Archive dans 2022

L’allongement du temps de travail en début de carrière profite aux entreprises

Paul (le prénom a été changé), 26 ans, est juriste dans un organisme public depuis deux ans. Il estime travailler au minimum 45 heures par semaine et a même connu plusieurs mois à près de 60 heures hebdomadaires. Son contrat de travail prévoit 39 heures. Raphaël, 22 ans, a passé un an dans le conseil, avec « une grosse pression et des horaires quasi illimités. Seul le résultat compte ». Avec, en guise de carotte, des primes, et, en guise de bâton, la menace d’être mis à la porte si les objectifs ne sont pas atteints.

Assurément, beaucoup de jeunes en début de carrière ne comptent pas leurs heures. Notamment dans des secteurs tels que le conseil ou les start-up.

Ainsi, Alexandre Fitussi, cofondateur de Beanstock, une start-up spécialiste de l’immobilier, qui emploie une quarantaine de collaborateurs âgés de 23 à 30 ans, reconnaît qu’« il n’est pas rare que des salariés soient encore présents dans les locaux à 21 heures ou 22 heures. Les jeunes sont extrêmement travailleurs ».

Paul confirme le côté exaltant et stimulant du travail, mais il voit plus loin : « J’acquiers de l’expérience et des compétences. Je sais que je serai récompensé à long terme. » D’autres semblent cependant nettement plus pressés de rentabiliser leur investissement. « L’impatience des jeunes est terrifiante, estime Alexandre Fitussi. Au bout de seulement trois mois, ils réclament déjà une augmentation de salaire, une progression de carrière… »

« Soumission volontaire »

Pour Jean-Yves Boulin, sociologue, chercheur associé à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales de l’université Paris-Dauphine, « les jeunes font preuve d’une sorte de soumission volontaire. Ils se trouvent happés par leur besoin de reconnaissance. De plus, le présentéisme reste un phénomène très français ». Alexandre Fitussi n’hésite pas à affirmer que « dans les start-up, le temps de travail est une notion complètement surannée. Aujourd’hui, ce que veulent les jeunes, c’est avant tout qu’on leur fasse confiance. S’il y a quelque chose qu’ils détestent, c’est bien le contrôle, notamment celui des horaires ».

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Ce que confirme Raphaël, qui, après un an dans le conseil, a rejoint, depuis quelques mois, une entreprise du secteur automobile comme assistant du responsable grands comptes et a vécu un véritable choc culturel : « C’est le jour et la nuit ! Maintenant, je suis obligé de badger matin, midi et soir ! regrette le jeune homme. Les RH et mon manageur sont très à cheval sur le respect des horaires (39 heures hebdomadaires) et ils n’hésitent pas à demander aux gens de partir des bureaux passé une certaine heure. Cela a été une surprise très désagréable ! Je n’avais pas posé de questions sur le sujet durant mes entretiens, car pour moi c’était tabou. Evoquer le temps de travail revenait à montrer un manque de motivation. »

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Alvance Aluminium Poitou, nouvelle fonderie française au bord de la liquidation

Chez Alvance Aluminium Poitou, à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne), le 17 juin 2021.

Ses salariés ont appris la mauvaise nouvelle à l’issue d’un comité social et économique extraordinaire mardi 11 janvier au matin : au terme du délai imparti, aucun repreneur ne s’est manifesté pour reprendre leur usine, la fonderie Alvance Aluminium Poitou, à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne). « Le fondeur chinois Huanxang a renoncé lundi. Il ne veut pas d’une usine qui n’est pas encore diversifiée », explique Jean-Philippe Juin, délégué CGT et porte-parole de l’intersyndicale des salariés.

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La liquidation judiciaire du sous-traitant automobile, qui fabrique des culasses en aluminium pour un client unique, Renault, pourrait être prononcée par le tribunal de commerce d’ici à trois semaines, à moins d’un nouveau sursis – la date limite pour trouver un repreneur avait déjà été repoussée du 20 octobre 2021 au 10 janvier.

En moins d’un an, quatre fonderies automobiles françaises ont déjà fermé : FVM à Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle), MBF Aluminium à Saint-Claude (Jura), la Fonderie du Poitou Fonte et, à la fin de novembre 2021, la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), à Viviez (Aveyron). Plus de 1 000 salariés ont ainsi été licenciés depuis le printemps alors qu’une étude du cabinet Roland Berger, en 2020, avait souligné le risque de voir disparaître plus de 5 000 emplois d’ici à dix ans dans la filière (40 % des postes).

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Si l’accélération du passage au moteur électrique les oblige à se diversifier pour survivre à moyen terme, c’est d’abord, à court terme, la délocalisation de leur production, en Espagne ou en Turquie, qui nuit souvent aux fonderies automobiles françaises.

« C’est une aberration de nous fermer »

Mais Alvance Aluminium Poitou produit encore une culasse pour Renault. « Ils ont besoin de nous jusqu’en 2025 », affirme Jean-Philippe Juin. D’ici à la décision du tribunal de commerce, les 320 salariés de la fonderie (285 sont en CDI) entendent donc jouer une dernière carte.

« Selon les consultants de Roland Berger, qui ont étudié notre site, notre fonderie a la capacité de se retourner. Mais il faut nous laisser le temps de transiter vers la production de pièces pour les voitures hybrides et électriques, explique le délégué syndical. Aussi nous demandons au gouvernement de nous prendre sous tutelle deux ou trois ans, jusqu’à ce qu’on se soit diversifiés. C’est une aberration de nous fermer, comme c’est une aberration de fermer la SAM, alors que nous avons tout pour réussir et que demain les pièces pour l’électrique ne trouveront plus où être fabriquées en France ! »

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Pour les salariés de start-up, le mirage des « stock-options à la française »

« Les BSPCE, pour moi, c’est comme les calamars géants ! J’en ai entendu parler lors de l’embarquement sur le chalutier, mais je n’en ai jamais vu la couleur. » Alexandre (les prénoms ont été changés), ancien employé d’une petite entreprise, est loin d’être le seul à s’être senti floué par ces bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, dispositif très en vogue dans les start-up, qui fait miroiter des sommes colossales à leurs équipes. « On m’a dit que, grâce à ces stock-options à la française, je pourrais me payer une maison d’ici quelques années. Je n’ai même pas touché un centime, puisque la boîte a coulé », relate Pierre avec amertume.

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« On a beaucoup de gens qui n’en voient pas la couleur », constate Marie, responsable ressources humaines chargée des BSPCE dans une start-up de finance. Les BSPCE promettent de participer au succès d’une société en devenant actionnaire, mais plus tard, à un « prix d’ami » défini au moment de la signature. Selon le baromètre 2021 EY-France Digitale, 51 % des salariés de start-up réalisant un chiffre d’affaires annuel entre 5 millions et 50 millions d’euros possèdent des BSPCE.

« Il n’y aurait pas de French Tech sans BSPCE, juge Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique. Dans l’univers des start-up, la rémunération en capital est essentielle dans la lutte pour les talents. » Pour les entreprises, les BSPCE permettent en effet de motiver et de fidéliser leurs équipes. C’est aussi une carotte brandie en face de salaires parfois chiches. Pourtant, il ne s’agit que de sommes virtuelles, déblocables selon de nombreux critères, à commencer par le fait de rester dans la société un certain nombre d’années.

Manque de transparence

Selon la plate-forme Caption Market, qui aide des salariés à gérer leurs BSPCE, 75 % des détenteurs n’activeront jamais leurs bons, car ils partent avant d’acquérir leurs actions ou car la start-up a échoué à croître. « Cela ne remplace pas le salaire, c’est au salarié de le comprendre, considère Maya Noël, directrice de l’association France Digitale. Mais il est important de simplifier le sujet. » Les clauses et subtilités sont, en effet, légion. Tout est détaillé dans un pacte d’actionnaires assez abscons.

« Il faisait 80 pages, on ne comprenait rien, c’était du langage juridique », déplore Anne, ancienne d’une start-up dans l’agroalimentaire. A cela s’ajoute un manque de transparence. Maxime, développeur Web, a vu le fruit de ses bons, mais avec quelques surprises : quand son ancienne start-up a été rachetée, les équipes ont appris qu’elles allaient toucher une belle plus-value. Une fête a lieu, les salariés discutent, et découvrent des écarts de gain colossaux.

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Le décès en télétravail est-il un accident du travail ?

Droit social. Un salarié en télétravail, vivant seul, n’ayant que peu de contacts sociaux, n’a pas participé à la réunion de service en ligne à laquelle il était habituellement assidu. Il n’a pas non plus répondu aux appels téléphoniques de ses collègues ni à ceux du service RH. Deux jours plus tard, il a finalement été découvert mort à son domicile.

Comment savoir si ce drame est aussi un accident du travail ? La qualification retenue aura à la fois des incidences sur la prise en charge des frais funéraires, sur les rentes versées à d’éventuels ayants droit, tant par le régime général de la Sécurité sociale que par les régimes complémentaires d’entreprise ou de branche, et sur les taux de cotisation employeur lorsque l’entreprise emploie 150 salariés ou plus.

« L’autopsie, si elle est ordonnée, aura deux objets : déterminer le moment de la mort, puis le lien du décès avec le travail. »

L’article L. 411-1 du code de la Sécurité sociale nous apprend que toute lésion survenue pendant le temps et au lieu de travail doit être considérée comme trouvant sa cause dans le travail, sauf s’il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail. L’article L.1222-9 du code du travail complète ce texte en assimilant l’accident sur le lieu de télétravail à celui survenu dans les locaux de l’entreprise.

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Aussi, à supposer que l’endroit où le salarié est mort soit bien le lieu de télétravail désigné par l’accord entre l’employeur et le salarié ou par l’accord collectif de télétravail ou par la charte ad hoc, il convient de déterminer si le décès est survenu au moment du travail et s’il n’existe pas une cause totalement étrangère au travail qui mettrait à bas la qualification d’accident du travail. La preuve est difficile à constituer.

Autopsie

Il ne reste alors souvent que l’autopsie pour tenter de déterminer l’heure du décès et révéler la cause de la mort, ou préciser les causes qui ont pu contribuer à la genèse de l’accident. Cette étape peut également mettre en évidence un état antérieur et potentiellement rattacher le décès aux conditions de travail.

Deux sortes d’autopsies coexistent.

La première est déclenchée par le médecin qui établit le certificat de décès en refusant, en cas de mort suspecte ou violente, d’accorder le permis d’inhumer. Un officier de police judiciaire est alors informé de la situation et dresse un procès-verbal des circonstances du décès. L’enquête judiciaire est ouverte et le procureur de la République peut ordonner une autopsie. Ce type d’autopsie est rare en France.

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Aux termes de l’article L. 442-4 du code de la Sécurité sociale, « la caisse doit, si les ayants droit de la victime le sollicitent ou avec leur accord, si elle l’estime elle-même utile à la manifestation de la vérité, demander au tribunal judiciaire (…) de faire procéder à l’autopsie ». L’affaire sera alors portée devant le juge judiciaire, qu’ils devront convaincre de la nécessité d’une mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.

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« C’est au droit du travail et au droit social d’évoluer pour s’étendre aux nouvelles activités de l’économie numérique »

Tribune. La situation des travailleurs indépendants intervenant sur les plates-formes numériques est inquiétante, surtout concernant les voitures de transport avec chauffeur (VTC) et la livraison, car ces travailleurs peuvent connaître des situations de forte subordination économique et de déséquilibre des droits en comparaison avec les salariés.

Ce déséquilibre ne concerne pas uniquement la protection sociale, mais également les conditions de travail, la rémunération ou la sécurité de l’emploi. Il faut le réduire, c’est évident. Pour autant, le contenu de la proposition de directive européenne qui préconise la requalification de ces travailleurs en salariés sur la base de cinq critères est très critiquable, et ceci pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, de nombreuses enquêtes signalent que les travailleurs concernés veulent très majoritairement demeurer indépendants. Beaucoup d’entre eux étaient d’ailleurs auparavant très éloignés du marché du travail et ce type d’emplois est pour eux un moyen d’y prendre place.

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Par ailleurs, le développement des activités concernées a été bénéfique en termes de croissance, et a, dans certains cas, permis de contourner les difficultés à réformer des professions qui défendaient des barrières à l’entrée préjudiciables à la croissance (les taxis par exemple).

Technocratisme

Bref, si le modèle économique de ces activités appelle des transformations visant à protéger davantage leurs travailleurs, il ne doit pas être menacé, car il y a derrière des emplois de la création de valeur et… les aspirations de ces travailleurs.

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Ensuite, ce projet de directive pèche par son technocratisme prononcé. Créer, dans la loi (européenne), une définition de la subordination juridique permettant la requalification de la situation du « travailleur » en salarié à partir de cinq critères ne fait que créer de l’insécurité juridique, donc une judiciarisation excessive ayant forcément des effets négatifs sur l’emploi.

Enfin, le recours à la requalification en salarié ne doit pas être la voie privilégiée pour protéger les travailleurs indépendants économiquement subordonnés. La requalification reste, surtout dans un pays comme la France, ancrée dans un droit du travail créé par et pour la civilisation de l’usine.

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Le numérique et l’intelligence artificielle appellent au dépassement du critère du salariat par celui de l’activité professionnelle protégeant tous les travailleurs, salariés et indépendants, le niveau de protection étant alors en liaison avec le degré d’autonomie. Cela ne peut qu’inviter à maximiser le rôle de la convention collective, plus à même (parce que c’est un contrat) d’adapter les normes protectrices à chaque activité et chaque contexte, mais aussi de gérer préventivement les risques.

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« Le juge de paix, c’est la démographie » : à Clermont-Ferrand, un dynamisme de l’emploi alimenté par les grandes entreprises

A l’usine Michelin de la Combaude, à Clermont-Ferrand, en avril 2020.

Ni à deux heures de Paris, tant s’en faut, ni dans le sud de la France, et encore moins au bord de la mer : Clermont-Ferrand n’a, de prime abord, pas le visage attrayant de ces métropoles célébrées pour leur rayonnement. Pis, l’actualité n’est pas toujours très heureuse : début décembre 2021, Michelin a annoncé la suppression de 469 postes sur ses différents sites clermontois.

Et pourtant, même si « les phénomènes d’héliotropisme et de littoralisation favorisent le dynamisme économique des départements méridionaux et de la façade atlantique », le baromètre 2021 de l’attractivité et de la résilience des métropoles françaises d’Arthur Loyd classe Clermont-Ferrand à la troisième place des aires urbaines intermédiaires (entre 200 000 et 500 000 habitants), derrière Brest et Tours, devant Nancy, Nîmes, Reims, Dijon, etc. Dans sa catégorie, l’agglomération clermontoise occupe le premier rang pour les performances économiques et la qualité de vie.

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« Les Clermontois sont souvent très critiques sur eux-mêmes, alors que ceux qui ne sont pas d’ici nous disent : “Vous ne vous rendez pas compte du bonheur de vivre dans cette région” », constate Claude Barbin, le président de la chambre de commerce et d’industrie du Puy-de-Dôme. « Le juge de paix, c’est la démographie », renchérit Dominique Adenot, élu PS de la ville de Clermont-Ferrand et président du Grand Clermont. « Voir arriver de nouveaux ménages, cela vaut tous les sondages », ajoute celui qui vise 50 000 habitants de plus dans l’aire urbaine (480 000 aujourd’hui) d’ici à 2030. De ce point de vue, la croissance est au rendez-vous. Les vingt et une communes qui constituent Clermont Auvergne Métropole (280 000 habitants) voient leur population augmenter de 0,5 % par an.

Plus inattendu, selon Arthur Loyd, la métropole clermontoise surclasse des métropoles plus importantes sur le plan démographique, comme Bordeaux, Toulouse, Aix-Marseille et fait jeu égal avec Rennes ou Montpellier.

« Nous sommes encore trop dépendants de Michelin »

La performance tient en grande partie à la présence de Michelin, qui y a ses directions France, Europe et monde. Avec ses 10 000 emplois, dont 3 300 dans son centre de recherche et développement, le géant du pneumatique alimente un écosystème qui concentre beaucoup d’emplois tertiaires très qualifiés, ainsi qu’une implantation universitaire significative et de nombreux laboratoires de recherche. C’est ce que souligne Arthur Loyd. L’agglomération clermontoise « affiche de bonnes performances en économie : le plus grand bassin d’emploi de sa catégorie, un taux de chômage inférieur à 7 % et la part la plus élevée d’emplois de cadres ». « Il y a une très forte synergie entre Michelin, mais aussi Sanofi, Constellium et Limagrain, et notre réseau de PME, constate M. Barbin. Nos grandes entreprises sont ancrées sur notre territoire, et elles ont besoin de le rendre attrayant pour faire venir des collaborateurs. »

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Rebond du marché de l’emploi : l’Ile-de-France à la traîne des autres régions

Après avoir recruté 25 personnes en 2021, Eurecia, une PME de 120 salariés, va étoffer encore ses équipes d’une quarantaine de CDI, cette année. Signe particulier : cet éditeur de logiciels est installé en bordure du canal du Midi, à Castanet-Tolosan, à quelques kilomètres de Toulouse. Partout dans l’Hexagone, ou presque, ce type d’annonce se répète. ID Logistics a créé, mi-2021, quelque 500 emplois à Brebières dans le Pas-de-Calais ; le groupe Muller, spécialisé dans les appareils de chauffage, a annoncé, en septembre 2021, le recrutement d’une cinquantaine de personnes sur ses sites industriels installés un peu partout sur le territoire, dans les Hauts-de-France, dans les Pays de la Loire, dans le Grand-Est…

Après la récession historique de 2020, la reprise s’est déjà accompagnée d’une première surprise sur le marché du travail : non seulement la flambée du chômage n’a pas eu lieu, mais, à la fin septembre 2021, l’emploi salarié se situait 1 % au-dessus de son niveau de la fin de 2019. Soit près de 270 000 emplois supplémentaires. Et, et c’est là la seconde surprise, l’Ile-de-France, qui représente pourtant un emploi sur quatre dans l’Hexagone, est à la traîne face au dynamisme d’autres régions.

Les chiffres publiés vendredi 7 janvier par l’Insee sont, à cet égard, éloquents. Entre fin 2019 et le troisième trimestre 2021, l’Ile-de-France a vu ses effectifs salariés augmenter de seulement 0,3 %, contre 1 % en moyenne au niveau national. La plus grande région économique du pays est largement distancée, en termes de créations d’emplois, par la Nouvelle-Aquitaine, qui fait presque deux fois mieux (+ 1,9 %), la Bretagne et Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 1,7 %), l’Occitanie (+ 1,4 %), Auvergne-Rhône-Alpes (+ 1,3 %)… Seules deux régions apparaissent faire moins bien : Bourgogne-Franche-Comté (– 0,4 %) et le Grand-Est, qui n’affiche qu’un timide + 0,2 %.

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Comment expliquer ce décalage ? « On ne peut pas dire qu’il y ait eu des délocalisations d’entreprises de Paris vers la province », relève ironiquement Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. Ce serait aussi aller un peu vite en besogne que d’expliquer les mouvements sur le marché de l’emploi par l’« exode urbain » lié à la crise sanitaire. D’abord, parce que les départs concernent surtout des habitants de Paris intra-muros, qui, finalement, s’installent… en banlieue, et ne changent donc pas de lieu de travail. Ensuite, cet « exode » ne peut expliquer les 270 000 créations d’emplois en dehors de l’Ile-de-France.

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Covid-19 : « Je dois presque me justifier de ne pas aimer le télétravail »

Une salariée en télétravail, à Marseille, le 17 décembre 2021.

Elle aurait aimé commencer autrement sa vie professionnelle. Mais le premier jour du premier emploi de Diane (les prénoms des personnes interrogées ont été changés), lundi 3 janvier, a coïncidé avec l’obligation gouvernementale de télétravailler trois jours minimum par semaine et quatre jours si possible, pour faire face à la déferlante Omicron. Recrutée comme auditrice dans un grand cabinet de conseil anglo-saxon, la jeune femme de 25 ans a bien assisté lundi, sur site, à sa journée de « welcome day » pour recevoir son matériel, mais depuis tout se déroule en distanciel pour encore au moins quinze jours. « C’est déprimant de ne rencontrer personne et de passer ses journées sur Google Meet, je me sens stressée de ne pas pouvoir échanger mes impressions et mes questions avec les autres », raconte Diane. Elle devra être opérationnelle lundi 10 janvier, « mais [elle] n’a pas rencontré [s]on chef d’équipe, elle [s]e sen[t] un peu perdue ».

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Nombre de Français espéraient que la nouvelle année permettrait de renouer avec le collectif de travail. Les annonces du premier ministre, le 27 décembre 2021, les obligent à composer à nouveau avec un télétravail imposé, symbole d’une crise sanitaire dont on ne voit pas l’issue. « Le télétravail contraint concerne un salarié sur deux au maximum et, pour nombre d’entre eux, cette séquence ne va pas changer fondamentalement la donne, car ils travaillaient déjà à la maison plusieurs jours par semaine, relativise Anne-Sophie Godon, directrice des services du groupe de protection sociale Malakoff Humanis. Surtout, pour la première fois, cette mesure est limitée dans le temps, sur une période courte. Quand on connaît la date de fin d’une séquence, il est plus facile de la supporter. » Dans sa communication, le gouvernement a en effet immédiatement précisé que ce recours au télétravail obligatoire durerait trois semaines, à partir du 3 janvier.

« L’idée même d’une réunion en visioconférence me donne une crise d’angoisse. » Anaïs, salariée parisienne de 30 ans

« Il n’empêche, cela m’a mis en colère, témoigne Luc, 50 ans, chef de projet chez Orange, dans l’est de la France. Je comprends la logique du gouvernement, mais je subis, j’ai l’impression d’être un pion. On ne se préoccupe pas de savoir si ça me convient ou pas, si je suis bien installé chez moi. Je dois presque me justifier de ne pas aimer télétravailler. » Autour de lui, ses collègues, eux, apprécient. « Beaucoup vivent en maison en dehors de la ville, souligne-t-il. Moi, je suis un urbain, je me déplace à vélo, les embouteillages, je ne connais pas. Par contre, à la maison, je dois me mettre dans le salon pour travailler, et ma femme en a assez. »

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La CFDT tire un bilan très critique des ordonnances Macron sur le dialogue social

Alors qu’elles cherchaient à améliorer la qualité des échanges entre salariés et patrons, les ordonnances de septembre 2017 sur le code du travail ont, bien souvent, abouti à l’effet inverse. C’est le constat, très sévère, que dresse la CFDT dans une évaluation rendue publique vendredi 7 janvier. « La cible a été ratée », a lancé Laurent Berger, le secrétaire général de la centrale cédétiste, lors d’une conférence de presse. Ses appréciations s’avèrent plus dures que celles du comité d’experts qui avait également analysé l’impact de la réforme, dans un rapport diffusé à la mi-décembre 2021.

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Promesses de campagne d’Emmanuel Macron, les mesures promulguées en septembre 2017 cherchaient à renforcer « l’efficacité » de la négociation collective en « simplifiant » les instances de représentation des salariés. C’est dans cette optique qu’a été fondé le comité social et économique (CSE) : il s’est substitué au comité d’entreprise, aux délégués du personnel ainsi qu’au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Pour M. Berger, ces changements ont débouché sur une « plus grande centralisation du dialogue social » et sur une « concentration » des espaces de discussion. Dans le même temps, on a assisté à « une disparition massive des représentants de proximité », leur présence n’étant prévue que dans un quart des accords ayant mis en place des CSE, d’après la CFDT. Autant d’évolutions qui ont contribué à distendre le lien entre la base et les syndicalistes faisant office d’interlocuteurs auprès de la hiérarchie. Les ordonnances ont accordé « une confiance aveugle aux employeurs » pour concrétiser les buts de la réforme, « tout en leur donnant les moyens d’y échapper », a résumé M. Berger. A ses yeux, beaucoup de directions de société se sont contentées du strict minimum, considérant que la négociation est surtout un coût et une contrainte.

Vision « étriquée du dialogue social »

La mission des élus du personnel est, en outre, devenue plus lourde à assumer, avec un « rallongement des réunions », selon M. Berger. Son propos a été illustré par le témoignage de plusieurs militants cédétistes, dont Malika Poumbga, déléguée syndicale dans la chaîne de magasins Marionnaud. Ceux qui siègent dans les CSE n’arrivent « plus à maîtriser tous les sujets », a-t-elle expliqué, en invoquant le « manque de temps », « de moyens » et les ordres du jour devenus surabondants. Les débats sont de plus en plus « superficiels », menés dans la « précipitation », ce qui engendre de la « souffrance » parmi les représentants des salariés.

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Dans le Puy-de-Dôme, Les Forges de Gerzat devraient relancer la production de bouteilles d’oxygène

Devant l’usine Luxfer, le 22 janvier 2020, à Gerzat, dans le Puy-de-Dôme.

Dossier emblématique de la désindustrialisation de la France, l’affaire Luxfer trouve enfin son épilogue. Vendredi 7 janvier, une solution a été trouvée pour relancer la fabrication de bouteilles d’oxygène. Réunis autour du préfet du Puy-de-Dôme, l’industriel Europlasma, les représentants de l’Etat, de Clermont-Métropole et du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes ont confirmé leurs engagements financiers, qui devraient permettre à la nouvelle société, Les Forges de Gerzat, de lancer sa production de contenants en aluminium à l’horizon 2024. Deux cents emplois directs doivent être créés.

Europlasma apportera 50 millions d’euros, dont 25 millions en fonds propres. L’Etat accordera un prêt de 15 millions d’euros et une subvention de 4,5 millions d’euros. Clermont-Métropole fera l’acquisition du foncier et construira la future usine pour un montant de 34 millions d’euros. Le conseil régional accordera de son côté 3 millions d’euros, notamment pour la formation et l’acquisition de machines.

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C’est paradoxalement la crise sanitaire qui a permis de réanimer une activité promise à une mort quasi certaine. Fabricante, entre autres, de bouteilles d’oxygène médical, la société Luxfer, installée depuis 1939 dans la commune de Gerzat, dans la banlieue nord de Clermont-Ferrand, a vu son destin basculer le 26 novembre 2018. En dépit d’une activité profitable, le groupe anglo-américain Luxfer Gas Cylinders annonce la fermeture de son usine française, la seule à fabriquer ce type de produits en Europe continentale. A la clé, 136 licenciements et une fermeture programmée au printemps 2019.

« On a eu peur que la direction détruise les machines »

Le 26 janvier 2020 commence le blocage de l’usine, qui dure cinquante-six jours. « On a eu peur que la direction détruise les machines, en particulier deux énormes presses, avant la vente du site », raconte Axel Peronczyk, jeune élu CGT au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. « En mars, quand la France a été confinée à cause du Covid, nous, nous avons déconfiné l’usine et nous sommes rentrés chez nous. » Mais, entre-temps, la donne avait changé. « On voyait nos bouteilles à la télé, pendant que le débat sur la souveraineté sanitaire montait à cause de la pénurie de masques. » Les politiques s’emparent de l’affaire. Dès le 19 mars, la députée PS du Puy-de-Dôme Christine Pirès-Beaune demande la nationalisation de Luxfer. Le député communiste André Chassaigne lui emboîte le pas, suivi par Jean-Luc Mélenchon (LFI), Olivier Faure (PS) et Marine Le Pen (RN).

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