Archive dans 2022

Le 100 % télétravail oblige l’entreprise à s’organiser autour du salarié

Quand on entend grincer le parquet du troisième étage de l’immeuble haussmannien qui abrite Platform.sh, difficile de croire que l’ancien appartement transformé en bureaux accueille une entreprise à la pointe de la technologie, spécialisée dans la création d’applications sur Internet. A peine compte-t-on une trentaine de bureaux, bien loin de contenir les trois cents collaborateurs de l’entreprise éparpillés dans toute la France et surtout dans le monde.

« Les salariés voient dans le travail à distance une économie de temps passé dans les transports, avec chaque jour une heure et quinze minutes d’épargnée en moyenne. »

En 2015, bien avant l’émergence de l’épidémie due au Covid-19 qui a forcé les entreprises à développer le télétravail, les fondateurs ont décidé que leurs employés se déplaceraient au bureau pour travailler seulement s’ils le souhaitaient. Difficilement réalisable il y a une décennie, le phénomène émerge. Dans son dernier baromètre sur le télétravail, Malakoff Humanis indique que 5 % des salariés et 1 % des dirigeants sont favorables au télétravail à temps complet. Pour ces personnes, loin d’être une contrainte sanitaire, la semaine entière à travailler depuis la maison est émancipatrice.

Pouvoir faire le choix de la totalité de semaine à distance a été « une vraie différence en termes de marque employeur », assure Céline Méchain, directrice des ressources humaines (DRH) de Platform.sh. Selon elle, sans faire d’effort particulier pour attirer, l’entreprise a reçu douze mille réponses du monde entier pour cent vingt postes ouverts en 2021. « Je n’ai jamais vu cela dans mes précédentes sociétés. Il y a une réelle demande des candidats », ajoute la DRH, qui montre l’exemple en habitant à 450 kilomètres du bureau.

De l’énergie épargnée

Les salariés voient dans le travail à distance une économie de temps passé dans les transports, avec chaque jour une heure et quinze minutes d’épargnée en moyenne, selon un sondage BVA réalisé en 2018, soit une demi-journée sur la semaine.

Au total, 72 % des télétravailleurs interrogés par Malakoff Humanis déclarent avoir le sentiment d’être moins fatigués lorsqu’ils travaillent à distance. « S’il peut être tentant d’utiliser cette heure gagnée à travailler davantage, il est important de se ménager pour être efficace sur la durée. Je conseille plutôt de faire du sport, qui permet de se libérer l’esprit », juge Valérie Vézinet, DRH de PricewaterhouseCoopers (PwC), où tous les salariés dont le métier peut être réalisé à distance ont le choix de la dose de télétravail.

Le silence de la maison est plébiscité pour les tâches requérant une forte attention, alors que les activités de réflexion collective sont plus efficaces lors d’une réunion physique. « Chez moi, je suis plus productive. Je peux plus facilement me concentrer plusieurs heures sans être dérangée, à condition d’être disciplinée », confie Barbara Gian, spécialiste du marketing digital de Platform.sh et dont l’équipe est éparpillée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

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En 2022, sortir de « l’urgence »

Carnet de bureau. Le tourbillon 2021 va-t-il se reproduire en 2022 ? Redéfinir les jauges des salles de réunion, la distanciation entre les salariés, informer ou inciter à la vaccination, fixer le nombre de jours de télétravail, recruter sans rencontrer les candidats, ces questions vont-elles continuer à envahir les échanges professionnels et à polluer l’activité des entreprises ?

L’urgent n’est pas l’important. Et pourtant, la succession des vagues de Covid-19, variant après variant, maintient, depuis 2020, les organisations dans un mode de gestion de crise. Même la trêve des confiseurs aura été rompue, lundi 27 décembre, pour annoncer les dernières consignes nationales de protection contre la pandémie.

L’urgence est désormais abordée comme une nouvelle norme. Un projet de loi en ce sens a été déposé par le premier ministre, Jean Castex, à l’Assemblée nationale le 21 décembre pour instituer « un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires ». Pérennité et urgence dans un même projet ont de quoi inquiéter. Car si les risques sanitaires inhérents à la pandémie imposent de réagir vite, l’urgence empêche les débats préalables à la prise de décision, et l’incertitude empêche d’agir.

Lire la chronique : Article réservé à nos abonnés Télétravail : la tentation du nomadisme

En octobre 2021, plus d’un tiers des entreprises (36 %) jugeaient que les mesures liées à la crise sanitaire freinaient leur productivité. Dans sa dernière note de conjoncture, intitulée précisément « Reprise sous contraintes », l’Insee soulignait que de nombreuses incertitudes pesaient sur l’activité pour 2022.

Tétanisées, innovantes, créatives

Depuis mars 2020, les entreprises ont été, tour à tour, tétanisées, innovantes, créatives pour s’adapter, déployer le télétravail, intégrer les risques psychosociaux des salariés, alterner les modes d’organisation en fonction des fermetures et réouvertures des sites, des flux et reflux de l’activité, mais toujours dans la perspective d’un retour à la normale, pas « comme avant », mais vers une certaine stabilité. Omicron aura bouché cet horizon.

Pour cette rentrée du 3 janvier, la ministre du travail, interrogée sur Europe 1 le 21 décembre, appelait les employeurs à se préparer à passer la vitesse supérieure sur le télétravail, en décidant d’un minimum de trois jours par semaine pour les postes qui le permettent, voire quatre quand c’est possible. Le 27 décembre, Jean Castex avait finalement annoncé que c’était une nouvelle obligation. « Avec la situation, il faut accélérer. C’est un enjeu pour notre économie et nos emplois », a expliqué Elisabeth Borne.

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Les coulisses peu reluisantes de Shein, nouveau géant du prêt-à-porter

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Publié aujourd’hui à 05h15, mis à jour à 07h14

Courbé sur son ouvrage, armé d’une aiguille plus grosse que sa main, Shi Xiong, quinquagénaire, coud d’un ruban blanc l’ouverture de gros sacs en toile synthétique. A l’intérieur, des pyjamas emballés dans des sacs en plastique transparents marqués du logo en lettres noires : Shein. Installé à l’entrée d’un atelier de confection – trois étages de béton carrelé pour résister à l’humidité du sud de la Chine –, il remplit et ferme des sacs, douze heures ou plus par jour, six jours sur sept, pour environ 5 000 yuans (700 euros) par mois. « Cette semaine, je travaille de 9 heures à 1 heure pour finir des commandes », dit-il en soupirant.

Payé à la pièce, il n’a pas la moindre couverture sociale. « Je n’ai jamais signé de contrat avec le patron », indique M. Shi. Une fois fermés, les sacs partent tous les soirs de ce district du sud de Canton vers un vaste entrepôt au nord de Foshan, ville industrielle mitoyenne de la capitale du Guangdong. Là, d’autres ouvriers séparent les articles, les répartissent en fonction des commandes, remplissent des cartons de robes, de tee-shirts et de jeans qui seront envoyés par avion, avant d’atterrir dans les armoires des jeunes filles occidentales.

Des ouvriers préparent des pièces de tissu de confection dans un atelier sous-traitant de l’entreprise Shein, dans le district de Panyu, à Guangzhou, dans la province de Guangdong, en Chine, le 24 novembre 2021.

Grâce à une organisation logistique exceptionnelle, à quelques niches fiscales et à une approche très souple du droit du travail, la start-up chinoise de prêt-à-porter Shein est devenue, en quelques années, une multinationale qui fait de l’ombre aux géants du secteur. Les poids lourds de la fast fashion H&M et Zara ont assisté, médusés, à la montée en puissance de ce rival qui pousse encore plus loin les recettes qui ont fait leur succès : un catalogue en renouvellement permanent, des prix cassés et une communication qui a su s’approprier les codes des réseaux sociaux pour cibler les jeunes, des femmes de moins de 25 ans principalement.

Coût moyen d’un article : 7 euros

Renforcé par une pandémie de Covid-19 qui a tenu les clients hors des magasins physiques, Shein est devenu, en 2021, le site de mode le plus consulté au monde, mais surtout l’application d’achats en ligne la plus téléchargée aux Etats-Unis et dans une cinquantaine de pays, devant Amazon. Sur l’application de courtes vidéos TikTok, la marque apparaît régulièrement : on y voit des « influenceuses » ouvrir des boîtes pleines de vêtements, avant de défiler devant la caméra, vêtues de chaque article. Coût moyen d’un vêtement sur le site : 7 euros, mais la livraison est gratuite à partir de 39 euros. D’après la banque américaine Morgan Stanley, en Europe, seul Primark est capable de rivaliser avec Shein sur les prix de jeans, de robes et de tee-shirts.

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Au Royaume-Uni, la surprenante envolée du salaire minimum

Selon la formule de Nye Cominetti, économiste au cercle de réflexion Resolution Foundation, « le Royaume-Uni s’est lancé dans une expérience économique grandeur nature ». Depuis cinq ans, le pays de Margaret Thatcher et du marché du travail libéralisé effectue un soudain rattrapage de son salaire minimum.

Depuis 2015, celui-ci a augmenté d’un tiers, tandis que l’inflation grimpait de 20 %. Actuellement de 8,91 livres sterling (10,63 euros) de l’heure, il a rejoint le niveau du smic français (10,57 euros). En avril, il va encore faire un bond de 6,6 %, à 9,50 livres (11,30 euros), dépassant alors nettement celui de la France.

« Tous les économistes pensent qu’à partir d’un certain niveau le salaire minimum va finir par réduire le taux d’emploi, mais personne ne sait à partir de quand, résume M. Cominetti. Le Royaume-Uni l’augmente progressivement, expérimentant année après année. Et, pour l’instant, il n’y a pas d’effet sur l’emploi. » En pleine épidémie de Covid-19, le taux de chômage britannique culmine à… 4,2 %. Il y a même aujourd’hui 420 000 emplois de plus qu’avant la crise sanitaire (à 29,4 millions).

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« Les retombées indirectes sont frappantes »

Cette politique date du gouvernement conservateur de David Cameron. A l’époque, George Osborne, le chancelier de l’Echiquier, veut faire des économies de budget. Mais avec des salaires qui stagnent depuis la grande crise financière de 2008, de nombreux ménages souffrent, et les aides sociales continuent d’être importantes. Il veut inverser la dynamique. « Nous devons passer d’une économie aux salaires bas, aux impôts et aux aides sociales élevés à un pays aux salaires plus élevés, et à des impôts et à des aides sociales plus bas. » Il fixe un objectif : augmenter progressivement le smic britannique à 60 % du salaire médian, alors qu’il tournait alors juste au-dessous de 50 %. A coups de fortes hausses, c’était chose faite en avril 2020, sans rencontrer de grandes difficultés chez les employeurs. « Les salariés avaient plus de pouvoir de négociation que nous ne l’imaginions », constate M. Cominetti.

« Les inquiétudes que le salaire minimum allait mener à des augmentations majeures de prix et à de larges pertes d’emploi ont été, pour l’instant, sans fondement », Chris Hare, économiste à HSBC

Par ailleurs, aucun effet négatif sur l’emploi n’a été enregistré. « C’est l’histoire du chien qui n’a pas aboyé, estime Chris Hare, économiste à HSBC. Les inquiétudes que le salaire minimum allait mener à des augmentations majeures de prix et à de larges pertes d’emploi ont été, pour l’instant, sans fondement. »

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La Ligue de football professionnel détaille son nouveau protocole sanitaire : test obligatoire avant un match et durée d’isolement réduite

La Ligue de football professionnel (LFP) a finalisé, mardi 4 janvier, un nouveau protocole sanitaire. Qu’ils soient vaccinés ou non contre le Covid-19, les joueurs de Ligue 1 et de Ligue 2 ainsi que leurs encadrements seront désormais soumis à un test obligatoire quarante-huit heures avant chaque rencontre.

La nouvelle version du « protocole d’organisation des matchs » transmise aux clubs a par ailleurs modifié la durée d’isolement imposée aux joueurs diagnostiqués positifs, suivant en cela les nouvelles consignes du gouvernement.

Pour ceux qui présentent un schéma vaccinal complet, elle sera désormais de sept jours (voire cinq si un nouveau test se révèle négatif), contre dix auparavant. Avec un schéma vaccinal incomplet, l’isolement s’étendra sur dix jours, et seulement sept si un second test se révèle négatif entre-temps, selon ce document d’une centaine de pages que l’Agence France-Presse a pu consulter.

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Concrètement, un joueur vacciné pourra reprendre l’entraînement une semaine après son test positif, en marge du collectif cependant et en l’absence de tout symptôme lié au virus. Cette phase de reprise devra durer au minimum sept jours. « La reprise collective (entraînement ou match) se fait donc au mieux au treizième jour pour un joueur avec un schéma vaccinal complet avec une sortie d’isolement anticipée », précise le document, contre dix-huit jours incompressibles auparavant.

Des reports de matchs en perspective

En revanche, la règle relative aux reports des matchs reste inchangée. En Ligue 1, un club peut demander le report d’un match s’il ne dispose plus d’un minimum de vingt joueurs, dont un gardien, sur sa liste officielle de trente déclarés, soit à partir de onze joueurs touchés en même temps.

La rencontre de L1 entre Angers et Saint-Etienne, initialement prévue dimanche prochain, a déjà été reportée après que le club angevin a annoncé la détection de dix-neuf cas dans son groupe. Des doutes sont apparus également concernant Bordeaux-Marseille vendredi, le club girondin étant particulièrement touché, ainsi que Lorient-Lille samedi.

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Depuis lundi et pour une durée de trois semaines, les stades sont par ailleurs soumis à des jauges fixées à 5 000 personnes dans le cadre des mesures de freinage de l’épidémie de Covid-19. Dans son protocole amendé mardi, la Ligue suspend l’obligation faite aux clubs hôtes d’accorder des places à hauteur de 5 % de la capacité totale de leur stade aux supporteurs visiteurs. « Il appartient désormais à chaque club visité de décider s’il souhaite ou non fournir des places au club visiteur et, si oui, dans quelle proportion », précise le document.

Le Monde avec AFP

Caddie, le fabricant de chariots de supermarché, a sept semaines pour se trouver un repreneur

A l’usine Caddie de Drusenheim (Bas-Rhin), en avril 2015.

En cessation de paiement depuis le 31 décembre 2021, Les Ateliers Réunis Caddie, fabricants des chariots du même nom, ont été placés, mardi 4 janvier, en redressement judiciaire pour la troisième fois en moins de dix ans. La direction actuelle a jusqu’au 22 février pour trouver un repreneur. « Actuellement, je n’ai pas de piste, mais la procédure commence tout juste », a reconnu, à la sortie de l’audience, Stéphane Dedieu, le dirigeant de la société appelant de ses vœux un repreneur « industriel » pour ce marché de niche et vantant « une belle marque, de beaux produits et des collaborateurs impliqués ».

Passée, en une quinzaine d’années, de 750 à 142 salariés, l’entreprise alsacienne presque centenaire n’est désormais plus que l’ombre d’elle-même, avec un chiffre d’affaires divisé par dix en un peu plus d’une décennie (110 millions d’euros en 2009, 12 millions en 2021). Sur ses implantations historiques, notamment à Schiltigheim, dans la banlieue de Strasbourg, poussent aujourd’hui des immeubles d’habitation. Signe des temps, son ancienne patronne (jusqu’à la cession de l’entreprise au groupe Altia, en 2012) et fille adoptive du fondateur, Alice Deppen-Joseph, que les employés ont toujours appelée « Mademoiselle », est morte le 4 décembre 2021.

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En 2014, la reprise de la société par son directeur général, Stéphane Dedieu, sonnait pourtant comme un nouveau départ prometteur. Deux années plus tard, Caddie reprenait d’ailleurs le site et une partie des salariés d’une autre société de traitement de surface de métaux située au nord-ouest de Strasbourg et victime d’un incendie, pour y installer ses activités d’assemblage, de finition et d’expédition. Au printemps 2021, le fabricant y a finalement concentré l’ensemble de sa production, licenciant, au passage, 41 personnes.

Descente aux enfers

Entre-temps, Caddie a cumulé les pertes : 2,6 millions d’euros en 2017, 5 millions en 2018, 6,2 millions en 2019, 5 millions en 2020… Une descente aux enfers que ni la prise de participation majoritaire, en 2018, du polonais Damix, spécialiste de l’agencement de magasins, ni la réorganisation de la société n’ont permis de stopper. En septembre 2021, l’actionnaire principal, lui-même affaibli par les conséquences de la crise sanitaire, a ainsi indiqué à la direction ne plus vouloir soutenir financièrement sa filiale.

« Tout ce qui générait de la valeur ajoutée, comme la création de gabarits ou la production de chariots aéroportuaires, a été sous-traité à notre actionnaire polonais », Christophe Payet, délégué syndical CFDT

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Les partenaires sociaux veulent reconquérir l’influence perdue depuis 2017

Les syndicats et le patronat veulent reconquérir des marges de manœuvre après en avoir perdu beaucoup durant le quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est l’un des enjeux de la négociation qu’ils doivent démarrer, mercredi 5 janvier, sur la « modernisation du paritarisme ». Le but est de renforcer le rôle des mouvements d’employeurs et de salariés « dans la vie économique et sociale du pays », en structurant un peu mieux leur « prise de parole ». Il s’agit aussi d’une interpellation à quelques mois de l’élection présidentielle, afin de voir comment leurs préoccupations sont prises en compte par les candidats.

L’initiative s’inscrit dans le cadre de « l’agenda autonome » que le Medef avait proposé en 2021 aux autres acteurs sociaux. Plusieurs cycles de discussion sur diverses thématiques avaient été enclenchés, dont l’un a abouti à un « accord-cadre » relatif à la formation professionnelle, il y a presque trois mois. Les échanges qui débutent mercredi portent, eux, sur le « paritarisme de gestion » et le « paritarisme de négociation » : en schématisant à grands traits, le premier vocable recouvre les institutions dans lesquelles le patronat et les syndicats exercent une responsabilité forte (par exemple l’association Unédic qui pilote l’assurance-chômage), tandis que le second désigne l’activité des partenaires sociaux visant à conclure des compromis sur une problématique donnée.

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La démarche intervient dans un contexte où l’Etat a accru son emprise dans le champ des politiques relevant des organisations d’employeurs et de salariés. Une illustration : le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui a été réformé par la loi « avenir professionnel » de septembre 2018. Désormais, les partenaires sociaux sont tenus de suivre une lettre de cadrage rédigée par le gouvernement quand ils négocient sur le fonctionnement du système.

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« Rééquilibrer les relations »

Indépendamment des transformations réalisées sous le mandat de M. Macron, qui ont renforcé les prérogatives des pouvoirs publics, les relations entre l’exécutif et les corps intermédiaires n’ont pas toujours été fluides depuis 2017. Pour le président de la République, les syndicats et le patronat ont toute leur place dans la définition des règles du jeu au niveau de l’entreprise et de la branche. En revanche, il a de sérieux doutes sur leur aptitude à gérer des organismes paritaires.

Les partenaires sociaux entendent donc apporter la preuve de leur « légitimité sur les sujets qui concernent le salariat dans sa globalité », confie Michel Beaugas, secrétaire confédéral chez FO. « Le dialogue interprofessionnel n’est pas mort, enchaîne Marylise Léon, la numéro deux de la CFDT. Il y a des thèmes sur lesquels nous avons des choses à dire, comme l’ont montré les accords nationaux mis au point fin 2020 sur la santé au travail et le télétravail. » D’après Pierre Jardon, secrétaire confédéral à la CFTC, « l’enjeu majeur » de la discussion consiste à « rééquilibrer les relations » entre, d’un côté, les syndicats et le patronat, de l’autre, le pouvoir exécutif et le Parlement. Gilles Lecuelle, secrétaire national à la CFE-CGC, y voit un exercice « nécessaire », qui permettra – entre autres – de baliser le paritarisme de négociation : « A l’heure actuelle, il n’y a pas de cadre », observe-t-il. Secrétaire confédérale à la CGT, Angeline Barth compte s’impliquer dans les travaux à venir pour « redonner une utilité » et un « pouvoir normatif » à l’échelon interprofessionnel.

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Caddie, le fabricant de chariots de supermarché, placé en redressement judiciaire

A Drusenheim, en 2015.

Le célèbre fabricant de chariots de supermarchés Caddie, qui s’était déclaré lundi en cessation de paiements, a été placé en redressement judiciaire, mardi 4 janvier. La société a un mois et demi pour trouver un repreneur et sauver ses 140 emplois en Alsace.

« Le tribunal renvoie l’affaire au 22 février, espérant avoir pour cette date une solution avec un repreneur pour la société Caddie », a fait savoir le président de l’entreprise, Stéphane Dedieu, à l’issue de l’audience à huis clos qui s’est tenue devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne (Bas-Rhin).

« Nous sommes pressés par le temps parce que la société a besoin de trésorerie pour continuer, donc c’est important que le processus soit rapide », a ajouté celui qui, entré chez Caddie au début des années 1990 comme vendeur, a repris l’entreprise en 2014 après un précédent redressement judiciaire. « Actuellement je n’ai pas de piste, mais la procédure commence tout juste », a reconnu M. Dedieu, appelant de ses vœux un repreneur « industriel » pour ce marché de niche et vantant « une belle marque, de beaux produits et des collaborateurs impliqués ».

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« L’état de la société est vraiment catastrophique »

De son côté, rassuré que les salaires de décembre soient finalement versés, Luc Strohmenger, secrétaire CFTC du comité social et économique (CSE), veut que la priorité soit donnée au « maintien de l’emploi » sur le désormais unique site de production à Dettwiller (Bas-Rhin).

« L’objectif est de retrouver un repreneur le plus vite possible parce que l’état de la société est vraiment catastrophique. L’objectif est de maintenir l’emploi le plus longtemps possible », a insisté l’avocat du CSE, Hervé Bertrand, évoquant sept millions d’euros de dettes rien qu’auprès des fournisseurs. « Pour moi il est évident qu’une belle maison comme Caddie va forcément attirer un industriel », avait déclaré Stéphane Dedieu sur RMC avant l’audience au tribunal.

La société, basée à Dettwiller (Bas-Rhin), en Alsace, s’est déclarée lundi en cessation de paiement en raison d’une accumulation de difficultés qui ont épuisé sa trésorerie. L’entreprise, nommée Les Ateliers réunis Caddie, qui a inventé en 1928 le chariot métallique pour les grandes surfaces, a déjà subi deux redressements judiciaires, en 2012 et en 2014. Elle est détenue à 70 % depuis 2018 par le polonais Damix, qui avait supprimé cinquante emplois en 2020.

Le Monde avec AFP

La grande fatigue du secteur de l’événementiel face au « stop and go »

Au Festival international de la bande dessinée, à Angoulême (Charente), le 29 janvier 2020.

Inutile de présenter ses vœux à un représentant du secteur de l’événementiel : ils seront accueillis avec un sourire las. Après une reprise dynamique au dernier trimestre 2021, entreprises et salariés qui travaillent dans l’organisation de foires, salons, conventions ou spectacles ont replongé dans la crise.

Pas moins de cent trente événements, à commencer par des rendez-vous emblématiques, comme le Festival de la bande dessinée, à Angoulême, ou le salon Maison & Objet, au Parc des expositions de Paris Nord-Villepinte, ont été annulés ou reportés dans la foulée des déclarations de Jean Castex, lundi 27 décembre, annonçant que ces manifestations seraient soumises à des jauges de fréquentation jusqu’au 24 janvier. Il annulait le même soir « toutes les cérémonies de vœux prévues en janvier », un coup dur pour les traiteurs et boulangers.

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Le gouvernement a eu beau rectifier le tir jeudi 30 décembre en expliquant que les foires et salons finalement n’étaient pas concernés par ces mesures, le mal était fait : environ 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires, sans compter les retombées économiques pour les territoires, étaient partis en fumée, selon les estimations de l’Union française des métiers de l’événement (Unimev).

« Un effet dévastateur »

« Les annonces ont eu un effet dévastateur sur une filière déjà fragilisée », résume Béatrice Cuif-Mathieu, directrice générale de Destination Nancy, société publique chargée de la promotion et de l’organisation d’événements dans la cité lorraine et vice-présidente de l’Unimev. Président de l’association Lévénement et directeur général de l’agence Auditoire, Cyril de Froissard constate un « effet de ciseaux » : « On avait tablé sur une reprise en septembre qui s’est avérée réelle : on avait commencé à réembaucher… Là on va avoir des entreprises qui ont davantage de collaborateurs mais moins de travail. »

Lundi, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a renforcé certaines aides pour soutenir les sociétés des secteurs concernés, en abaissant notamment à un seuil de 50 % de perte de chiffre d’affaires la prise en charge des coûts fixes, et en élargissant l’accès au chômage partiel. Mais pour les spécialistes de l’événementiel, le compte n’y est pas. « J’avais 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires prévisionnel, je ferai au mieux 200 000 euros », calcule Fabrice Laborde, codirigeant de l’agence ByGalis.

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Dans ce secteur parmi les premiers arrêtés par la crise, il y aura bientôt deux ans, le moral des troupes est presque autant affecté que les comptes d’exploitation. « Au-delà du côté financier, c’est le “stop and go” permanent qui est épuisant », poursuit Stanislas Surun, vice-président du Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel scénique et évènementiel (Synpase) et directeur général associé de Magnum Novelty, qui compte deux cents salariés permanents mais fait travailler environ deux mille intermittents.

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« L’Etat pourrait-il organiser la recherche, la production et la distribution de vaccins ? »

Entreprises. Les profits exceptionnels que les firmes pharmaceutiques retirent des vaccins anti-Covid-19 les plus innovants sont ouvertement contestés. Soit au nom des recherches publiques qui auraient contribué à ces innovations, soit parce que la vaccination serait un bien public universel. Mais aurait-on pu procéder autrement ? L’Etat pourrait-il organiser la recherche, la production et la distribution de vaccins comme il le fait pour ses armements stratégiques ?

Une enquête du New York Times révèle que les Etats-Unis ont tenté, depuis longtemps, de mettre en place une telle politique nationale. L’analyse de cette expérience et de ses difficultés pourrait éclairer la réflexion à engager pour mieux se préparer aux futures épidémies (« Beneath a Covid Vaccine Debacle, 30 Years of Government Culpability », The New York Times, 23 décembre 2021).

C’est avec la première guerre d’Irak (1990) que le département de la défense américain (DoD) découvre qu’il n’est pas en mesure de protéger ses troupes contre l’anthrax, une maladie infectieuse grave. Certes, il détient les vaccins, mais ses appels aux grands laboratoires pharmaceutiques pour les produire en masse restent vains. Le projet d’une unité de production nationale gérée par une entreprise experte voit alors le jour, mais se heurte au gigantesque investissement public nécessaire et au même désintérêt des grands du secteur.

Dans l’urgence, le DoD se tourne alors vers un nouvel investisseur qui, bénéficiant d’aides fédérales massives, rachète un centre de vaccins du Michigan et développe une usine pour le vaccin anti-anthrax. Mais cette entreprise, l’actuelle Emergent BioSolutions, n’atteindra qu’avec retard la qualité nécessaire. En 2006, les Etats-Unis créent une agence pour soutenir la recherche biomédicale et susciter des partenariats avec les Big Pharma. Mais ces dernières restent réticentes, et les contrats iront surtout à la firme Emergent BioSolutions.

Nouvelle débâcle médicale

Avec l’irruption de la grippe H1N1 (2009), de grands laboratoires comme Novartis et GlaxoSmithKline répondent cette fois à l’appel, mais de manière temporaire. Le projet d’un centre national de production, à but non lucratif, est à nouveau relancé avec le laboratoire Merck, mais sans succès.

Quand l’épidémie due au coronavirus explose, les Etats-Unis ne disposent donc que de l’entreprise Emergent BioSolutions pour faire fabriquer les vaccins classiques, et peu coûteux, de Johnson & Johnson et d’AstraZeneca-Oxford. Mais sa production n’obtient pas l’aval des autorités de santé, forçant l’administration Biden à annuler ces contrats, en donnant le sentiment d’une – nouvelle – débâcle médicale.

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