Archive dans juillet 2022

Des jeunes femmes du centre d’appel d’Assu 2000 à Tanger témoignent d’un harcèlement sexuel institutionnalisé

EnquêteAprès l’incarcération en France de Jacques Bouthier, l’ex-patron d’Assu 2000, une importante société de courtage en assurance, « Le Monde » a rencontré des employées marocaines qui témoignent des violences sexuelles imposées par le PDG.

Ce soir-là, sur la corniche de Tanger, Fatima (tous les prénoms des victimes ont été modifiés) a peur. Autour d’elle, de très jeunes enfants tentent de vendre des paquets de mouchoirs pour quelques dirhams. Les plus grands proposent des confiseries. Les adultes, des escargots. Plus proche d’elle, un homme au visage balafré claudique. « On peut y aller là ?, s’inquiète-t-elle. Mon avocate m’a prévenue, la police de Tanger m’a prévenue, ils peuvent payer un clochard et m’attaquer, et ils diront qu’ils n’ont rien à voir avec ça, que c’était juste un fou. » La jeune femme de 26 ans presse le pas sur le front de mer le plus au nord du Maroc, qu’elle arpentait avant, insouciante, le nez au vent.

Fatima met des masques sur son visage et des casquettes sur la tête pour ne pas être reconnue dans la rue. Elle regarde par-dessus son épaule, fait des tours de pâté de maison pour vérifier qu’elle n’est pas suivie. Son téléphone sonne tout le temps avec des numéros qu’elle ne connaît pas – elle n’y répond plus.

Depuis le 21 mai et la mise en examen et l’incarcération de Jacques Bouthier, l’ex-PDG de la société française de courtage en assurance Assu 2000 – il a démissionné le 24 mai –, pour « traite d’êtres humains mineurs, viols sur mineurs et participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un enlèvement ou une séquestration en bande organisée » avec cinq autres personnes, Fatima raconte la même histoire trois, cinq, dix fois par jour à ses proches, aux avocats, aux policiers, aux médias marocains et français. Celle d’une jeune Marocaine victime de harcèlement sexuel par l’une des grandes fortunes de France, celle d’une fille de centre d’appels qui a cru à une vie meilleure en rejoignant les bataillons d’ouvriers spécialisés du tertiaire tangérois.

L’une des quatre Marocaines qui portent plainte contre Jacques Bouthier, l’ex-PDG d’Assu 2000, à Tanger (Maroc), le 17 juin 2022.

Le café du Technopark de Tanger bruisse telle une cafétéria d’université. Les étudiants agglomérés derrière leurs ordinateurs portables y suivent distraitement leurs cours en visio. Des filles se cachent pour fumer. Quand elle suivait sa licence en sciences de l’environnement, Nour était comme eux. Comme des centaines de milliers de jeunes Marocains diplômés, elle n’a pas trouvé de travail. Elle a traversé la rue – elle vivait en face du bâtiment d’Assu 2000 à Tanger – pour devenir une fille de centre d’appels. « Au Maroc, les filles qui fument et celles qui travaillent dans les centres d’appels ont mauvaise réputation. On dit qu’elles sont délinquantes, que ce sont des filles de mauvaise vie, alors que, pour elles, travailler, c’est surtout un moyen de s’émanciper », pose-t-elle comme contexte.

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Aides à l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles : l’éternel retour

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi pour tenter d’estimer ce que l’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

L’objectif du dispositif

Sera-t-il finalement pérennisé ? Mis en place par Bruno Le Maire lorsqu’il était ministre de l’agriculture sous Nicolas Sarkozy, le dispositif TO-DE (travailleur occasionnel-demandeur d’emploi) aide les agriculteurs à recruter des saisonniers sans que cela pèse trop sur leurs finances, face à la concurrence des pays à bas coût. Faisant doublon avec la réduction Fillon, ce dispositif d’allègement de charges s’est trouvé maintes fois sur la sellette, mais la crise sanitaire lui a permis d’obtenir un nouveau sursis, au moins jusqu’au 31 décembre 2022. Lors du Salon de l’agriculture en février 2022, Emmanuel Macron a annoncé que ce dispositif « continuera à être utilisé », sans plus de précisions.

Le fonctionnement

Grâce au dispositif TO-DE, l’employeur d’un saisonnier agricole bénéficie d’une exonération de ses cotisations patronales plus avantageuse que la réduction Fillon. Ces exonérations sont totales pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,2 fois le montant mensuel du smic, puis dégressives, et disparaissent pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,6 fois le smic. Cette exonération s’applique au maximum quatre mois (cent dix-neuf jours, consécutifs ou non) par salarié et par année civile.

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Un comparatif établi par la revue France Agricole montre que le dispositif TO-DE est plus intéressant que la réduction Fillon pour les contrats courts : sur un salaire brut chargé (ce que dépense l’employeur, soit l’addition du salaire brut et des charges patronales) de 2 373 euros, l’exonération TO-DE sera de 576 euros, contre 480 euros pour la réduction Fillon. La plupart des employeurs relevant du régime de protection sociale agricole (MSA) sont en mesure de réclamer cette exonération spécifique de charges : cultivateurs, éleveurs, pisciculteurs… En revanche, ceux qui n’exercent pas une activité liée à la production animale ou végétale, comme les artisans ou les paysagistes, ne peuvent pas en bénéficier.

Tous les CDD

Cette exonération s’applique à l’embauche de travailleurs recrutés en CDD saisonnier, mais aussi pour toutes les autres formes de contrats à durée déterminée : CDD d’usage, CDD d’insertion, contrat initiative-emploi… et même pour un CDI conclu avec un groupement d’employeurs du secteur agricole. Le salarié peut être recruté pour effectuer des travaux relevant de la culture, de l’élevage ou des travaux forestiers. Les saisonniers participant à la transformation, au conditionnement ou à la commercialisation de la production de l’exploitant entrent aussi dans le cadre de cette exonération.

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Les pompiers des aéroports parisiens lèvent leur préavis de grève après un accord

Des grévistes manifestent devant un terminal, vendredi 1er juillet 2022, à l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle, au nord de Paris.

Les pompiers, salariés du gestionnaire des aéroports parisiens, Groupe ADP, ont levé leur préavis de grève pour ce week-end après un accord entre Groupe ADP et la CGT, a-t-on appris jeudi 7 juillet de sources patronale et syndicale. Le préavis qui courait de vendredi à dimanche « a été levé suite à la signature d’un accord » entre la direction et la CGT, a précisé Groupe ADP à l’Agence France-Presse. Cet accord a été confirmé par l’organisation syndicale.

En revanche, « les négociations se poursuivent » avec les représentants d’autres catégories de salariés qui ont déposé un préavis distinct pour la même période, selon l’entreprise. Groupe ADP n’a pas souhaité donner davantage de détails sur l’accord scellé au sujet des revendications des soldats du feu.

Ces derniers réclamaient, selon le texte de leur préavis publié par la CGT, des revalorisations, dont une évolution de la grille de salaires, l’instauration d’une « prime de technicité » et « un vrai plan de recrutement (…) permettant d’organiser le travail conformément aux nécessités opérationnelles ».

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Annulation de vols au départ ou à l’arrivée de Roissy

Le mouvement social des pompiers, entamé le 30 juin, s’était traduit la semaine dernière par l’annulation de centaines de vols au départ ou à l’arrivée de Roissy – Charles-de-Gaulle, le premier aéroport français. Orly n’était pas concerné.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait imposé ces annulations préventives, représentant jusqu’à 20 % des vols entre 7 heures et 14 heures, au nom de la sécurité : la réduction du nombre des soldats du feu disponibles avait rendu nécessaire de fermer une partie des pistes de l’aéroport.

Cette mesure ne sera donc pas nécessaire ce week-end, qui marque le début des grands départs des vacances scolaires estivales, a confirmé une porte-parole de la DGAC.

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Le Monde avec AFP

Derrière la dette de Recylex, le minier suisse Glencore

Le tribunal de commerce de Paris a validé, mercredi 6 juillet, la cession partielle des activités industrielles de Recylex au belge Campine NV pour 4 millions d’euros. C’est moins de 10 % de la dette de l’entreprise de recyclage de métaux, principalement due au suisse Glencore. Cette décision fait suite à la mise en redressement judiciaire de Recylex en mai. La reprise, par le groupe belge, des sites de recyclage de batteries au plomb d’Escaudœuvres (Nord), de Villefranche-sur-Saône (Rhône) et de leur soixantaine de salariés s’accompagne du transfert à Campine NV de la participation de Recylex dans la société C2P (recyclage de plastiques et polypropylènes), également basée à Villefranche-sur-Saône.

Metaleurop, dont le nom reste lié à l’histoire industrielle du Nord de la France, était devenu Recylex en 2007. C’était quatre ans après la fermeture particulièrement brutale de la plus ancienne fonderie de plomb d’Europe, créée en 1894 à Noyelles-Godault, dans le bassin minier du Pas-de-Calais. Il n’avait en effet fallu que sept ans à Glencore, un des leaders mondiaux du commerce des métaux, pour vider de sa substance Metaleurop Nord, dont il était devenu l’actionnaire principal via Metaleurop SA, sa maison mère. En janvier 2003, c’est par un fax lapidaire qu’elle provoquait la stupeur en annonçant la fermeture, du jour au lendemain, de la fonderie nordiste. Elle abandonnait à leur sort 830 salariés sans indemnités de licenciement. Jacques Chirac, alors président de la République, avait dénoncé des « méthodes de patrons voyous ». Metaleurop laissait aussi une pollution irréversible des sols au plomb et au cadmium.

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Coté en Bourse sur l’Euronext Paris – son cours a été suspendu en 2020 –, Recylex est détenu à 29,76 % par Glencore Finance Ltd, une société de la galaxie Glencore, immatriculée aux Bermudes. Le client quasi unique pour son activité plomb est Nordenham Metall GmbH, une filiale de Glencore International AG. Recylex est endetté à hauteur de 68,4 millions d’euros, en intégrant les provisions pour risques et passifs environnementaux. Dans cette dette, on retrouve notamment Glencore International AG pour un emprunt de 18,2 millions d’euros (avec les intérêts capitalisés), une clause de retour à meilleure fortune dont le principal créancier est encore Glencore (3,5 millions d’euros), et une amende pour entente de 25,6 millions d’euros infligée par la Commission européenne.

Procédures judiciaires interminables

Enfin, il y a les 5,7 millions accordés à SNCF Réseau par le tribunal administratif de Marseille en juin 2021 pour la remise en état du domaine public ferroviaire autour de l’ancien site industriel de l’Estaque (et ce, à concurrence de 63,3 millions d’euros au fur et à mesure des appels de fonds de SNCF Réseau). Recylex a fait appel de cette décision. Il y a deux ans, Recylex avait annoncé la perte de contrôle de son sous-groupe allemand, constitué de quatre entités déclarées insolvables. Elles ont été reprises par Glencore en avril 2021 via Nordenham Metall GmbH (le principal créancier actuel de l’activité plomb de Recylex). C’est encore Glencore qui avait, à l’époque, accordé un prêt de 16 millions d’euros à ce sous-groupe allemand.

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SNCF : l’augmentation salariale octroyée aux cheminots pourrait ne pas suffire à éteindre la fièvre sociale

Au technicentre SNCF de Périgueux, le 29 juin 2022.

Voilà plus de deux ans que le monde cheminot n’avait pas connu une telle mobilisation. Mercredi 6 juillet, 20 % des salariés de la SNCF ont fait grève pour leurs salaires et leur pouvoir d’achat. Un niveau qui a atteint 47 %, en moyenne, chez les conducteurs, avec des pics en région (où deux TER sur cinq seulement circulaient) et sur le réseau Transilien d’Ile-de-France (un train sur deux). Il faut remonter au mouvement contre la réforme des retraites de décembre 2019 pour retrouver des taux de grévistes supérieurs dans le groupe public ferroviaire. Les niveaux de mobilisation étaient alors encore plus spectaculaires. Le premier jour, le 5 décembre 2019, neuf conducteurs sur dix avaient cessé le travail.

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C’est donc un avertissement social fort – sans être massif – que les cheminots ont lancé ce mercredi ; un avertissement auquel s’attendait la direction, des dizaines de conflits locaux ayant fleuri ces derniers temps ; un avertissement qu’elle a manifestement entendu. Lors d’une table ronde sur les salaires, qui se tenait en même temps que la grève, François Nogué, le directeur des ressources humaines de la SNCF, a proposé une revalorisation salariale importante, qui devrait coûter 290 millions d’euros à l’entreprise.

Les cheminots vont bénéficier d’une augmentation qui tournera autour de 3,1 %. « C’est une médiane, a indiqué M. Nogué à des journalistes. Cela signifie que 70 000 cheminots [sur 140 000] auront davantage. » Cette hausse atteindra 3,7 % pour les plus petits salaires de l’entreprise et 2,2 % pour les cadres. Elle sera rétroactive au 1er avril, mais, pour des raisons d’organisation de la paie, le surplus de salaire ne sera touché par les agents qu’au mois d’octobre, au plus tard.

« Le compte n’y est pas »

Plutôt que d’augmenter le point d’indice de plus de 3 % comme dans la fonction publique, la direction a mixé une série de mesures introduisant une dose de progressivité qui permet ce coup de pouce aux bas salaires. Il y a bien une augmentation générale de 1,4 %, mais s’y ajoute une revalorisation fixe de 400 euros brut et un certain nombre de hausses ciblées. Les primes – élément clé de la rémunération des agents SNCF – seront revalorisées de 4 %, avec un bonus pour les cheminots de la première ligne (agents roulants, salariés de la maintenance), lesquels verront leurs primes de nuit, de dimanche et jours fériés et de sortie d’astreinte augmentées de 7 %.

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Les plus petits salaires d’embauche des agents de l’exécution, qui étaient en train d’être rattrapés par la hausse du smic, et pour lesquels les difficultés de recrutement sont les plus fortes, vont être augmentés de 4 %. D’autres mesures plus marginales viennent en complément comme une revalorisation de la prime vacances, qui passe de 400 à 500 euros, ou une hausse de 3 % des indemnités de déplacement. L’ensemble de ces mesures ne se substituent pas à la négociation annuelle obligatoire (NAO), qui aura bien lieu en décembre pour décider éventuellement d’autres augmentations. « C’est un calendrier qui ouvre des perspectives pour la suite », a indiqué M. Nogué.

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Chez EY & Associés, un « vrai déclassement » des salariés

Comme au début de juillet 2021, l’intersyndicale CGT-CFTC du cabinet d’audit financier EY & Associés a distribué des tracts, mercredi 6 juillet, devant la tour First, à la Défense (Hauts-de-Seine), siège de l’entreprise, pour réclamer de meilleures conditions de travail et de rémunérations.

Les syndicats ont également diffusé un document baptisé « EY & Associés Transparency » mettant en lumière le décrochage des salaires face à l’inflation ces dernières années. Celle-ci a atteint 12 % entre 2009 et 2021, tandis que, selon leurs calculs, les salaires fixes moyens brut de salariés juniors n’ont qu’augmenté de 7 %, ceux des seniors de 3 %, et ceux des manageurs ont baissé de 1 % à 2 %, entraînant une perte de pouvoir d’achat pour tous. « On n’a pas des salaires de caissières, mais on observe un vrai déclassement », déplore Marc Verret, délégué syndical CGT (deuxième syndicat avec 26 % des voix aux élections professionnelles, derrière la CFE-CGC, à 65 %).

L’intersyndicale a proposé une hausse de 10 % des grilles salariales. De son côté, la CFE-CGC a proposé une hausse du salaire fixe de 5 % et « surtout, une augmentation supérieure des packages fixe + bonus ». Selon la direction, le taux d’augmentation moyen des salaires « tout métier, tout grade sur EY en France devrait être supérieur à 7 % » cette année.

Des « seuils d’alerte »

En revanche, selon le document, « le montant moyen de la rémunération des dix plus hautes rémunérations fixes » a augmenté de « 33 % en douze ans ». En outre, les dividendes versés aux personnes physiques (les associés) sur le périmètre EY France ont progressé de 14,8 millions d’euros en 2018, à près de 19 millions en 2021.

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L’autre sujet de mécontentement porte sur le temps de travail, incarné par un accord de mai 2021 signé avec la seule CFE-CGC. EY & Associés relève de la convention collective des experts-comptables et des commissaires aux comptes, qui fixe à quarante-huit heures hebdomadaires la durée maximale du travail, y compris pour les cadres autonomes, les dépassements devant être exceptionnels et compensés. Cette limite a sauté avec l’accord, au profit de « seuils d’alerte » fixés à cinquante heures et à cinquante-huit heures hebdomadaires, dont le franchissement, dans certaines conditions, entraîne un contact avec un membre des ressources humaines pour, selon les cas, trouver des solutions.

Redoutant de voir se propager ce type d’accord, la fédération nationale CGT des personnels des sociétés d’études et de conseil a assigné, le 29 juillet 2021, devant le tribunal judiciaire de Nanterre, EY & Associés ainsi que la CFE-CGC, pour faire annuler la partie de l’accord instituant ces « seuils » et le dispositif « de veille et d’alerte ». Le jugement est attendu en 2023.

« Derrière la question du télétravail, le véritable enjeu n’est pas la distance, mais le temps »

Nous vivons dans un monde « phygital », à la fois dans le digital et dans le monde physique, non plus alternativement, mais concomitamment, à table avec nos amis et sur Facebook, en réunion au bureau et dans nos mails. Le développement des univers virtuels, les métavers, va encore accélérer cette remise en cause des séparations temporelles et physiques.

Le monde du travail ne peut y échapper, même s’il est à la traîne de celui de la consommation. Interroger le temps de travail, c’est ouvrir la boîte de Pandore managériale, car cela oblige les manageurs à se confronter à un pilier de l’organisation des entreprises ou de toute institution publique. Et ce pilier semblait inamovible depuis les temps si lointains du début de l’activité industrielle.

Quels en sont les soubassements ? Un temps longitudinal et qui peut se compter, de la pointeuse dans les ateliers aux feuilles de temps des consultants ou avocats ; un temps affranchi de ses racines culturelles ; un temps du collaborateur qui appartient à l’entreprise du moment où le contrat de travail est signé ; un temps standardisé ; un temps cloisonné : le temps de travail est équivalent au temps au travail.

Inégalités

Est-ce que cette vision peut raisonnablement tenir alors que les configurations organisationnelles connaissent des changements radicaux, imposés par le triptyque sanitaire (Covid-19), politique (problèmes d’approvisionnement liés à la guerre en Ukraine) et économique (inflation) ?

Non, et cela pour plusieurs raisons : le développement de la gig economy, littéralement « l’économie des petits boulots », qui amène de plus en plus d’entreprises à manager des travailleurs à la tâche, voire des bénévoles ; une conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle revendiquée par l’immense majorité des salariés ; et une exigence – vis-à-vis de tous les collaborateurs – de flexibilité, d’agilité et d’initiative, considérées comme des conditions de la performance.

Le télétravail n’est pas une réponse à ces évolutions, il fait partie d’une équation bien plus grande. Et quand Elon Musk annonce qu’il exige de tous ses salariés un retour sur le lieu de travail, il pointe les nouvelles inégalités que génère le télétravail – possible pour les cols blancs, pas pour les cols bleus – et, en filigrane, les doutes sur la performance globale d’une organisation quand une partie de ses acteurs travaillent sans être « au travail ».

Ne plus « compter le temps »

Nous avons pourtant en France un beau précédent des dégâts d’une vision « toutes choses égales par ailleurs » de la question du temps de travail : le passage aux 35 heures !

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Combien coûte aux parents une garde d’enfants, assistante maternelle ou nounou à domicile ?

En moyenne 3,70 euros par enfant accueilli : c’est le salaire horaire net moyen réglé par les parents aux assistantes maternelles au quatrième trimestre 2021, selon les dernières données diffusées par l’Observatoire des emplois de la famille, ce 7 juillet. Un chiffre en hausse de 2 % sur un an.

Ce salaire moyen varie d’environ 45 % entre les départements les moins chers et ceux les plus chers – de 3,10 euros dans la Sarthe et dans l’Orne à 4,50 euros en Haute-Corse et à La Réunion. Au total, il dépasse les 4 euros dans quinze autres départements (parmi lesquels les Hauts-de-Seine, les Bouches-du-Rhône, la Guyane, la Corse-du-Sud, etc.). Paris se situe au milieu de la fourchette, à 3,80 euros.

« C’est le jeu de l’offre et de la demande qui explique principalement les disparités importantes entre les territoires, l’offre d’accueil est très inégalement répartie et il y a localement de fortes tensions », détaille Isabelle Puech, la directrice de l’observatoire, qui relève de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem). Les chiffres se basent sur les données salariales transmises par l’Urssaf caisse nationale. « L’assistante maternelle est le premier mode d’accueil des jeunes enfants gardés hors de la famille », précise Isabelle Puech, indiquant qu’environ 966 000 parents y ont recours.

Quant au salaire horaire net de la garde d’enfants à domicile (au domicile des parents), autre mode de garde individuel possible, il s’élevait en moyenne, au dernier trimestre 2021, à 9,70 euros nets, en hausse de 2,20 % sur un an. Les écarts entre les départements sont moindres, de 8,60 euros dans la Creuse à 10,20 euros en Haute-Savoie. Selon la Fepem, environ 123 000 parents ont recours à cette option.

Deux logiques financières

Attention, même si dans les deux cas, le salaire est négociable entre les deux parties, employé et employeur, ces deux modes de garde fonctionnent, financièrement, de façon très différente, ce qui peut rendre les comparaisons complexes pour les parents.

Le salaire horaire net de l’assistante maternelle ne peut être inférieur à un minimum (c’est, depuis le 1er juillet 2022, 3,06 euros brut, et 3,18 euros si le professionnel a le titre professionnel « assistant maternel garde d’enfant »), qui dépend de dispositions légales et de la convention collective. Il doit être complété par les parents par d’autres éléments de rémunération : les congés payés, une indemnité d’entretien obligatoire (au moins 3,47 euros par enfant pour une journée de neuf heures, pour couvrir notamment les consommations d’eau et d’énergie, le matériel), souvent des frais de repas, etc. Tout s’entend par enfant confié.

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Dans le cas général, les parents ne paient pas de cotisations sociales pour leur assistant(e) maternel (le). Ils peuvent bénéficier, pour chaque enfant de moins de six ans ainsi gardé, du complément de libre choix du mode de garde (CMG), versé par les caisses d’allocations familiales ; son montant varie selon l’âge de l’enfant et les ressources du foyer. Autre aide financière accordée : un crédit d’impôt de 50 % de la dépense (CMG déduit), plafonné à 1 150 euros par enfant.

Les parents ayant recours à une garde d’enfants à leur domicile, souvent appelée « nounou à domicile », doivent, de leur côté, payer à leur employée un salaire horaire de base supérieur au smic – 10,88 euros brut depuis le 1er juillet – quel que soit le nombre d’enfants gardés. Le coût peut toutefois être réparti entre deux familles dans le cadre d’une « garde partagée ». S’ajoute la prise en charge d’une partie des frais de transport et d’une partie des cotisations et contributions sociales liées au salaire de leur employée.

60 %

C’est la proportion de gardes d’enfants à domicile déclarant que leur salaire a été fixé par négociation avec leur employeur, tandis que 20 % des personnes gardant des enfants à domicile disent avoir fixé elles-mêmes leur salaire, et que les 20 % restantes affirment que ce sont les parents qui l’ont décidé, selon une enquête en ligne menée en mai 2022 par l’Observatoire de l’emploi à domicile, sur l’attractivité des métiers à domicile.

Là aussi, les parents peuvent toucher un CMG (un par famille, même si deux enfants sont gardés par la nounou) et bénéficier d’un crédit d’impôt de 50 % du reste à charge, plafonné ici à 7 500 euros à partir de deux enfants à charge (9 000 euros pour la première année durant laquelle un salarié à domicile est employé).

Hausse des coûts de la garde à prévoir

S’ils peuvent donner une idée, une référence, aux parents actuellement à la recherche d’un mode de garde pour la rentrée, ces montants moyens de salaires constatés au dernier trimestre 2021 ne seront pas ceux pratiqués à la rentrée, de nouvelles revalorisations des grilles de salaires minimaux ont en effet été négociées depuis, en février et mai 2022, en raison notamment des hausses du smic, liées à l’inflation (la dernière revalorisation devant être appliquée prochainement), explique la Fepem.

La fédération anticipe également, pour les mois et années à venir, des hausses du coût de la garde pour les parents liées aux augmentations des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, mais surtout, plus structurellement, à un manque de professionnels.

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« Je crains des tensions fortes sur le marché, nous entrons dans la pénurie d’assistantes maternelles que nous annonçons depuis un certain temps, elle se constate déjà dans l’ouest du pays », déplore Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem. « D’ici à 2030, 44 % de celles en exercice seront en âge de partir à la retraite. Ce sont ainsi près de 125 870 professionnelles qu’il faudra remplacer pour maintenir une capacité d’accueil individuel des jeunes enfants identique à celle d’aujourd’hui. »

Pour faciliter le recrutement, poursuit-elle, « il faut notamment s’adapter aux demandes des nouvelles générations de professionnels, qui ont par exemple moins envie de travailler à la maison et davantage envie d’évoluer en équipe, ce qui est possible dans le cadre des maisons d’assistantes maternelles ».

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Elle alerte : « Tous ces éléments vont faire augmenter le reste à charge pour les parents, à moins que le gouvernement ne se décide à revaloriser le CMG, pour le rééquilibrer par rapport à l’aide accordée aux parents d’enfants gardés en crèche [directement incluse dans le tarif de la crèche et fonction des ressources de la famille]. »

La liberté au travail : utopie, illusion ?

Le livre. Aux Etats-Unis, les clients de certains services VTC (voiture de transport avec chauffeur) peuvent faire, lors de leur commande, la demande du « mode silencieux ». En d’autres termes, exiger que le chauffeur se taise. Une « fonctionnalisation quasi totale » du conducteur aux désirs des consommateurs, mise en exergue au sein de Travail e(s)t liberté ? (Erès).

Cet essai collectif, mené sous la direction d’Enrico Donaggio, de José Rose et de Mariagrazia Cairo, démontre à travers cette illustration comment les promesses de certaines entreprises sur une prétendue « libération » des travailleurs relèvent souvent de l’incantation.

Là où l’autonomie, l’indépendance et finalement l’émancipation des travailleurs sont mises en avant, il est davantage question, dans la pratique, d’« auto-exploitation ». « Il ne suffit pas d’énoncer des idéaux de liberté au travail, ni même de libérer le travail des hiérarchies et procédures pour pouvoir parler de travail libre », assurent les auteurs.

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A l’initiative du collectif international et interdisciplinaire ArTLib (Atelier de recherche travail et libertés), des spécialistes (philosophes, sociologues, etc.) se sont penchés sur les « articulations aujourd’hui dominantes entre travail et liberté ».

Pour ce faire, « ancrage théorique et historique » et « analyse de situations précises et travail d’enquête » s’entrecroisent. « Quelles sont les conséquences en termes de libertés individuelles et collectives des révolutions en cours dans le travail, ses pratiques et ses représentations ?  », s’interrogent les membres du collectif.

Prétexte, mirage

Sujet complexe, tant les acceptions de la notion de liberté dans un contexte professionnel sont nombreuses, et tant « les expériences du travail et les représentations qui les accompagnent sont (…) le théâtre de multiples déplacements entre liberté et nécessité, autonomie et domination, subjectivation et assujettissement, réalisation et perte de soi, appropriation et aliénation ».

Des paradoxes affleurent : si l’entreprise, lieu de compromis, a permis au travailleur d’accéder à l’indépendance économique, vecteur d’émancipation, c’est en échange de sa « subordination dans la situation de travail ».

Sujet complexe aussi parce que, indiquent les auteurs, la notion de liberté a été largement préemptée par « le modèle néolibéral ». C’est le cas dans le secteur des plates-formes numériques (VTC, livraisons de repas…), mais aussi au sein des entreprises libérées, qui peuvent être un leurre, souligne la sociologue Danièle Linhart dans sa contribution. « Le mouvement de “libération” unilatérale des entreprises témoigne de la capacité patronale à réinventer sans relâche de nouvelles modalités et légitimités de domination », estime-t-elle. Face à l’effacement de la hiérarchie, le salarié aurait in fine davantage de responsabilités et de pression au quotidien, devant porter lui-même la vision du leader face aux exigences du marché.

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SNCF : les salariés obtiennent une première augmentation après la grève de mercredi

La direction de la SNCF a accordé mercredi 6 juillet une première augmentation à ses salariés, qui se sont mobilisés en nombre pour suivre la grève organisée par les quatre syndicats représentatifs de l’entreprise.

La direction de la SNCF a accordé, mercredi 6 juillet, une première augmentation à ses salariés, qui se sont mobilisés en nombre pour suivre la grève qui a perturbé les départs en vacances. A l’issue d’une table ronde avec la direction, l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), deuxième syndicat de l’entreprise, a salué des « mesures encourageantes », qui devront être revues en fin d’année à l’aune de l’inflation, a rapporté à l’Agence France-Presse son secrétaire général, Didier Mathis.

La direction de la SNCF va notamment mettre en place une augmentation générale des salaires de 1,4 %, accompagnée d’une prime de 400 euros pour tous les agents et d’une augmentation de 100 euros sur une gratification de vacances. Au total, l’augmentation sera de 3,7 % pour les petits salaires et de 2,2 % pour les cadres, soit une médiane de 3,1 %. « Le compte n’y est pas », a protesté de son côté la fédération SUD-Rail, qui assure dans un communiqué qu’elle ne se « résignera pas à valider un énième recul du pouvoir d’achat des salarié-e-s de la SNCF ».

Troisième syndicat du groupe, SUD a appelé à une « riposte dans la durée » et a demandé « une compensation intégrale de l’inflation et la juste rémunération des efforts consentis au quotidien notamment dans cette période de reprise forte du trafic ».

Deux trains Ouigo sur trois maintenus

Alors que le rail s’apprête à vivre un été de fréquentation record après deux années marquées par l’épidémie de Covid-19, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF – CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT – avaient appelé à faire grève mercredi pour réclamer des hausses de salaires face à une inflation galopante.

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Côté TGV, trois trains sur cinq circulaient sur l’axe est, trois trains sur quatre sur les axes nord et atlantique et quatre trains sur cinq sur l’axe sud-est, selon SNCF Voyageurs. Deux Ouigo sur trois devraient être maintenus. Le trafic local en Ile-de-France était également très perturbé.

Tous les clients dont les trajets ont été annulés ont normalement été prévenus par SMS ou par courriel. En cas de train supprimé, « il ne faut pas se faire rembourser et racheter un autre billet, qui sera au prix d’aujourd’hui et donc plus cher, mais il faut faire un échange : le billet sera au même prix que celui que vous aviez payé initialement, sans surcoût », a précisé la SNCF.

A Nantes, sur 507 trains interrégionaux qui devaient circuler, seuls 141 sont maintenus, selon la CGT-Cheminots. Sur le parvis de la gare, une quarantaine de syndicalistes de la CGT et de SUD-Rail ont déployé leurs drapeaux. « Nos salaires sont gelés depuis 2014 et nous demandons d’avancer les négociations annuelles sur nos salaires, qui ne sont prévues qu’en 2023 », a déclaré Nicolas Boumier, secrétaire de la CGT-Cheminots à Nantes.

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Le Monde avec AFP