trimestre, le nombre de chômeurs, au sens du Bureau international du travail (BIT), a très légèrement baissé : – 17 000 sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte) par rapport au trimestre précédent, selon les statistiques diffusées, mardi 15 novembre, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le taux de chômage est donc quasi stable (– 0,1 %) et s’établit désormais à 7,3 % de la population active pour 2,252 millions de personnes. « Le taux de chômage oscille entre 7,3 % et 7,4 % depuis le quatrième trimestre 2021, à un niveau inférieur de 0,9 point à celui d’avant la crise sanitaire », indique l’Insee. Il a légèrement augmenté (+ 0,3 point) pour les jeunes (15-24 ans), à 18,3 %, et reste stable (– 0,1 point) pour les 25-49 ans et pour les 50 ans ou plus, respectivement à 6,5 % et 5,1 %.
Si cette stabilisation du taux de chômage était prévisible compte tenu des 89 400 emplois supplémentaires dans le secteur privé au troisième trimestre, elle n’en est pas moins surprenante. Alors que la croissance française est atone (+ 0,2 % du produit intérieur brut), le marché de l’emploi continue de résister. Malgré la crise énergétique et la guerre en Ukraine, il n’y a toujours pas de retournement de tendance. Le taux d’emploi des 15-64 ans augmente ainsi de 0,3 point au troisième trimestre et atteint 68,3 %. Il se situe 0,8 point au-dessus de son niveau d’il y a un an « et à son plus haut niveau depuis que l’Insee le mesure », en 1975, selon le communiqué de l’institut. « Il faut se féliciter de cette situation, indique Gilbert Cette, professeur d’économie à la Neoma Business School. Mais lorsque l’emploi augmente plus fortement que la croissance, cela signifie qu’il y a une évolution négative de la productivité. » Même interrogation chez Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « C’est assez incompréhensible d’avoir autant de créations d’emploi compte tenu de notre croissance. »
Les bons résultats de l’alternance
Le taux d’emploi augmente de 0,1 point pour les jeunes (15-24 ans), à 34,9 %, et atteint son plus haut niveau depuis 1990, « notamment du fait des contrats en alternance », selon l’Insee. Car l’apprentissage est une des raisons pour lesquelles le marché de l’emploi continue de tenir bon. Les bons résultats de l’alternance entraînent notamment une baisse (– 34 000 personnes) du « halo autour du chômage » – les personnes désirant retourner sur le marché de l’emploi mais qui ne sont pas considérées comme chômeuses par le BIT –, à 1,8 million de personnes, selon les données de l’Insee. « Les apprentis ne passent pas par la case chômage mais vont directement sur le marché de l’emploi », précise Eric Heyer.
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Le directeur général d’Amazon Andy Jassy, à Las Vegas, en décembre 2019. Jusqu’alors à la tête des services numériques de l’entreprise, il a succédé en 2021 au fondateur Jeff Bezos. ISAAC BREKKEN / AP
Après Meta ou Twitter, Amazon va, à son tour, licencier plusieurs milliers de personnes, à partir de cette semaine. Le nombre précis des départs – non confirmés par l’entreprise – pourrait atteindre 10 000, écrivent le New York Timeset le Financial Times, lundi 14 novembre. En valeur absolue, la vague de suppression de postes est comparable à celle subie par la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp (11 000 licenciements) ou par le réseau social racheté par Elon Musk (3 750 plus plusieurs milliers de prestataires). Toutefois, la proportion est, chez Amazon, bien moindre : elle représenterait moins de 1 % du 1,5 million d’employés du leader mondial de la vente en ligne et environ 3 % de ses salariés hors de ses entrepôts.
Pour l’entreprise fondée par Jeff Bezos, habituée à des années de croissance ininterrompue, un tel plan de départs touchant les employés des bureaux est tout à fait inhabituel. Il symbolise le coup de froid qui touche les entreprises technologiques ces derniers mois.
Le changement d’ambiance est notable par rapport à l’euphorie connue après la pandémie de Covid-19 par le secteur, porté par la hausse des usages numériques liée aux confinements, e-commerce en tête. Pour accompagner sa croissance accélérée, Amazon a probablement établi un record historique de recrutement : ses effectifs ont, entre fin 2019 et fin 2021, doublé, passant de 800 000 à 1,6 million d’employés. L’entreprise est devenue le deuxième employeur au monde, derrière le géant américain de la grande distribution Walmart.
Depuis, la croissance exceptionnelle de l’e-commerce s’est tassée et le risque de récession économique combiné à l’inflation a fait planer le spectre d’un recul des ventes et d’une hausse des coûts. Fin juillet, l’entreprise a publié une perte trimestrielle comptable de 2 milliards de dollars (1,92 milliard d’euros). Au troisième trimestre, Amazon a annoncé un bénéfice net de 2,9 milliards de dollars et conservé une croissance du chiffre d’affaires de 15 % mais a prévu que cette dernière ne dépasserait pas 2 à 8 % sur la fin de l’année. L’action a reculé de 42 % depuis janvier.
En réaction, le groupe a, dès avant l’été, annoncé se considérer en « surcapacité » d’entrepôts et d’effectifs. Et prévu de « réduire » les coûts. Cela s’est traduit par un ralentissement des ouvertures d’entrepôts et quelques cessions de surfaces, mais aussi par une réduction du nombre d’employés des entrepôts, de l’ordre de 80 000 départs non remplacés, selon la presse américaine. Le gel des embauches a été étendu la semaine dernière aux employés de bureau.
Ces derniers jours, le directeur général Andy Jassy, qui a remplacé Jeff Bezos en 2021, a lancé un processus interne de recherche d’économies. Amazon a déjà, cet automne, fermé le service de consultation médicale à distance et en personne Amazon Care, ainsi que le projet de petit robot de livraison Scout. Les économies devraient toucher certains services non rentables.
Selon la presse américaine, les licenciements annoncés lundi 14 novembre devraient notamment engendrer des départs dans la division « appareils ». Celle-ci regroupe la production d’objets électroniques comme la liseuse Kindle, les tablettes Fire et interface de connexion de téléviseur Fire TV, ainsi que les enceintes connectées Echo et les sonnettes connectées Ring, mais aussi l’assistant personnel vocal Alexa, dont les équipes atteignent 10 000 personnes. Les équipes de pilotage des activités d’e-commerce devraient également subir des départs, ainsi que celles des ressources humaines, l’heure n’étant désormais plus aux embauches massives.
Le taux de chômage est resté quasi stable au troisième trimestre 2022, s’établissant à 7,3 % de la population active en France (hors Mayotte) contre 7,4 % au deuxième, selon les chiffres publiés mardi 15 novembre par l’Insee.
Le nombre de demandeurs d’emploi au sens du Bureau international du travail (BIT) atteint 2,252 millions de personnes, soit 17 000 de moins par rapport au trimestre précédent. « Le taux de chômage oscille entre 7,3 et 7,4 % depuis le quatrième trimestre 2021, à un niveau inférieur de 0,9 point à celui d’avant la crise sanitaire (fin 2019) », informe l’Insee dans son communiqué.
En mai 2020, Morgane Lavayssière et Garance Fafa prennent la route. Les deux jeunes orthophonistes sont lasses de leurs conditions d’exercice à Marseille. « Quand on travaille en libéral, on est isolé. La course à l’acte nous oblige à faire des horaires fous. Et on ne se sent pas à la hauteur de la tâche, car on manque de pluridisciplinarité », estime Morgane Lavayssière. Les trentenaires entament un tour de France en van aménagé à la recherche d’innovations pour soigner différemment. Elles découvrent les centres de santé d’un côté, et les tiers-lieux de l’autre. Pourquoi ne pas les faire cohabiter ? Les deux amies s’installent en Ariège, dans un désert médical. Et planchent sur « Les Clés-rièrent », un centre de santé pluridisciplinaire qui propose des jardins partagés, un café associatif, des conférences, un accès au numérique et des ateliers divers.
Morgane Lavayssière imagine déjà la future patientèle qu’elle raconte ainsi : « Colette, 83 ans, vient pour sa rééducation suite à son AVC : elle consulte son médecin, son orthophoniste, sa kiné… Puis retrouve d’autres personnes du village dans la salle de convivialité. Elle discute avec Sami : bientôt à la retraite, le sexagénaire se sent un peu dépassé depuis qu’on a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer à sa femme. Deux à trois fois par semaine, Camille, le maraîcher du village, vend ses productions bio et anime parfois avec Maylis, la naturopathe, des ateliers cuisine végétarienne. » Ce concept de tiers-lieu hybride suscite un vif enthousiasme de la part de la population, mais aussi du corps médical : l’équipe s’est vite agrandie, et comporte aujourd’hui, en plus des deux orthophonistes, un médecin, une naturopathe et une secrétaire médicale.
Approche multidimensionnelle
La structure a rejoint le réseau Hameaux de santé, qui fédère les projets de centres de santé avec une approche globale, écologique, démocratique et sociale. Jesse Robert, 28 ans, aux manettes du réseau, est régulièrement sollicité par des professionnels de santé : « On est nombreux à avoir à peu près la même idée au même moment, mais sans savoir comment mettre en place des projets en tenant compte des contraintes juridiques et financières. Je suis pour l’instant trois projets pilotes. Sans compter les lieux déjà existants qui pourraient rejoindre le réseau. »
Ainsi de l’Hirondelle bleue, un centre de médecine intégrative à Rebreuviette (Pas-de-Calais) alliant médecine conventionnelle et thérapies complémentaires. Amandine Debray, 36 ans, à l’origine du projet, est également contactée par de nombreux médecins souhaitant monter des centres de soin novateurs. « Les concepts ne sont pas toujours les mêmes, mais on retrouve toujours l’envie de porter un projet collectif, avec une vision plus humaniste des soins », explique la médecin généraliste. Son projet fédère pour l’instant dix-neuf thérapeutes : naturopathes, sophrologue, ostéopathe, réflexologue, hypnopraticienne… « plus trois autres généralistes qui souhaitent rejoindre l’équipe. En plein désert médical, ce n’est pas anodin », souligne celle qui s’est formée à la médecine intégrative après avoir exercé comme médecin généraliste pendant dix ans en maison de santé pluridisciplinaire. « J’avais l’impression de ne pas apporter de solution durable au patient, de ne traiter que les symptômes », poursuit-elle. Avec une approche multidimensionnelle, un parcours de soin complet et personnalisé, le médecin dit avoir retrouvé du plaisir à sa pratique : « Les tiers-lieux de santé peuvent être une piste pour attirer les jeunes médecins dans les déserts médicaux. La quête de sens mobilise plus qu’une prime ou une mesure coercitive. »
Spéléologie, via ferrata, canoë-kayak, canyoning, stand-up paddle, saut à l’élastique, VTT, escalade, course d’orientation… « Découvrez l’Aveyron à travers une expérience unique ! Le département privatise exclusivement pour vous son plus grand terrain de jeu à ciel ouvert, le temps d’un week-end, pour vous faire vivre des émotions et des sensations. » Pas besoin d’être fortuné pour profiter de cette offre : il suffit de s’acquitter de 50 euros. En revanche, pour que la réservation soit effective, il faut envoyer son certificat de scolarité ou son numéro d’inscription à l’ordredes médecins.
Organisé par la plate-forme Accueil Médecins Aveyron, le « week-end adrénaline » est réservé aux jeunes médecins et aux internes, auxquels le département déroule le tapis rouge. « Le stageest un moment capital. C’est là qu’on tisse des liens et qu’on crée son réseau », explique Chrystel Teyssedre, responsable de la plate-forme, chiffres à l’appui.
Grâce à ce programme qui combine aide à l’hébergement, coaching sportif offert et une équipe consacrée aux jeunes médecins, l’Aveyron parvient à conserver 9 % de ses internes, contre 1 % en moyenne dans les territoires ruraux, souligne Chrystel Teyssedre : « Depuis son lancement, en 2011, 105 jeunes médecins se sont installés en Aveyron, c’est énorme quand on sait que le département compte 250 généralistes en libéral. »
La lutte contre les déserts médicaux passe par le recrutement de la nouvelle génération, le constat est implacable. En France, 30 % de la population vit dans un désert médical, et 11 % des jeunes de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant.
Comment alors inciter les jeunes praticiens à investir ces territoires délaissés ? Les syndicats des jeunes et futurs médecins – l’Association nationale des étudiants en médecine en France (Anemf), le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) et l’InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) – s’opposent tous à la proposition d’une quatrième année d’internat. Le gouvernement envisage en effet de prolonger d’un an l’apprentissage pratique pour envoyer les étudiants en médecine générale dans les déserts médicaux. « Une année d’internat en plus, ce sont des milliers de médecins qui ne sortent pas des facultés chaque année. Par ailleurs, proposer à la population un médecin qui change tous les six mois, sans aucun suivi des pathologies chroniques, ce n’est pas assurer l’accès aux soins », souligne Yaël Thomas, président de l’Anemf.
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Le site Heineken de Schiltigheim (Bas-Rhin), le 14 novembre 2022. FREDERICK FLORIN / AFP
Pas moins de 220 emplois sont menacés. Le brasseur Heineken a annoncé lundi 14 novembre la fermeture « dans les trois ans » de la dernière grande brasserie de Schiltigheim, dans la banlieue de Strasbourg, dans un contexte de « baisse des parts de marché », et un plan d’investissement pour les sites de Marseille et Mons-en-Barœul (Nord). « Le dialogue social sera la priorité des prochains mois », fait savoir dans un communiqué le groupe, qui ambitionne de parvenir à un « accord collectif » autour d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Heineken justifie l’arrêt de cette activité par « les nombreuses contraintes auxquelles est soumis le site », son enclavement en centre-ville qui « empêche tout agrandissement », ses « coûts de production trop importants du fait de certains équipements vétustes » et sa « stratégie de diversification industrielle qui n’a pas porté ses fruits ».
Les volumes produits à Schiltigheim seront transférés vers les deux autres sites de production français, à Mons-en-Barœul et Marseille, qui bénéficieront d’un plan d’investissement de 100 millions d’euros en vue notamment de leur agrandissement et de « l’amélioration de la performance environnementale ». La bière de marque Fischer, brassée en Alsace « depuis 1821 » et dont l’identité alsacienne est un argument marketing, restera produite localement, dans une « microbrasserie ».
Concurrence des microbrasseries
« Ce projet de concentration de notre outil de production sur deux brasseries au lieu de trois actuellement est nécessaire pour assurer notre compétitivité en France à long terme », a déclaré Pascal Gilet, PDG d’Heineken France, cité dans le communiqué. « Nous examinerons également avec attention toute offre de reprise du site qui pourrait être proposée. »
Cette annonce s’inscrit dans un contexte de « baisse des parts de marché » selon Heineken, causée par « l’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie », l’impact de la crise sanitaire sur « le secteur des cafés-hôtels-restaurants » et une « concurrence accrue », notamment avec l’augmentation du nombre de microbrasseries. En France, le groupe annonce avoir vu ses parts de marché auprès des cafés, hôtels et restaurants reculer de 28,9 % en 2016 à 23 % en 2021.
Au changement d’équipe à la mi-journée, de nombreux salariés de l’usine de Schiltigheim affichaient un visage fermé, tout en dénonçant une « demi-surprise ». « Les volumes de production partaient, il n’y avait plus aucun investissement depuis plusieurs années, le matériel n’était pas renouvelé », a expliqué à l’Agence France-Presse un ouvrier avec « plus de trente ans d’ancienneté », demandant à rester anonyme. « Ça, c’était bien avant la crise sanitaire, bien avant la guerre en Ukraine. Mais là, toutes les excuses étaient réunies pour fermer. C’est de l’opportunisme, c’est cynique », dénonce-t-il.
« C’est un coup de massue pour tout le monde », a concédé Didier Deregnaucourt, délégué CGT, annonçant une grève pour la journée de mardi. Un autre salarié a rappelé qu’un projet de fermeture, élaboré en 2013, avait été abandonné.
« Nouveau coup dur » pour la circonscription
A Schiltigheim, Heineken a déjà fermé la brasserie Adelshoffen en 2000 et a été accusé de créer artificiellement les conditions industrielles et financières pour condamner le site, notamment en lui retirant la production de sa fameuse bière Adelscott, lancée en 1982, pour le déporter sur le créneau moins rentable des bières premier prix et marques distributeurs.
« Avec le départ d’Adidas [annoncé en juin], c’est un nouveau coup dur pour la troisième circonscription du Bas-Rhin », a déploré le député La République en marche Bruno Studer, inquiet de la « perte d’attractivité économique » du territoire. « Cette annonce est un signal d’alarme », a-t-il mis en garde.
« L’Eurométropole de Strasbourg est fermement opposée à la fermeture de ce site industriel historique, qui fait partie du patrimoine brassicole local », a réagi dans un communiqué sa présidente, Pia Imbs, proche des écologistes. La collectivité « ne manquera pas de mobiliser tous les moyens nécessaires pour empêcher cette fermeture et préserver l’activité économique du site », a-t-elle ajouté.
Heineken, deuxième plus gros brasseur mondial derrière AB InBev, avait enregistré en 2021 un bénéfice net de 3,32 milliards d’euros, après des pertes de 204 millions d’euros en 2020, année marquée par la pandémie de coronavirus. Fondée au XIXe siècle à Amsterdam, la multinationale produit et vend plus de 300 marques de bière et de cidre, dont Heineken, Strongbow et Amstel, et emploie plus de 85 000 personnes à l’échelle mondiale.
Noah Assoumou, 19 ans, et Bryan Noita, 19 ans, participent à un atelier de remise à niveau en mathématiques dans un « espace dynamique d’insertion » de Arpeije, à Clamart (Hauts-de-Seine), le 2 novembre 2022. BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »
Chacun équipé de sa calculatrice, Noah Assoumou et Bryan Noita s’attaquent aux nombres décimaux. Les deux hommes de 19 ans suivent un atelier de remise à niveau en mathématiques, dans un espace de dynamique d’insertion (EDI), géré par l’Association relais pour l’éducation et l’insertion des jeunes (Arpeije), à Clamart (Hauts-de-Seine). Après un CAP en vente et un passage par Pôle emploi, Noah Assoumou, originaire d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), rêve de devenir vétérinaire ou de travailler dans un zoo. Il est arrivé à l’EDI il y a un an, « à cause de problèmes de papiers. Ils [l]’ont beaucoup aidé ici pour les démarches administratives ».
Bryan Noita, jeune adulte d’Antony, dans le même département, est là depuis six mois. Il a été déscolarisé l’année dernière après avoir subi du harcèlement physique et moral. « L’EDI nous sauve énormément, remercie-t-il. Quand j’ai arrêté l’école, j’étais perdu. C’est grâce à eux que j’ai pu rebondir. »
Chaque année depuis 1996, 26 EDI accompagnent de jeunes Franciliens de 16 à 25 ans, de milieux plutôt défavorisés, vers l’élaboration d’un projet personnel, une formation ou un emploi. Ces stagiaires, rémunérés en fonction de leurs jours de présence, relèvent en majorité d’une typologie spécifique (aide sociale à l’enfance, direction de la protection judiciaire de la jeunesse, décrochage scolaire, etc.). « Ce sont des jeunes qu’on a laissés au bord de la route, analyse Léa Minoux, psychologue à l’EDI de l’Arpeije. Ils sont souvent très isolés, il faut leur redonner confiance en eux et les aider à se resocialiser avec les autres. » A l’espace de Clamart, qui accueille 80 jeunes, cela passe aussi bien par des cours de mathématiques que des ateliers cuisine, réalisation de CV, écologie urbaine, audiovisuel ou encore menuiserie.
« Mener une réflexion en profondeur »
Depuis quelques mois, l’avenir de ce dispositif, qui accueille 2 500 jeunes en 2022, est très incertain. Gérés par différentes associations (Equalis, Sauvegarde, Aurore, etc.), les EDI sont financés à 80 % par la région Ile-de-France, à hauteur de 6 millions d’euros. Mais le conseil régional a décidé de ne pas renouveler les financements pour la période 2023-2026, plongeant les associations dans l’inconnu jusqu’au 31 décembre. Inquiètes de ces coupes budgétaires, une centaine de personnes (dirigeants, éducateurs ou jeunes) ont manifesté devant le conseil régional, réuni le 9 novembre.
Les gérants d’EDI regrettent surtout le manque de communication des derniers mois de la part des dirigeants franciliens. Tout semblait bien parti en cette année 2022. En mars, la région demande aux EDI de coconstruire un appel à projets pour le financement 2023-2026. Normalement, les associations ont jusqu’à septembre pour y répondre, puis les projets passent en commission et cela découle sur une nouvelle convention avant la fin de l’année. Mais, en août, les EDI n’ont toujours pas de nouvelles de cet appel à projets. Le collectif envoie un premier courrier à Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, le 19 septembre. « Nous avons appris dans l’été, après avoir contacté vos services, que l’appel à projets n’avait pas été voté en commission permanente comme prévu, sans explication, et sans nouvelle proposition », s’alarment les associations.
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Le chantier du stade de Lusail qui doit accueillir la finale de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, le 20 décembre 2019. HASSAN AMMAR / AP
Au début de 2021, le quotidien britannique The Guardian publiait une enquête détaillée révélant qu’au moins 6 500 travailleurs immigrés au Qatar y étaient morts entre 2011 et 2020. Depuis, ce chiffre de « 6 500 morts » est devenu central dans la critique de l’organisation de la Coupe du monde 2022, et nombreux sont ceux qui le citent, pensant qu’il correspond au nombre d’ouvriers morts sur les chantiers des stades de la compétition, ou plus largement sur les chantiers du Mondial. Ce n’est pourtant pas tout à fait le cas.
Comment a été calculée cette estimation de 6 500 morts ?
Un recensement des immigrés morts au Qatar
L’enquête du Guardian, publiée en février 2021, porte sur les résidents non qataris morts dans le pays entre 2011 et la fin de 2020. En s’appuyant sur les registres de décès produits par les ambassades ou services gouvernementaux de cinq pays ayant de nombreux ressortissants au Qatar (Inde, Bangladesh, Népal, Sri Lanka, Pakistan), le journal londonien a dénombré sur cette période de dix ans 6 751 décès confirmés de travailleurs, en précisant au passage que ce nombre pourrait être nettement sous-estimé, car il n’inclut pas les ressortissants d’autres pays (Philippines, Kenya,…) très nombreux au Qatar. Les morts des derniers mois de 2020 et de 2021 ne sont pas non plus inclus dans les données collectées par le Guardian.
Parmi les causes de ces décès, l’une prédomine : la « mort naturelle », qui représente 70 % des causes citées pour les travailleurs indiens, népalais ou bangladeshis, une part qui atteint 80 % chez les Indiens. Cela s’explique en partie parce qu’aucune autopsie ou aucun examen médical n’est pratiqué afin de déterminer la réelle cause de la mort.
Cette publication du Guardian fait suite à une première enquête du même quotidien sur la préparation du Qatar au Mondial, publiée dès 2013, décrivant des situations de « travail forcé, une forme d’esclavage moderne », menant à plusieurs dizaines de décès au cours de l’été. Y est documenté le quotidien de travailleurs népalais sur les chantiers de Lusail – une nouvelle ville qatarie construite au nord de Doha, destinée à héberger le plus grand des sept stades construits – dont les papiers ont été confisqués, qui ne recevaient pas leur salaire, et qui étaient logés dans des conditions insalubres. La même année, Le Monde aussi dénonçait les conditions de travail des immigrés au Qatar.
Ce chiffre a évidemment ses limites. Les registres des ambassades étrangères consultés par le Guardian ne précisent quasiment jamais l’âge des personnes décédées, ni le lieu de leur mort, ni le secteur dans lequel elles travaillaient. Ce qui fait dire à Max Tuñon, le directeur de l’antenne qatarie de l’Organisation internationale du travail (OIT), qu’une partie de ces morts pourrait ne pas être des travailleurs du BTP mais des travailleurs de bureau ou des personnes inactives.
Sans surprise, le Qatar conteste fermement ces chiffres, et affirme que seuls 37 décès auraient eu lieu parmi les ouvriers présents sur le chantier des stades : trois sont imputés au travail et 34 auraient d’autres causes (parmi lesquelles dix concernent des hommes âgés de 20 à 40 ans).
Des morts sur les chantiers des stades, mais pas seulement
Dans sa communication, le gouvernement qatari n’inclut généralement que les chantiers de rénovation ou de construction des huit stades de la compétition, lesquels ne représentent que 2 % des ouvriers employés dans la construction au Qatar.
Mais de nombreux hébergements et transports en commun (comme le métro de Doha) n’auraient probablement pas été construits si le Qatar n’avait pas organisé la Coupe du monde, qui doit accueillir 1,2 million de personnes dans ce pays qui compte 330 000 citoyens qataris.
Les organisations non gouvernementales (ONG) considèrent que le boom spectaculaire de la construction dans le pays depuis plus de dix ans est en majeure partie imputable à la décision de la FIFA. D’autant que « le calendrier du programme d’infrastructures au Qatar est entièrement calé sur la date de livraison de la Coupe du monde », note Tim Noonan, directeur de campagne de la Confédération syndicale internationale (CSI), interrogé par la BBC en 2015.
Le chiffre de 6 500 morts n’est pas repris par les principales ONG qui suivent de prèsla situation des travailleurs migrants au Qatar et dans les Etats du Golfe, et qui évoquent plutôt « plusieurs milliers de morts » de travailleurs immigrés, un ordre de grandeur qu’elles estiment cohérent avec leurs observations sur le terrain et les recherches qu’elles mènent depuis plus de dix ans dans l’émirat. La CSI avait estimé en 2013 que 4 000 ouvriers seraient morts d’ici au coup d’envoi de la Coupe du monde, à la fin de 2022.
Peut-on dresser un bilan précis des ouvriers morts ?
Des statistiques officielles parcellaires
Le gouvernement qatari diffuse chaque année des statistiques officielles sur le sujet. Même si l’on ignore leur fiabilité ou leur exhaustivité, elles peuvent donner certains indices.
Selon ces données, 12 412 hommes immigrés sont morts entre 2011 et 2020, dont près de la moitié (5 935) avait entre 20 et 50 ans, ce qui est relativement jeune. Les Qataris ont expliqué au Guardian que le nombre de morts était proportionnel à la taille de la population immigrée, non divulguée par les autorités mais estimée à 2,5 millions en 2020, pour environ 330 000 Qataris. Un argument repris par les autorités indiennes, qui estiment que la mortalité est celle attendue d’une population aussi large.
Ce n’est pas tout à fait exact, car ces jeunes hommes sont sélectionnés après un examen médical complet, comme le pointait en 2015 Tim Noonan. « Le Qatar exige d’eux un examen médical pour détecter les problèmes médicaux antérieurs, donc c’est comme comparer des pommes et des poires », faisait-il valoir.
Les morts étrangers sont jeunes
La surreprésentation de ces « jeunes » adultes est particulièrement nette dans les données des décès par tranche d’âge : en 2020, 25 % des hommes immigrés morts dans le pays avaient entre 20 et 40 ans, tandis que cette même tranche d’âge représente 10 % des morts enregistrés chez les hommes qataris. L’écart est encore plus grand en 2012, où les 20-40 ans représentaient quasi 40 % des immigrés morts, contre 12 % pour les Qataris.
On observe la même tendance chez les 40-60 ans : leur part varie entre 20 % et 26 % parmi les morts qataris, alors qu’elle représente entre 35 % et 42 % des morts des immigrés.
Au Qatar, les hommes immigrés meurent nettement plus jeunes que les nationaux
Part des 20-39 ans et des 40-59 ans dans le total des décès de chaque groupe (hommes immigrés et hommes qataris). Lecture : en 2020, les 20-39 ans représentaient 10,3 % des décès des hommes qataris mais 25 % des décès des hommes immigrés.
Les mêmes observations peuvent être faites lorsque l’on rapporte le poids démographique de chaque tranche d’âge dans les populations respectives des hommes qataris et immigrés. Chez les hommes de nationalité qatarienne, la grande majorité des décès intervient chez les plus de 55 ans alors qu’ils représentent une minorité dans la population – plutôt jeune – du pays. La démographie des hommes immigrés est différente mais leur mortalité aussi : la majorité des morts ont moins de 55 ans (environ 60 %), et un mort immigré sur cinq a entre 35 et 44 ans.
Au Qatar, les moins de 45 ans représentent 40 % des décès des hommes immigrés
Part des hommes qataris et immigrés dans la population et dans les décès par tranche d’âge.
Ces nombreux décès s’expliquent en grande partie par l’exposition à la poussière et aux chaleurs extrêmes du climat du Golfe une majeure partie de l’année, ce qui rend le travail à l’extérieur très difficile et dangereux pour la santé.
Des ouvriers marchent jusqu’au stade de Lusail, la plus grande des huit enceintes qui doivent accueillir les matchs de la Coupe du monde 2022, construite dans la ville homonyme au nord de Doha, le 20 décembre 2019. HASSAN AMMAR / AP
Les températures au « thermomètre-globe mouillé »
Les températures peuvent fréquemment dépasser 40 °C l’été et demeurer au-dessus de 30 °C au moins six mois par an. Pour protéger les travailleurs du BTP, le Qatar a interdit le travail en extérieur de 11 h 30 à 15 heures. Cette mesure, qui n’est en réalité que trop peu appliquée, est aussi très largement insuffisante pour prévenir les atteintes à la santé des ouvriers, comme l’a montré une analyse publiée par le Guardian en octobre 2019.
Le quotidien britannique a pour cela calculé les températures dites « thermomètre-globe mouillé » (ou WBGT), un indice qui permet de mesurer les effets combinés de la chaleur, des radiations solaires et de l’humidité de l’air sur le corps humain. S’il dépasse les 28 °C, il est considéré comme dangereux. Au Qatar, cette valeur est fréquemment dépassée, notamment au mois d’août où elle atteint 28-30 la quasi-totalité de la journée. A partir de la mi-juin, les températures si élevées qu’il devient dangereux de travailler dehors plus de quinze minutes par heure une grande partie de la journée. Or d’innombrables ouvriers ont témoigné de journées de travail d’au moins dix heures, parfois douze, au mépris des règles de sécurité, imposant un stress thermique extrême sur les organismes.
Températures, arrêts cardiaques et problèmes reinaux
Dans une étude publiée en juillet 2019 dans le journal Cardiology, une équipe internationale de chercheurs a noté une « forte corrélation » entre les températures et les accidents cardiovasculaires enregistrés chez les travailleurs népalais immigrés au Qatar. « La mortalité prononcée due aux accidents cardiovasculaires pendant les saisons chaudes est très probablement due à un stress thermique intense », concluent les chercheurs, qui estiment qu’environ 35 % des arrêts cardiaques fatals auraient pu être évités en protégeant mieux les ouvriers contre les chaleurs. « Les jeunes hommes ont une très faible incidence d’arrêts cardiaques », a expliqué au Guardian le docteur Dan Atar, professeur de cardiologie à l’hôpital universitaire d’Oslo et coauteur de l’étude. D’autant que « ces travailleurs sont recrutés dans leurs pays en partie pour leur bonne santé (…), et pourtant, des centaines d’entre eux meurent chaque année au Qatar ».
Les travailleurs immigrés exposés à ces chaleurs développeraient également des atteintes rénales chroniques graves (appelée CKDnt) qui affectent de façon disproportionnée les hommes occupant des postes manutentionnaires dans le BTP. Dans une courte publication de mars 2020, une équipe de chercheurs népalais a relevé ces atteintes systématiques sur une cohorte de 44 travailleurs népalais suivie pendant six mois en 2019, dont trois quarts revenaient des pays du Golfe (et un quart de Malaisie). Si les causes médicales de ces maladies rénales sont encore indéterminées, les horaires de travail excessifs et le manque d’accès aux soins médicaux nécessaires semblent avoir joué un rôle décisif.