Archive dans juillet 2022

Hausse des salaires : chez Ratier-Figeac, le mouvement de protestation s’enlise

Dans l’usine Ratier-Figeac (Lot), en 2017.

« Cela fait trois semaines qu’on est là. On ne va pas arrêter la grève et repartir sans rien. On est vraiment motivés pour faire bouger les choses », affirme Cédric, contrôleur en maintenance des pales chez Ratier-Figeac, sous-traitant aéronautique qui emploie 1 300 personnes à Figeac dans le Lot. « A un moment donné, il faut se mettre dans la tête que les prix ont flambé », insiste ce salarié qui gagne 2 080 euros brut par mois.

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« Pourtant, j’étais content d’entrer dans une grosse entreprise et je n’avais pas négocié mon salaire. Mais aujourd’hui, c’est un tout, et je me demande si le jeu en vaut la chandelle », ajoute-t-il, avant de préciser. « On est moins bien payés que chez Airbus. Certes, mais les prix des logements ne sont plus abordables. On a dû, avec ma femme, nous éloigner à quarante kilomètres de Figeac pour trouver une maison. »

Cet employé de 37 ans, entré en 2014 comme intérimaire chez ce fabricant d’hélices et d’équipements de cockpit (mini-manches, palonniers, manettes de gaz) a rejoint le mouvement de protestation entamé le 17 juin par les cols bleus pour la revalorisation de leur salaire. Chaque matin, dès 7 h 30, Cédric rejoint les rangs des salariés en colère qui se regroupent dans la cour d’honneur, derrière une banderole sur laquelle les mots « mal payés, surchargés, méprisés » sont écrits en lettres noires sur fond blanc, bloquant les lignes de production de l’équipementier, propriété de l’américain Collins Aerospace, filiale du groupe Raytheon Technologies.

Historique

Le refus de la direction de placer la revalorisation salariale en tête des sujets prioritaires de la réunion du comité social et économique (CSE) a mis le feu aux poudres. La CGT, principale organisation syndicale, a quitté la table des discussions, le 17 juin, pour informer les salariés rassemblés à l’extérieur des bâtiments. Dans la foulée, ils ont voté en assemblée générale une grève illimitée pour réclamer 300 euros brut par mois.

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La direction, de son côté, n’a pas cédé, campant sur sa position : elle prévoit une hausse des salaires de 2,8 %. Pas assez pour la CGT, au regard des bons résultats du groupe : un bénéfice net de 9 millions d’euros en 2020, de 36 millions d’euros en 2021. « Les négociations aboutissent pour les autres sites du groupe. Or, nous, depuis sept ans, nous n’avons aucune hausse du salaire plancher », regrette Fabien Trayaud, opérateur au centre d’usinage et délégué syndical CGT.

Afin de trouver une issue à ce premier conflit, historique par sa durée, les salariés ont « changé leur fusil d’épaule », le 1er juillet, revoyant leur proposition : ils réclament, désormais, un engagement écrit pour que l’ancienneté soit calculée sur le salaire de base et non plus sur le revenu minimum hiérarchique. « On perd entre 150 et 200 euros tous les mois », se justifie le délégué syndical. Autre proposition mise sur la table afin d’engager, à nouveau, les discussions avec le groupe : une hausse de 60 euros à 140 euros par mois calculée selon le montant des salaires. « Les salariés sont épuisés. Il faut trouver une solution », insiste M. Trayaud. Contactée par le Monde, la direction n’a pas donné suite à notre demande.

Sous l’effet de l’inflation, les mobilisations salariales se multiplient en France

Des salariés en grève manifestent à l’aéroport de Roissy-Charles- de-Gaulle, le 1er juillet. 

La statistique publique n’en donnera pas la mesure avant un an ou deux, mais tous les observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de loupe médiatique : la France connaît une recrudescence de mobilisations pour des augmentations de salaire. « Les récits de conflits salariaux se multiplient, c’est indéniable », selon Karel Yon, sociologue et chercheur au CNRS.

Ce mercredi 6 juillet, le mouvement s’annonçait massif à la SNCF. Celui dans les aéroports franciliens d’Orly et de Roissy a entraîné la suppression d’un vol sur cinq samedi 2 juillet au matin. « Il y a vraiment un foisonnement d’actions sur ces questions salariales. Ça bouge partout, tout le monde est touché », renchérit Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, qui cite encore la grève des routiers, les mouvements dans les grandes entreprises privées Total ou Thales, et dans le secteur public. On pourrait y ajouter une longue liste de mobilisations constatées depuis l’automne, dans l’agroalimentaire, les assurances, la sécurité, l’aéronautique, chez les parfumeurs Marionnaud ou Sephora, les enseignes préférées des Français Leroy Merlin et Decathlon, et dans une myriade de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, inconnues du grand public.

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« Parce qu’elle touche tout le monde, à tous les postes, qu’elle n’est pas liée à une quelconque question de productivité ou d’investissement du salarié dans son travail, l’inflation a redonné tout son sens à la demande d’augmentation collective des salaires, souligne Jérôme Pélisse, professeur à Sciences Po et chercheur au centre de sociologie des organisations. Une pratique qui n’avait cessé de reculer ces dernières années dans les entreprises, au profit des augmentations individuelles, dites « au mérite ».

« La mobilisation paye »

De la même façon, la grève comme mode d’action collectif semble revivifiée : les témoignages abondent de salariés l’ayant expérimenté pour la première fois ces derniers mois. « Cette vague de grèves vient rappeler combien la relation salariale est fondamentalement conflictuelle et repose sur un rapport de force qui fait partie de la vie normale de l’entreprise », insiste M. Pélisse.

Avec son collègue chercheur au CNRS Pierre Blavier, il a étudié à la loupe les données (recueillies avant le confinement) de la dernière enquête « Relations professionnelles et négociations d’entreprise », de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. « Alors qu’au niveau national, les conflits sociaux ne sont que rarement gagnants, nous avons montré qu’à l’échelle des établissements la mobilisation paye, souligne M. Blavier. Lors des négociations salariales, il existe un lien statistique fort entre l’occurrence d’une mobilisation collective et le fait que la direction amende sa proposition initiale. »

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Transparence des salaires, encore un effort

Faut-il être plus transparent pour être plus attractif ? A l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) , « on recommande aux employeurs d’afficher des rémunérations dans les annonces d’emploi. Des entreprises le font », indique un responsable du recrutement. Mais ce n’est pas la règle du marché de l’emploi.

Sur l’imposant agrégateur d’offres d’emploi Indeed, les fourchettes de salaires accompagnent parfois les annonces : 27 373 à 40 480 euros par an pour un poste, par exemple, de gestionnaire de sinistre automobile. En revanche, le manager de proximité indemnisation devra postuler à l’aveugle. Cette offre ne détaille pas la rémunération, et elle est publiée depuis plus de trente jours par un groupe d’assurance.

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Malgré des problèmes de recrutement dans tous les secteurs, « la transparence des salaires n’est pas une tendance à la hausse », affirme Carlos Fontelas de Carvalho, président d’ADP, gestionnaire de paye, en France et en Suisse. Face à la concurrence sur les compétences techniques, l’entreprise de covoiturage Blablacar mise ainsi davantage sur le niveau de rémunération, la distribution d’actions gratuites et tous les à-côtés (budget télétravail, congé parental, mobilité durable) que sur la transparence des salaires à l’embauche.

La transparence n’est pas une priorité

« On n’affiche pas les salaires dans nos annonces. Il y a un besoin de maturité sur ces sujets, avant d’être complètement transparents. Ce serait dangereux de ne pas en tenir compte », argumente Stéphanie Fraisse, la DRH de Blablacar. Il est parfois difficile de respecter l’équité interne à l’entreprise, tout en faisant face à la concurrence sur le marché de l’emploi, où les niveaux de rémunération flambent sur les compétences les plus recherchées.

Par ailleurs, « si le salaire continue à être la priorité pour l’ensemble du personnel, d’autres composantes prennent une place très importante, comme la flexibilité dans l’organisation du travail, le télétravail et la possibilité de passer à la semaine de quatre jours. Avant, les entreprises se comparaient au marché et proposaient 10 % de plus pour remporter un recrutement. Maintenant, ça ne suffit plus et elles le savent », explique Carlos Fontelas de Carvalho.

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La transparence ne s’impose pas comme le critère prioritaire d’attractivité. « La part du salaire est relativement faible dans la reconnaissance attendue par les salariés. Elle passe après le respect et la reconnaissance des efforts, confirme David Mahé, fondateur et président de Human & Work, un groupe de cabinets de conseil RH spécialisé dans l’accompagnement des salariés. L’affichage des salaires, c’est une question de cohérence. Le sujet est de payer les gens au juste prix. Mais si on a de nouvelles recrues payées 20 % de plus que l’effectif présent, ça crée des difficultés. »

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Après le mouvement Balance ta start-up, le management devient un chantier prioritaire pour l’écosystème

« Moi dans le monde dans lequel je vis, si je ne travaille pas 80 heures par semaine, il y a très peu de chances que j’aie mon appartement, une résidence secondaire et peut-être une autre après » : début mai, les propos sur les stagiaires tenus dans un podcast par Claire Despagne, fondatrice de la start-up D+ for care, réveillaient sur les réseaux sociaux la méfiance du grand public envers le monde des start-up.

Stress, conditions de travail illégales, absence de services RH, cas de harcèlement sexuel et moral, de sexisme, de racisme… Un an et demi plus tôt, dans la foulée de la page Instagram Balance ton agency, qui dénonçait le harcèlement en agences de publicité, Balance ta start-up, qui compte aujourd’hui près de 200 000 abonnés, avait révélé au grand jour les dérives managériales dans des entreprises telles que Too Good to Go, Lydia, Doctolib ou Lou Yetu. Ces dysfonctionnements ont-ils été réglés ?

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Si la croissance de ces start-up a rarement été ralentie, les plus visées disent avoir pris le problème à bras-le-corps, notamment pour soigner leur réputation et leur image de marque employeur. « Ça nous a touché. On a lu avec attention les témoignages, se souvient Sarah Chouraqui, directrice générale de Too Good to Go (commerce, 130 salariés). Un candidat sur deux nous parlait de Balance ta start-up en entretien. Répondre à cela a été ma priorité, avec un vrai travail de fond pour accélérer les formations de nos manageurs, renforcer la culture du feedback, les canaux de communication interne, clarifier les process en cas de harcèlement. »

Une refonte de la gouvernance

Chez Iziwork (intérim, 250 salariés), où la volonté de croître rapidement avait totalement mis au second plan les questions de ressources humaines, la direction a créé un véritable département de six personnes, pour « mieux recruter et intégrer les collaborateurs ». Le directeur général France, Jérôme Bouin, fait état d’une « refonte totale de la gouvernance » : « On a changé tout notre système de communication et d’information en interne, avec une transparence totale des résultats pour tout le personnel. »

Docteure en sociologie à Paris-Dauphine, Marion Flécher s’est fait embaucher dans deux start-up, où elle a observé une situation similaire : « J’ai vu ce que l’hypercroissance faisait au management. Puisque la croissance est rapide, on cherche à embaucher dans les fonctions productives, pas dans les RH. Quatre ans après la création de la boîte où j’étais, il y avait une seule personne pour effectuer 70 recrutements en dix mois. Mais au bout d’un moment, les fondateurs se sont rendu compte que c’était un enjeu. »

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Retraites : la baisse de la population active pourrait avoir un « impact négatif sur la situation financière » des régimes

Voilà une série d’études de nature à conforter dans leurs convictions tous ceux qui militent pour un recul de l’âge légal de départ à la retraite. A partir de 2040, la population active pourrait diminuer en France. Cette tendance avait certes été « anticipée », mais avec une ampleur moindre, comme l’indiquent des documents qui doivent être débattus, jeudi 7 juillet, lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites (COR). Une telle évolution retient l’attention, car elle pourrait avoir « un impact négatif sur la situation financière » des régimes de pension.

La population active désigne les personnes qui travaillent et celles qui sont au chômage (c’est-à-dire sans emploi, à la recherche d’un poste et disponibles immédiatement pour l’occuper). En 2021, il y en avait 30,1 millions. Leur nombre continuerait de s’accroître dans les années à venir, mais moins vite et moins longtemps qu’escompté, selon des simulations dévoilées le 30 juin par l’Insee. En 2040, on en recenserait 30,5 millions, soit 400 000 de plus en près de deux décennies, puis la décrue s’amorcerait, pour ramener les effectifs à 29,2 millions en 2070.

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Dans ses précédents calculs réalisés en 2017, l’Insee aboutissait à des résultats très différents. Son scénario dit « central » – le plus souvent retenu – tablait sur une progression continue durant un demi-siècle : 29,5 millions en 2015, 31,1 millions en 2040, 32,1 millions en 2070. Le COR, lui, dans son dernier rapport annuel publié en 2021, avait effectué de nouvelles projections, fondées notamment sur des hypothèses basses de fécondité. Un exercice qui avait débouché sur des chiffres orientés à la baisse à partir de 2040 : 31,5 millions cette année-là, puis 30,6 millions en 2070.

Moins de cotisants et plus de retraités

En définitive, ce serait moins : 29,2 millions en 2070, donc, si l’on en croit les données diffusées le 30 juin par l’Insee. Ces révisions s’expliquent par plusieurs raisons. D’abord, souligne le COR, le « nombre de femmes en âge de procréer » est moins important que prévu, ce qui pèse ensuite sur le « nombre de naissances anticipé » et, in fine, sur les effectifs des actifs. Deuxième facteur à prendre en considération : le solde migratoire, c’est-à-dire la différence entre le nombre de personnes qui entrent dans le territoire et le nombre de personnes qui le quittent. Ce paramètre serait plus faible, avec – en particulier – moins d’individus en âge de travailler ou de rechercher un poste.

Enfin, le questionnaire du recensement a été rénové, ce qui « a permis d’améliorer la mesure de la population », en cernant mieux les « situations de multirésidence, notamment les enfants en résidence partagée » : ces derniers « pouvaient être, dans certains cas, comptés à tort deux fois », selon le COR. En résumé, il y aura moins de jeunes et d’actifs et plus de seniors que ce à quoi on s’attendait. Ce qui pourrait aussi signifier moins de cotisants et plus de retraités.

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Le service civique, outil efficace de la course à la distinction

Pour Guillaume Duvivier, 22 ans, c’est la fin d’une « chouette parenthèse enrichissante ». Son service civique se termine dans deux jours, comme la quarantaine d’autres jeunes réunis en cette fin juin dans le 13e arrondissement de Paris, pour participer aux Rencontres nationales d’Unis-Cité, acteur majeur du service civique en France.

Pour ce rendez-vous, les volontaires sont invités – dans le cadre d’un temps de coaching express appelé « tremplin » – à mettre en valeur leur parcours et les compétences acquises, face à un professionnel qui leur donne des conseils. Guillaume raconte ses quatre années d’études de droit à la Sorbonne et « le besoin de faire une pause après un master 1 éprouvant, en raison de la crise sanitaire ». Il parle de cette mission de service civique chez Unis-Cités dans laquelle il a pu créer un podcast à destination des jeunes, où il a appris « à mettre sur pied un projet, à gérer un budget, à communiquer, à interviewer des gens, à monter des sons, etc. » « J’ai surtout gagné en confiance en moi », confie le vingtenaire, qui compte s’appuyer sur cette énergie retrouvée pour « continuer [ses] études de droit et passer le concours du barreau dès septembre ».

Ce moment symbolique de projection vers l’insertion professionnelle est tout sauf anodin lorsqu’on sait que plus de la moitié des volontaires décident de faire un service civique pour d’abord « avoir une expérience professionnelle », selon une étude publiée en 2021 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Arrivent ensuite (39 %) le fait « d’avoir un revenu » (les volontaires étant gratifiés d’une indemnité d’environ 580 €). La motivation « d’accomplir une mission d’intérêt général », raison d’être initiale du service civique, ne pointe qu’à la cinquième place (23 %).

Outil d’insertion professionnelle

Autrement dit : malgré les exhortations à « l’engagement de la jeunesse » accompagnant chaque communication politique sur le service civique, et la volonté de généraliser ce dispositif ayant déjà touché plus de 600 000 jeunes en douze ans d’existence, celui-ci est vu, par une majorité d’entre eux, davantage comme un outil d’aide sociale ou d’insertion professionnelle que comme un dispositif d’engagement.

« Et alors ?, répond Marie Trellu-Kane, la présidente et cofondatrice d’Unis-Cité, l’une des voix les plus écoutées sur le sujet en France, présente cet après-midi parmi les jeunes. Quand bien même une partie d’entre eux viennent pour d’autres raisons, pour se donner le temps de réfléchir à leur avenir ou pour ajouter une ligne sur leur CV, ils découvrent l’engagement et l’intérêt général avec le service civique, et cela perdure ensuite. »

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L’hôpital se meurt… guéri

Gouvernance. Le système de santé français est malade du succès de la thérapie mise en place depuis vingt ans pour le sauver. Au début des années 2000, les gouvernants s’inquiétaient en effet d’une aggravation potentiellement fatale du déficit de l’Assurance-maladie. On anticipait qu’il passerait de 1 à 10 milliards d’euros entre 2000 et 2010.

Le contexte était à la financiarisation de l’économie, et les gouvernements successifs s’en inspirèrent pour définir le remède : une politique dite de « modernisation » du secteur de la santé. « Moderniser » signifiait rationaliser la production pour traduire de manière méthodique en indicateurs financiers les offres de services, les investissements ou les budgets des hôpitaux. Les établissements de soins devaient devenir économiquement autonomes, à la manière des entreprises.

Pour leur apporter de l’oxygène, leurs modalités de financement furent élargies : la loi de 2003 autorisa des constructeurs privés à prendre en charge leurs investissements immobiliers en échange d’un loyer. L’ordonnance de 2005 tonifia leur autonomie financière en alignant les sources de revenus des secteurs public et privé.

Normes de rationalisation comptable

Les dotations budgétaires furent remplacées par une tarification à l’activité (dite T2A), établie selon une analyse statistique du coût moyen des pathologies traitées. L’équilibre des dépenses par les recettes exigeait des choix de services rentables. Cette semi-privatisation encouragea le regroupement des établissements pour atteindre la taille critique.

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Dans cette logique, la fonction de directeur d’hôpital fut créée et la parité instaurée entre les médecins et les gestionnaires dans les instances de gouvernance. Renforcée par la loi de 2009, cette réforme a introduit la distinction qui est classique en entreprise entre l’encadrement administratif et les métiers opérationnels, en l’occurrence les soignants dont le travail fut régulé par les normes de rationalisation comptable dont les gestionnaires sont les garants.

La « modernisation » avait pour principe de limiter l’excès d’offre de services en examinant à la fois leur efficacité thérapeutique et leur soutenabilité économique, l’une et l’autre étant évaluées par des indicateurs. Pour contenir aussi l’excès diagnostiqué de demande de soins, le nombre d’étudiants en médecine fut limité (numerus clausus) à 7 500 par an entre 2010 et 2019. Parallèlement, les lois bioéthiques débattues entre 2004 et 2020 valorisèrent une médecine « moderne » basée sur le résultat clinique, plutôt que sur le soin inconditionnel au patient.

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Un an après son « usine sœur », la fonderie Aluminium du Poitou ferme à son tour

A la fonderie Aluminium du Poitou, en 2012, à Ingrandes (Vienne).

Elles formaient ensemble les « fonderies du Poitou », au pluriel. Un an presque jour pour jour, après la fermeture de l’usine sœur, spécialisée dans la fonte, la fonderie Aluminium d’Ingrandes-sur-Vienne (Vienne), près de Châtellerault, devrait à son tour être mise en liquidation judiciaire, mardi 5 juillet. Son sort a été scellé par le tribunal de commerce de Paris, lors d’une audience, le 21 juin. Ses 280 salariés seront licenciés, comme leurs 292 camarades, un an plus tôt.

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Les deux fonderies de pièces automobiles partageaient un même et unique donneur d’ordre : Renault. Le constructeur les avait implantées dans la Vienne il y a quarante ans, pour y relocaliser l’activité de son usine historique de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Jusqu’à l’arrêt de la production, le 30 juin, « l’Alu » produisait des culasses.

« On a le sentiment d’un énorme gâchis industriel et social. On aurait pu trouver une solution pour maintenir les emplois et reconvertir le site, estime Jean-Philippe Juin, délégué syndical CGT et porte-parole de l’intersyndicale CGT-CFE-CGC. On entend beaucoup de discours sur la relocalisation et la réindustrialisation. Mais la réalité, c’est que dans nos petites campagnes, tout ferme. »

Enquête préliminaire pour abus de biens sociaux et blanchiment

Les remous, pour les deux sites, ont commencé en 2018, avec la crise du diesel. Ils sont, tour à tour, placés en redressement judiciaire, avant d’être repris en 2019 par le groupe Liberty House, une des sociétés de GFG Alliance, conglomérat du magnat indo-britannique Sanjeev Gupta, au fonctionnement opaque. Avec, à l’époque, un engagement de Renault sur un volume de commandes pendant quatre ans et une promesse d’investissement du repreneur dans la diversification des sites.

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Mais la promesse ne sera pas tenue. Quand, en mars 2021, Greensill, principal partenaire financier de GFG Alliance dépose le bilan, toutes les sociétés du groupe vacillent. A Ingrandes, les représentants des salariés alertent immédiatement sur la disparition d’un prêt garanti par l’Etat de 18 millions d’euros, accordé à la fonderie Alu un mois plus tôt. L’argent, versé par Greensill, n’a transité que quarante-huit heures sur le compte Société générale des fonderies, avant de repartir en Allemagne. L’enquête préliminaire pour abus de biens sociaux et blanchiment, confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), est toujours en cours. Des perquisitions ont eu lieu en avril.

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Pour FO, l’augmentation des salaires doit intervenir « maintenant »

Force ouvrière (FO) s’affiche, plus que jamais, comme le syndicat de la fiche de paye. Frédéric Souillot, son nouveau secrétaire général, l’a exprimé avec force, lundi 4 juillet : « Pour nous, l’augmentation des salaires, c’est maintenant », a-t-il lancé lors d’une conférence de presse, en élevant ce sujet au rang de priorité numéro un afin de « faire face à [l’]inflation galopante ». Son message s’adresse à l’Etat mais aussi aux chefs d’entreprises et aux représentants patronaux qui négocient à l’échelon des branches professionnelles.

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La prise de parole de M. Souillot intervient trois jours avant la « conférence » que le ministre du travail, Olivier Dussopt, organise afin de parler du pouvoir d’achat et des rémunérations avec les partenaires sociaux. FO place ainsi dans le débat quelques-unes des revendications qui lui sont chères. A commencer par une hausse substantielle et immédiate du smic, pour que celui-ci atteigne 1 500 euros net par mois (contre un peu plus de 1 300 euros, à l’heure actuelle, pour un temps plein). Une telle progression nécessiterait un « coup de pouce », c’est-à-dire une décision du gouvernement qui aille au-delà des mécanismes de revalorisation obligatoire du salaire minimum. Hypothèse que le pouvoir en place a, jusqu’à présent, toujours écartée.

Le leader de FO trouve que l’exécutif ne donne pas assez de « signes » en faveur du bulletin de paye. Le point d’indice, qui sert de référence pour calculer le traitement des fonctionnaires, a certes été revalorisé de 3,5 % à partir du 1er juillet, après plusieurs années de blocage, mais « ça dégèle peu », a estimé M. Souillot, signifiant par là que le geste est insuffisant.

Des « rustines »

FO juge également trop timorées les interventions de l’Etat figurant dans le projet de loi « pour la protection du pouvoir d’achat », dont l’examen à l’Assemblée nationale doit débuter le 18 juillet. Le texte prévoit de punir les branches professionnelles qui tardent à ajuster leur grille de salaires en fonction de l’évolution du smic en les fusionnant avec d’autres branches. Ce « n’est pas la réponse appropriée », a déclaré Karen Gournay, secrétaire confédérale chargée du dossier, y voyant « plus de la communication », avec un « effet marginal » à la clé. D’autres mesures sont inscrites dans le projet de loi (développement de l’intéressement, de la « prime Macron », etc.) mais il ne s’agit que de « rustines » qui n’apportent pas de réponse « structurelle » au problème du niveau de vie des travailleurs, selon M. Souillot.

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