Archive dans juillet 2022

L’intelligence artificielle au service de l’« expérience collaborateur », un outil qui se répand en entreprise

Un algorithme plus fort qu’une boîte à idées ? En pleine crise de l’hôpital, le personnel du centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts (Paris) s’est vu invité à partager ses idées pour améliorer ses conditions de travail. Les participants ont pu déposer leurs contributions non sur un petit papier, mais sur une plate-forme déployée par la start-up Better World, spécialisée dans la collecte et l’analyse de données.

« Dans un objectif d’amélioration de la qualité de vie au travail, on a adapté cet outil, initialement destiné à mesurer la satisfaction de nos patients, afin d’avoir des remontées de l’ensemble de notre personnel », indique Nils Avanturier, directeur des ressources humaines et directeur général adjoint de l’hôpital. Anonymes ou non, les contributions sont ensuite analysées par un outil d’intelligence artificielle, qui fait ressortir les thèmes qui reviennent le plus souvent.

« Tout le monde peut faire des suggestions »

Déployée depuis quelques mois dans l’établissement, la solution a été présentée lors de la journée organisée par la Fédération hospitalière de France en Ile-de-France le 16 juin dernier. « Tout le monde peut faire des suggestions, les soignants et les non-soignants, fait valoir Nils Avanturier. Cela nous permet de recueillir et de traiter une masse de données très nettement supérieure au questionnaire de satisfaction qu’on faisait tous les deux ans auprès du personnel. »

Suite à la première phase de déploiement, fin de 2021, « l’item “activités sportives” est ressorti, souligne le directeur général adjoint de l’établissement. On a donc décliné dans notre projet d’établissement une salle de sport pour notre personnel ». Sans surprise sont aussi ressorties des contributions sur « tout ce qui était organisation », ainsi que l’ergonomie et l’aménagement du temps de travail. En guise de solution, l’établissement a notamment travaillé à une meilleure répartition des tâches entre les médecins et les orthoptistes.

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Cet outil n’est pourtant pas forcément du goût de toutes les organisations syndicales. Secrétaire fédéral SUD Santé Sociaux, François Ringoot voit dans l’expérimentation menée à l’hôpital des Quinze-Vingts un moyen pour la direction de se cacher derrière son petit doigt : « On change les outils, mais le principe reste toujours le même : on fait semblant d’écouter les salariés. »

L’hôpital parisien est loin d’être le seul employeur à miser sur l’innovation technologique pour tenter d’améliorer la qualité de vie au travail de ses salariés. A en croire le Baromètre 2022 de l’expérience collaborateur publié par l’agence Parlons RH, la proportion des entreprises interrogées qui mettent en place une « démarche autour de l’expérience collaborateur » est passée de 5 % à 10 % depuis 2020. Nouveau concept en vogue auprès des DRH, « l’expérience collaborateur » est au cœur d’un marché florissant de solutions promettant d’améliorer le bien-être des salariés.

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« C’est marrant, je ne suis pas sûr d’avoir envie de retravailler » : les vantards de la rupture conventionnelle

Chronique« Les casse-pieds de l’été » (2/8). Certains individus ont le chic pour gâcher les vacances. « M » vous indique ceux à éviter pour préserver vos précieux moments de détente. Cette semaine, les chanceux qui viennent de signer pour des congés à durée indéterminée.

Parmi les gens qu’il est désagréable d’avoir à ses côtés en vacances, certains ne nous veulent aucun mal. Ils ont juste le tort de faire jaillir en nous de mesquines pensées, l’envie, notamment. Ceux qui viennent de signer une rupture conventionnelle, par exemple. Le minimum serait de les plaindre, ils sortent généralement d’une situation professionnelle difficile, ne savent pas quel avenir les attend. Et pourtant, à les entendre s’interroger sur leur nouvelle vie, on en vient à les jalouser secrètement.

En vacances, les gens en rupture conventionnelle sont dans leur élément. Quand on se demande si on va prendre ses deux semaines de congé en juillet ou en août, ils expliquent qu’eux, à leur retour de leurs deux mois et demi de repos, ont prévu un stage de permaculture en Normandie, avant une semaine de formation à la communication non violente à Bruxelles. Ils assurent que « ça fait beaucoup de bien » et nous disent qu’on devrait essayer. On ne va pas leur avouer que, ­pendant l’année, on ne trouve même pas le temps d’aller à la gym une fois par semaine.

En attendant (les gens en rupture conventionnelle disent volontiers « en attendant », sans que l’on comprenne vraiment ce qu’ils atten­dent), ils « donnent un coup de main » à des amis, conseillent des start-up bénévolement (la version de droite de la permaculture).

Gros chèque

A la plage, sur leur serviette, ils expliquent que leur problème, c’est qu’ils hésitent vraiment avec tous ces possibles qui s’ouvrent à eux. C’est au moment où ils précisent : « J’ai de quoi voir venir jusqu’à… », allusion à la durée de leurs allocations Pôle emploi, qu’on se sent devenir de droite avec des cocardes RPR qui vous poussent partout sur le maillot de bain. « C’est marrant, confient-ils face à l’océan, je ne suis pas sûr d’avoir envie de retravailler. » A bien y réfléchir, nous non plus, mais ils ne nous ont pas posé la question.

Depuis qu’il a vu un coach, le vacancier en rupture conventionnelle sait qu’il a « besoin de sens », et il l’explique au cousin en vacances qui a surtout besoin de joindre les deux bouts.

Heureusement, OpinionWay l’a fait. Selon un récent sondage mené pour l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 84 % des actifs français estiment que leur emploi a du sens, mais 43 % seraient prêts à quitter le leur dans les deux ans pour un autre qui en ait encore davantage. C’est la réalité contre les aspirations. L’enquête ne donne pas le pourcentage de vacanciers prêts à quitter leur boulot après avoir passé des vacances avec des copains en rupture conventionnelle.

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La France peine à s’améliorer dans la réduction des inégalités femmes-hommes au travail

Entre pandémie de Covid-19, conflits géopolitiques et augmentation du coût de la vie, les politiques semblent avoir relégué la question de l’égalité femmes-hommes au second plan. C’est le constat du classement 2022 du Forum économique mondial (ou WEF, pour World Economic Forum) sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, publié mercredi 13 juillet, et où la France n’occupe que la 15e place.

En 2022, le fossé entre les femmes et les hommes est loin d’être comblé et, selon les experts du WEF, il faudra encore cent trente-deux ans pour y parvenir à l’échelle mondiale. Si ce chiffre était de cent trente-six en 2021, notamment en raison de la pandémie de Covid-19, depuis des années il ne se réduit pas de manière significative, et le WEF n’enregistre pas d’avancée majeure dans la lutte contre les inégalités.

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Depuis 2014, la France elle aussi stagne dans le classement : si elle a gagné un rang par rapport au classement 2021, elle en a perdu trois par rapport à 2018. Une oscillation constante qui agace les ONG. « On est toujours au même stade, alors qu’on nous a promis que l’égalité femmes-hommes serait la grande priorité du quinquennat. Pire, on nous l’a promis deux fois », fustige Valentine Viard, présidente de l’ONG Business & Professional Women France, qui milite pour l’égalité professionnelle.

De la formation au marché du travail, les inégalités perdurent : bien que la France soit sur la première marche du podium en matière d’éducation, les femmes sont surreprésentées chez les diplômés de la santé (74 %), des arts et sciences humaines (70 %), tandis qu’elles restent les grandes absentes de l’ingénierie (26 %) et des technologies de l’information et de la communication (16,5 %).

« Appliquer les lois de manière stricte »

Sans surprise, ces différences de traitement avec les hommes les suivent dans la vie active. Sur le marché du travail, le chemin est encore long pour parvenir à l’égalité entre les sexes : en plus d’être plus nombreuses à être embauchées à temps partiel que les hommes, en France, les femmes ne perçoivent toujours que 75 % du salaire de leur homologue masculin.

Aujourd’hui, la principale épine dans le pied de la France reste le manque d’indicateurs, confie Valentine Viard. « Tout ce qui ne se compte pas, ne se contrôle pas. C’est pourquoi il faut des chiffres sur le recrutement, sur les salaires et sur les congés maternité. Ensuite viendra le temps des sanctions », précise-t-elle.

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L’ambition de l’ONG : hisser la France dans le top 5 des pays en matière d’égalité professionnelle d’ici la fin du quinquennat. Mais pour pouvoir concurrencer l’Islande, première du classement pour la treizième année consécutive, « il faut arrêter la tolérance et appliquer les lois de manière stricte », scande la présidente, faisant allusion à la loi Génisson (2001) ou la loi Rixain (2021) sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises.

Un défi majeur, au moment où l’ombre d’un retour en arrière plane sur l’Europe. « Les conséquences économiques et sociales de la pandémie et des conflits géopolitiques ont interrompu les progrès. Elles ont aggravé la situation des femmes et risquent de créer des cicatrices permanentes sur le marché du travail », regrette Saadia Zahidi, directrice générale du WEF, citée dans l’étude. D’autant plus qu’avec l’inflation et la crise énergétique qui frappe l’Europe depuis des mois, la crainte d’un délaissement de la part des dirigeants politiques et d’une régression en matière d’égalité femmes-hommes s’intensifie.

Dirigeant, DRH, salarié… Comment votre entreprise s’adapte-t-elle à la multiplication des vagues de chaleur ?

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Football : à Bordeaux, la chute des Girondins s’annonce « lourde de conséquences »

Samedi 9 juillet, 3 500 supporteurs des Girondins de Bordeaux (FCGB) – un peu plus de 2 000 selon la police – ont marché dans les rues de la ville pour crier leur soutien au club de football.

Le rendez-vous avait été donné samedi 9 juillet à 16 heures, place Pey-Berland à Bordeaux. Pendant près de deux heures, 3 500 supporteurs des Girondins de Bordeaux (FCGB) – un peu plus de 2 000 selon la police – ont marché dans les rues de la ville pour crier leur soutien au club de football, emblème de la ville depuis un siècle – voire cent quarante ans, si l’on prend comme point de départ la création du Club omnisports de Bordeaux –, mais menacé de relégation au niveau amateur.

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Quatre jours plus tôt, la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), le gendarme du football financier, avait considéré que le club n’avait pas apporté les garanties suffisantes pour évoluer en Ligue 2, où il avait été relégué sportivement au terme de la saison 2021-2022, et qu’il devait donc être rétrogradé encore d’un cran, en National 1.

« C’est une décision lourde de conséquences pour un territoire, des habitants, déplore Pierre Hurmic, maire (écologiste) de Bordeaux. On ne peut pas rayer un club et ses cent quarante ans d’histoire. » Samedi, accompagné d’autres élus, il était en tête du cortège derrière une banderole « Sauvons le FCGB ».

Si la rétrogradation des Girondins au niveau amateur devait être confirmée, cela se traduirait très probablement par un dépôt de bilan et un redémarrage au niveau National 3, la cinquième division, voire au niveau régional, encore un échelon en dessous. Avec un impact économique dévastateur, compte tenu des structures du club, actuellement taillées pour le niveau professionnel.

« Trois cents emplois directs et au moins autant d’indirects en dépendent », ont alerté, lundi 11 juillet, dix parlementaires de Gironde dans une lettre ouverte adressée à la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, dénonçant « l’arrêt de mort » prononcé par la DNCG contre les Girondins de Bordeaux.

Le centre de formation pourrait être amené à fermer ses portes. Quant à l’avenir de l’équipe professionnelle féminine, il serait lui aussi compromis. « Elles sont payées par la société professionnelle qui pourrait être cet été concernée par la liquidation », souligne Thomas Jacquemier, le directeur général délégué des Girondins, rappelant que cette équipe dispose du « troisième budget de la D1 féminine, derrière Paris et Lyon ».

« Pas question de laisser en friche » le stade Matmut Atlantique

Outre l’impact sur le plan économico-sportif pour le club, un dépôt de bilan aurait aussi des conséquences pour les collectivités locales. L’avenir du stade Matmut Atlantique, inauguré en 2015, propriété de l’entreprise Stade Bordeaux Atlantique (SBA), filiale des groupes Vinci et Fayat, et financé dans le cadre d’un partenariat public-privé avec Bordeaux Métropole, est particulièrement au cœur des interrogations des élus locaux.

Lors du conseil de la métropole du 7 juillet, le président, Alain Anziani, en a appelé à « la mobilisation générale ». Les élus métropolitains avaient déjà voté à l’unanimité, le 24 juin, un étalement sur les deux prochaines saisons des dettes des Girondins, et un lissage des loyers à venir pour l’utilisation de l’enceinte jusqu’au terme de la saison 2024-2025.

La métropole assure pouvoir « faire face au manque de recettes si le FCGB ne paye plus son loyer, le budget global de la métropole avoisinant 1,8 milliard d’euros ». « Que la métropole doive renoncer à un loyer pendant deux, trois ou quatre ans, ce n’est pas dramatique », estime Patrick Bobet, chef de file (LR) de l’opposition et ancien président de Bordeaux Métropole.

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« Vous êtes beaucoup dans l’émotion, le drame, le choc, la catastrophe, le patrimoine. On peut aider, mais il faut la protection des salariés en retour, en ne voulant pas qu’il y ait un seul licenciement dans cette entreprise, d’autant qu’on sait qu’il y a de l’argent qui est distribué de manière très opaque », a de son côté lancé Philippe Poutou, conseiller métropolitain (NPA).

L’objectif est désormais d’étudier ce que pourraient être les usages du stade Matmut Atlantique avec des Girondins de Bordeaux relégués en amateur et n’attirant donc plus autant de supporteurs. « Si nous n’avons plus de club professionnel, on doit l’utiliser au mieux. Il n’est pas question de laisser en friche ce stade qui est là et qui peut rendre service », relève le député (LRM) et conseiller municipal et métropolitain Thomas Cazenave.

Pénurie de main-d’œuvre, démissions à la chaîne… Où sont passés les salariés ?

« Même pas en rêve j’y retournerai. » Le verdict de Mounia Moudjari, 43 ans, est sans appel. Après quinze années harassantes dans la restauration, elle a quitté son job pour devenir cariste dans la logistique. Et pour rien au monde elle ne reviendrait en arrière. « Certes, il faut aussi travailler dur et être polyvalent dans mon nouveau travail, mais j’ai des primes, des jours fériés, un treizième mois, le comité d’entreprise et tout, égrène-t-elle. Pas comme dans les restos où, en plus, on changeait mon prénom. Ceux qui y sont encore, je les plains. »

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Comme elle, des centaines de milliers de salariés ont changé de poste depuis la crise du Covid-19. Un phénomène aussi massif qu’inédit, qui déroute encore nombre d’employeurs et d’observateurs du monde de l’emploi – car ici, la question centrale n’est pas le salaire, ou du moins, pas seulement.

Pour comprendre ses racines, il convient de remonter aux longs mois de confinement, début 2020. Beaucoup de Français ont mis à profit ce temps d’inactivité subi pour prendre du recul. Réfléchir. Faire le point sur le sens du travail, les sacrifices qu’il impose, les pistes pour améliorer le quotidien, même à la marge.

Se recentrer sur l’essentiel : c’est précisément ce qui a incité Marco Miocic à candidater à La Poste. Après avoir monté son autoentreprise dans l’optométrie, ce trentenaire a frisé le burn-out. Alors, il a choisi de bifurquer. Il est aujourd’hui facteur et s’en félicite tous les jours. « Même s’il est physique, ce métier me plaît, raconte-t-il. J’ai retrouvé du temps pour ma famille, et le groupe m’offre beaucoup de possibilités d’évolutions. »

Fins de contrat

Tous les sondages sur le sujet – et ils sont nombreux – confirment cette profonde quête de mieux : 43 % des actifs envisagent de quitter leur emploi dans les deux ans pour un travail qui a plus de sens (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) ; 35 % des salariés n’ont jamais eu autant envie de démissionner (plate-forme d’emploi Indeed) ; les Français afficheraient le taux d’engagement au travail le plus bas d’Europe (Global Workplace Gallup).

Les données sur l’emploi l’attestent également. Au troisième trimestre 2021, les fins de contrats ont bondi de 20 %, selon les derniers chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, publiés en février – soit + 14,4 % pour les CDI et + 22,8 % pour les CDD. Les ruptures de CDI sont au plus haut depuis 2007.

Dans certains secteurs, l’hémorragie est conséquente. Dans l’hôtellerie-restauration, par exemple, 450 000 salariés présents un an plus tôt avaient quitté leur entreprise en 2021. C’est presque 100 000 de plus qu’en 2019. Et dans la santé, « 30 % des infirmiers quittent la profession dans les cinq ans après avoir obtenu leur diplôme », indique le Syndicat national des professionnels infirmiers.

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Sécurité sociale : les partenaires sociaux se penchent sur la gouvernance de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles »

Les syndicats et le patronat veulent jouer un rôle accru dans le pilotage d’un des plus anciens systèmes d’assurance : celui qui indemnise les accidents du travail et les maladies professionnelles. Lundi 11 juillet, les organisations d’employeurs et de salariés lancent un nouveau cycle de discussions sur cette branche du régime général de la Sécurité sociale. Leur but est de parvenir à un accord d’ici à la fin de l’année, au plus tard, à propos des missions et de la gouvernance du dispositif.

La prise en charge des risques professionnels par la collectivité a vu le jour à la fin du XIXsiècle, par le biais d’une loi d’avril 1898 : elle fait porter sur le chef d’entreprise l’obligation de réparer tout accident subi par son personnel, si les faits ont un lien avec l’activité de celui-ci. A la Libération, ces mécanismes ont été intégrés à la « Sécu » pour constituer l’un des quatre piliers de l’édifice – avec l’Assurance-maladie, le réseau des caisses d’allocations familiales et l’Assurance-vieillesse.

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A l’heure actuelle, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) est bien portante sur le plan financier. Selon la commission des comptes de la « Sécu », elle a enregistré en 2021 un résultat positif de 1,2 milliard d’euros, ses recettes provenant quasi exclusivement de cotisations réglées par les employeurs. Le fonctionnement du système obéit à des règles un peu singulières : il est partie intégrante de l’Assurance-maladie, tout en associant une instance, appelée commission AT-MP, dans laquelle siègent des représentants syndicaux et patronaux. Celle-ci vote le budget de la branche, donne des avis sur les taux de contribution, etc.

« Une gestion plus paritaire »

Aujourd’hui, les partenaires sociaux souhaiteraient avoir davantage de latitude sur les prises de décision de la branche. Ils avaient déjà formé ce vœu dans l’accord national interprofessionnel conclu en décembre 2020 sur la santé au travail. « Nous avons du mal à occuper la place qui devrait être la nôtre dans le dispositif », confie Catherine Pinchaut, secrétaire national CFDT. « Nous voulons aller vers une gestion plus paritaire », renchérit Michel Chassang, de l’Union des entreprises de proximité (U2P).

Au cœur des discussions, il y aura notamment les excédents de la branche, dont « une large partie est redonnée à la Caisse nationale d’assurance-maladie [CNAM], alors qu’il faudrait les employer prioritairement au financement d’actions de prévention », souligne Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Sa remarque fait allusion aux transferts d’argent effectués de la branche AT-MP vers la CNAM : ils compensent les dépenses induites par des pathologies ou des accidents imputables au travail mais qui n’ont pas été reconnus comme tels et qui, du même coup, sont couvertes par l’Assurance-maladie. Ces versements de la branche AT-MP sont loin d’être anodins : 1 milliard d’euros par an durant la période 2015-2021, selon un rapport d’une commission d’experts. Ces mouvements de fonds s’opèrent dans des conditions et en vertu de critères qui ne sont « pas assez clairs », estime Jérôme Vivenza, chargé du dossier pour la CGT.

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En Espagne, la création de contrats à durée indéterminée bat des records

Le propriétaire du restaurant « Taberna Andaluza », Pablo Gonzalez, sert des clients, à la plage de Levante à Benidorm, le 7 juin 2022.

En vingt ans d’expérience dans la restauration, jamais avant ce mois de juin Daniel Pardo n’avait été embauché en contrat à durée indéterminée (CDI). « La plupart du temps, on me faisait enchaîner des contrats de travaux et services, souvent à mi-temps, même quand je faisais douze heures par jour en partie payées au noir, et rompus pendant les périodes d’inactivité. Cela explique que je ne cumule que trois ans de cotisations sociales à temps plein, alors que j’ai toujours travaillé… », explique ce serveur espagnol de 37 ans. En juin, il a signé son premier CDI, un « contrat fixe discontinu » de quarante heures hebdomadaires, avec deux jours libres par semaine et un « bon salaire », au-dessus de celui que marque la convention collective, dans un bar de la station balnéaire de Benidorm, le Gaztelutxo, dans la région de Valence.

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Six mois après l’entrée en vigueur de la dernière réforme du travail en Espagne, qui a restreint drastiquement la possibilité pour les entreprises d’avoir recours à des contrats temporaires, le nombre de CDI ne cesse de battre des records, mois après mois. En juin, 780 000 CDI ont été signés, du jamais-vu dans toute la série statistique. Au total, durant le premier semestre, ce sont près de 3,2 millions de contrats à durée indéterminée et près de 700 000 emplois net qui ont été créés. Le chômage, lui, est passé, en mai, sous la barre des 3 millions, pour la première fois depuis 2008. Et alors que les contrats temporaires – à durée déterminée, saisonniers, occasionnels ou journaliers – représentaient, jusqu’alors, 90 % des nouveaux contrats signés chaque mois, ils ne constituent plus qu’environ 55 % du total.

Marché du travail dépendant du tourisme

« Juin était un mois de surexposition aux contrats temporaires. C’est un phénomène qui s’est rompu cette année. C’est l’effet le plus immédiat de la réforme du travail », a insisté le secrétaire d’Etat à l’emploi, Joaquin Pérez Rey, le 4 juillet. « La solidarité et la justice sociale sont deux clés de la politique économique pour répondre à la crise de manière efficace, mais aussi équitable », a souligné le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez. « Dans un contexte d’incertitude marqué par la guerre en Ukraine et l’inflation, le marché du travail apporte stabilité et force », a renchéri, sur Twitter, la ministre du travail, issue de la formation de gauche radicale Unidas Podemos, Yolanda Diaz.

Face à la précarité de l’emploi, perçue comme une fatalité, liée à un marché du travail très dépendant du tourisme (27 % d’emplois temporaires avant l’approbation de la loi, contre 13,5 % en moyenne dans l’Union européenne), le gouvernement de gauche a trouvé une solution. Utilisés massivement dans le secteur de la construction, mais aussi de l’hôtellerie, les contrats pour travaux et services, dont la fin pouvait donc être signifiée à tout moment, ont été éliminés. Les contrats pour circonstances de production ont été rendus plus coûteux pour les entreprises. Et les CDD ont été limités à six mois, renouvelables jusqu’à un an, pour éviter les abus.

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« Uber Files » : à Paris, Lille ou Lyon, les chauffeurs Uber laissés seuls en première ligne

TémoignagesEntre 2014 et 2016, la société américaine de VTC joue avec la loi en France pour asseoir sa domination sur le secteur. Complices malgré eux, les chauffeurs font les frais d’une insécurité permanente.

« J’ai commencé à rouler avec ma voiture personnelle, sans aucun statut ni assurance pour le transport de personnes. » En 2014, Nadir – le prénom a été changé, comme pour tous les chauffeurs qui ont accepté de témoigner dans cet article – se lance dans UberPop la fleur au fusil. Uber vient de créer en France ce service présenté comme du covoiturage urbain. Le chauffeur débutant, la quarantaine, occupe déjà un emploi salarié dans la maintenance des avions. Le Lyonnais est séduit par l’idée d’amortir ses trajets depuis et vers l’aéroport, même s’il se doute que « tout n’est pas dans les clous ». « Je savais bien que dans le covoiturage, c’est le chauffeur qui fixe la destination, pas le passager…, admet-il. Mais je n’avais pas l’impression d’être hors la loi pour autant. »

Les premiers mois, la demande et l’enthousiasme des clients d’UberPop font taire les craintes des chauffeurs. « Ça se passait très bien, insiste Thierry, qui débute, à Lille, après une période de chômage. On était 10-15 véhicules à se retrouver sur les parkings, il ne se passait pas une demi-heure sans que ça sonne. Les clients étaient sérieux, respectueux. » Pourtant, le vernis du « covoiturage » s’écaille vite. A Lyon, à la sortie du parc des expositions Eurexpo, « pas mal de clients appelaient des taxis, d’autres des Uber, relate Nadir. Il y avait énormément de monde et les taxis avaient du mal à retrouver leurs clients. Aidés par la géolocalisation, on pouvait enchaîner trois fois plus de courses qu’eux ».

En novembre 2014, à Lyon, une soirée « dégénère ». Les « UberPop » affluent à la sortie d’un festival électro. Des taxis réagissent avec violence. « Pneus crevés, rétroviseurs cassés, intimidations… », égrène Nadir. Dans d’autres villes aussi, les incidents se multiplient, obligeant les chauffeurs à des parades pour garantir leur sécurité. Nadir et ses homologues « se signalent sur WhatsApp les endroits où les taxis se regroupent ». A la même période, Thierry, « coincé un jour par un taxi » qui lui bloque la route, prend l’habitude de demander aux clients de monter devant. Les chauffeurs décrochent leur smartphone du tableau de bord pour passer inaperçus. « C’était tendu autour des lieux de fête, complète Abdel, qui roule pour UberPop à partir de l’été 2014. Il y a des endroits où je n’allais plus. »

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

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« Il fallait qu’on se débrouille »

Début 2015, Thierry se plaint auprès d’Uber de difficultés croissantes, de la part des taxis, mais aussi de « chauffeurs UberPop qui font un peu n’importe quoi, se pointent avec une voiture différente de celle qu’ils déclarent et se refilent les comptes ». Des griefs restés lettre morte, assure-t-il : « Les gens d’Uber nous expliquaient que c’était compliqué, en ce moment, et qu’en gros, il fallait qu’on se débrouille. » Le chauffeur finit par jeter l’éponge après neuf mois au volant. « Se plaindre, c’était comme pisser dans un violon, abonde Nadir. On tombait sur des personnes avec des réponses toutes faites : “On vous garantit que vous avez le droit de rouler”, “Une société comme la nôtre ne serait pas hors la loi”… »

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