Archive dans 2021

L’économiste Michel Husson est mort

Michel Husson, ancien staticicien et économiste, décédé le 18 juillet 2021.

Michel Husson est mort le 18 juillet, à Corvara in Badia (Italie), à l’âge de 72 ans. La mort subite de cet économiste-statisticien atypique, marxiste non dogmatique, est une lourde perte pour la communauté hétérodoxe. La finesse de ses analyses, son humour et sa compétence étaient très appréciés et uniques.

Administrateur de l’INSEE, Michel Husson a travaillé à la Direction de la prévision du ministère de l’économie pendant les années 1980, avant de rejoindre, en 1990, l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), organisme au service des syndicats. Il était aussi un militant. Politique d’abord : il a été l’un des piliers du groupe de travail économique de la Ligue communiste révolutionnaire de 1980 à 2006, avant de rompre avec elle, pointant sa responsabilité dans l’échec de la recomposition politique à la suite de la victoire du non au traité constitutionnel européen, en 2005. Il a ensuite soutenu les campagnes du Front de gauche puis de Jean-Luc Mélenchon, en 2017. Associatif, ensuite : il s’est impliqué dans Attac, la Fondation Copernic, Les Economistes atterrés…

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Depuis vingt ans, il a régulièrement mis sur son site des dizaines de publications – une précieuse mine d’informations. La visée centrale de son œuvre est d’« assurer à toutes et tous un emploi et/ou un revenu décent, l’accès à des services publics de qualité et (…) une planète décente ». Cela passe par « l’emploi d’abord », mais aussi par un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires. En matière d’emploi, il a clairement démontré l’inefficacité des politiques de baisse de coût du travail menées depuis les années 1980, et notamment des exonérations de cotisations. Il soutenait d’ailleurs la cotisation comme salaire socialisé.

Dépasser le capitalisme

Rejetant les méthodes néolibérales du temps partiel contraint et du revenu universel, tous deux régressifs entre autres par rapport au droit à l’emploi des femmes, et reconnaissant l’efficacité des lois Robien et Aubry sur la réduction du temps de travail, Michel Husson souhaitait aller plus loin, avec une RTT sans perte de salaire, avec obligation d’embauches proportionnelles et sans la flexibilité accrue qui a accompagné ces lois. Selon lui, il faut intervenir sur la répartition primaire des revenus et non, comme le voudraient des économistes comme Thomas Piketty, sur la redistribution et la fiscalité.

Ces mesures s’inscrivent dans une volonté assumée de dépasser le capitalisme. Le néolibéralisme, avec ses conséquences économiques, sociales et écologiques, en constitue l’aboutissement cohérent, mais cette cohérence est source d’instabilité et de crises récurrentes. Depuis les années 1980, les capitalistes utilisent les profits de manière non productive (dividendes, rachat d’actions, etc.). La cause est l’insuffisance des débouchés et l’absence d’occasions de valorisation suffisante du capital, qui induisent une faiblesse des investissements productifs, se combinant à la baisse de la part des salaires et à l’augmentation des taux de profit. La financiarisation, donc.

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Le travail post-Covid : dans les petits espaces naissent les grandes idées

« Bureau des notaires », série « Office » de Lars Tunbjörk.

A la rentrée, on ne va pas cesser de se cogner les uns dans les autres. C’est en tout cas ce qu’aimeraient les architectes chargés de la réorganisation des bureaux. Les directions d’entreprise leur ont posé deux questions : combien de mètres carrés peut-on gagner dans les sièges d’entreprise avec la régularisation du télétravail ? Qu’est-ce qui encourage l’innovation chez les salariés ?

Dans chaque cas, ça passe par se serrer un peu plus, ce qui, paradoxalement, ne va pas dans le sens des recommandations sanitaires. Chez PayPal, on a renoncé à un étage. Chez Kiabi, à des projets d’extension. Mais en amenant à rétrécir les bureaux et à mutualiser les postes de travail, l’épidémie réussira peut-être à accoucher du Graal des architectes depuis des années : des télescopages créatifs.

A la recherche de ce qu’on ne cherche pas

« En une journée au bureau, 75 % des informations s’attrapent de façon informelle », rappelle Alexandra Corric, présidente fondatrice d’Archimage. Dans la biographie de Walter Isaacson consacrée à Steve Jobs (Lattès, 2011), John Lasseter, son associé chez Pixar, décrit l’agencement de leurs bureaux. Si un bâtiment n’encourage pas les rencontres imprévues, lui aurait dit Jobs, « vous perdrez beaucoup d’innovations et l’étincelle magique de la sérendipité », cet art de découvrir ce qu’on ne cherche pas.

Pixar fut donc conçu de sorte que les gens aient besoin de passer par l’atrium central, où des cafés et salles de réunion furent installés. « Jobs alla jusqu’à décréter qu’il n’y aurait que deux toilettes dans le bâtiment, pour chaque genre, connectés à l’atrium, raconte Lasseter. (…) Ça marchait, je n’arrêtais pas de me cogner dans des gens que je n’avais pas vus depuis des mois. »

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Si l’idée est régulièrement attribuée à Steve Jobs, comme toutes celles qu’on veut associer à un visionnaire patenté, voilà plus d’un demi-siècle qu’architectes et anthropologues cherchent à théoriser les conditions de la rencontre fortuite et créative. Dès 1950, Mervin Kelly, le PDG de Bell Labs, expliquait que si son entreprise avait pu inventer le transistor et mille autres choses, c’est parce que tout le monde, chimistes, mathématiciens, ingénieurs, travaillait sous le même toit. Les couloirs du bâtiment de Murray Hill, dans le New Jersey, étaient assez longs pour qu’en chemin vers la cantine, on soit certain de tomber sur des collègues avec lesquels on inventerait la cellule photovoltaïque ou n’importe quoi qui s’invente en allant à la cantine.

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Travail : « Rémunérer des activités auparavant réalisées sans contreparties matérielles n’est pas neutre »

Tribune. « Les applaudissements ne paient pas les factures », pouvait-on lire sur les pancartes des soignants entre deux vagues de la crise sanitaire. Si « le travail paie toujours », selon la formule consacrée, paie-t-il toujours suffisamment et que paie-t-il, au juste ?

Le couple rémunération et travail semble si exclusif et ancré dans le temps qu’il est difficile de concevoir l’un sans l’autre. Qu’elle soit monétaire ou symbolique, sous forme de salaires, d’honoraires, de traitement, de gratification, de pourboire, de primes, de stock-options, la rémunération vient reconnaître et récompenser un travail réalisé et, par là, lui donne ses contours.

Une minorité de superstars

Pour autant, cette relation a priori simple soulève de nombreuses questions, posées et discutées par des chercheuses et chercheurs en sciences sociales dans le numéro que la revue Regards croisés sur l’économie consacre à la rémunération du travail. Parmi elles, celles propres aux frontières de ce qu’on entend par « travail ». Peut-on penser le travail sans rémunération ? Faut-il rémunérer toute activité productive ? Comment adapter les rémunérations aux transformations du travail ?

Etiqueter des photos sur [la plate-forme participative] Foule Factory, s’improviser chauffeur le temps d’un trajet grâce à Blablacar, ou encore obtenir des sponsors pour un blog de cuisine… Autant de possibilités nouvelles de générer des revenus à côté d’un emploi principal. Les plates-formes numériques changent le rapport au loisir et au temps libre.

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Tous ne tirent pourtant pas le gros lot : comme le souligne l’économiste Pierre Rondeau à propos des footballeurs, les revenus colossaux tirés d’un simple « post » Instagram ne sont accessibles qu’à une minorité de superstars, à l’instar de Cristiano Ronaldo et de ses photos à un million d’euros. Les autres se contentent d’exercer leur métier de sportif… sur le terrain. « Autrement dit, au-delà même du talent et du niveau, plus un joueur est connu, quelle qu’en soit la raison, plus il pourra bénéficier d’un pouvoir de marché important et prétendre à une rémunération élevée. »

Pour les politiques publiques, de nouveaux problèmes s’imposent : comment tenir compte de ces inégalités dont la dynamique est structurée et soutenue par les plates-formes ? Mais aussi, comment réguler ces formes inédites de concurrence aux travailleurs traditionnels, soumis aux contraintes fiscales et légales déjà existantes ?

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Pénurie de main-d’œuvre dans une Amérique en surchauffe

A Los Angeles, le 8 juillet 2021.

Les autorités du parc national du Mount Rainier, au nord ouest des Etats-Unis, conseillent d’arriver de bon matin pour éviter les embouteillages. L’Amérique est repartie en plein boom, avec une activité qui a rattrapé son niveau de début 2020. L’économie a créé sur le seul mois de juillet 943 000 emplois, faisant tomber le taux de chômage de 5,9 % à 5,4 %, a révélé vendredi 6 août le ministère du travail.

En arrivant dans le Paradise Inn, superbe bâtisse rustique bâtie en 1916 au pied des glaciers qui dévalent du volcan et des prairies bucoliques, la réalité est un peu différente : d’abord, l’ordre est arrivé de Washington dans la matinée, il faut remettre les masques dans les locaux, variant delta du Covid-19 oblige. Surtout, on découvre ce mercredi 28 juillet que le restaurant est fermé le soir. Explication, il n’y a pas assez de personnel pour faire tourner l’hôtel.

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Melinda Simpson, directrice générale de la concession hôtelière, le confirme : « Nos effectifs sont normalement à 260, nous sommes à 130. » Il y a bien sûr l’absence des travailleurs internationaux – des jeunes habituellement recrutés grâce au département d’Etat pour faire la promotion des Etats-Unis – : les visas d’échange J1 se sont effondrés de 350 000 à 108 000 entre 2019 et 2020 et n’ont pas dû remonter beaucoup. Et puis l’impossibilité de recruter des Américains. « Les gens n’ont pas envie de sortir ces temps-ci », explique Melinda Simpson.

Pique-nique

De ce fait, il n’y a pas de petit-déjeuner ; le midi, c’est pique-nique, et le dîner n’est proposé que cinq soirs par semaine – les mardi et mercredi, les équipes se reposent. Pendant les dîners, seules quelques tables sont occupées au lieu des centaines de convives qui revivent habituellement bruyamment leur randonnée du jour dans cette immense salle à manger et ses rondins. Pour Melinda Simpson, il ne s’agit pas d’une question de rémunération : « Nous offrons un des salaires minimums les plus élevés des Etats-Unis », estime-elle (14 dollars de l’heure environ et avantages en nature).

En tout cas, la pénurie de main-d’œuvre ralentit le redécollage de l’économie américaine, qui doit encore recréer 5,4 millions des 22 millions d’emplois détruits au début de la crise. Si 380 000 personnes sont revenues travailler dans les loisirs-hôtellerie-restauration en juillet, ce secteur accuse encore un retard de 1,7 million d’emplois (10 % du total). Aujourd’hui, le nombre d’emplois non pourvus aux Etats-Unis est légèrement supérieur au nombre de chômeurs recensés (8,7 millions).

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En France, l’emploi salarié a retrouvé son niveau d’avant-crise

A Perpignan, le 19 mai 2021.

Voila deux chiffres qui vont faire mentir les Cassandre : après les 332 100 emplois détruits en 2020, 330 800 emplois ont été créés sur le premier semestre 2021. Autrement dit, l’effet de la crise du Covid sur l’emploi salarié est d’ores et déjà effacé, selon les estimations provisoires publiées vendredi 6 août par l’Insee. « Une bonne nouvelle, a salué la ministre du travail Elisabeth Borne sur Twitter, qui confirme que notre économie repart vite et fort ».

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En effet, une bonne nouvelle qui arrive avec quelques mois d’avance, puisque l’Insee ne prévoyait un retour de l’emploi salarié au niveau d’avant-crise qu’à la fin de l’année 2021. De plus, ajoute Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management, la performance française « est bien meilleure que celle de la zone euro ou que celle des Etats-Unis, où le niveau d’emploi à la fin du mois de juin était encore 3,4 % en dessous de la moyenne de 2019 ».

Une politique « très généreuse »

Une différence qui s’explique par les différentes approches face à la crise. « La politique économique menée à l’égard des entreprises ou sur le marché du travail a été très généreuse en France, ce qui fait que l’ampleur de l’ajustement opéré sur l’emploi est restée réduite », explique M. Waechter. « Aux Etats-Unis, par exemple, l’ajustement s’est d’abord fait par les suppressions d’emplois dans le secteur privé, les aides de l’Etat ne venant qu’ensuite : les modes d’ajustement ne sont pas les mêmes. »

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En France, après un premier trimestre étale, la croissance du PIB de 0,9 % au second trimestre a nettement accéléré les créations d’emplois. La dynamique a été nourrie par la levée des mesures de fermeture administrative des cafés ou restaurants, de certaines catégories de commerces, et le retour des déplacements interrégionaux. De fait, le rythme des embauches est très marqué dans les secteurs de l’hébergement-restauration, du commerce et des activités culturelles. Il faut dire que ce sont ces secteurs qui avaient perdu le plus d’emplois au plus fort de la crise provoquée par le Covid-19.

L’industrie, qui est par ailleurs confrontée à des pénuries de main-d’œuvre dans certains métiers, n’a pas encore rattrapé son retard

La construction et le secteur de la santé privée (médecine de ville, cliniques) ont aussi retrouvé leurs niveaux d’avant-crise. L’industrie, qui est par ailleurs confrontée à des pénuries de main-d’œuvre dans certains métiers, est moins allante et n’a pas encore rattrapé son retard, avec un effectif en retrait de 1,5 % par rapport à l’avant-crise. Fait notable, l’intérim n’a pas non plus récupéré son niveau d’avant-crise. M. Waechter y voit d’ailleurs un signal favorable. « Si les entreprises avaient des doutes sur ce retour à la normale, elles embaucheraient des intérimaires pour limiter le risque », explique-t-il. Or, « ce n’est pas le cas ».

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Passe sanitaire : la rupture des CDD et des contrats d’intérim censurée par le Conseil constitutionnel

Le serveur d’un restaurant parisien, le 26 juillet 2021.

Il n’y aura pas de rupture de contrats à durée déterminée (CDD) ou intérim pour cause de non-présentation du passe sanitaire dans les entreprises recevant du public à partir du 30 août. Saisi par le gouvernement et trois groupes de parlementaires, le Conseil constitutionnel a annoncé, jeudi 5 août, la censure de la disposition de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire « organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail ».

Si le texte, adopté par le Parlement le 25 juillet, avait écarté la possibilité de licencier un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) sans passe sanitaire valide, il était clair sur les CDD et les intérimaires : une rupture du contrat de travail était possible avant son terme, à l’initiative de l’employeur.

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Pour censurer cette mesure, le Conseil invoque une rupture du principe d’égalité. L’obligation de présentation du passe sanitaire étant liée, d’après les juges, à la volonté du législateur de limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19, et ainsi de poursuivre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le fait de pouvoir mettre fin à un CDD et non à un CDI n’est pas conforme à la Constitution. « Les salariés, qu’ils soient sous contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée ou de mission, sont tous exposés au même risque de contamination ou de transmission du virus », affirment-ils.

« Sage décision »

La décision conclut alors que « le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail, qui est sans lien avec l’objectif poursuivi ». Une décision logique, selon Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’Ecole de droit de l’université Panthéon-Sorbonne : « En droit du travail, ce n’est pas une surprise que la sanction concerne les seuls CDD. » « C’était difficile de porter ce coup aux seuls précaires, juge Elise Fabing, avocate en droit du travail. Le Conseil, avec cette décision, confirme qu’il n’y a pas de faute, dans un contrat de travail, pouvant déboucher sur une rupture si on ne se vaccine pas. »

Ce type de contrats courts étant très utilisé dans les filières concernées par l’extension du passe sanitaire (cafés, restaurants, foires, salons professionnels…), c’est un soulagement pour Thierry Grégoire, président de la branche saisonniers de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) : « Le Conseil constitutionnel a pris une sage décision. Il aurait été ubuesque de devoir rompre le contrat de travail de salariés qui ne souhaitent pas être vaccinés dans ce secteur confronté à tant de difficultés d’embauches. »

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« La notion d’ascension salariale a disparu » : la rémunération des fonctionnaires s’érode

Un employé de la mairie préparant les élections municipales, à Rennes, en mars 2014.

Après dix années de « gel du point d’indice », la rémunération des agents publics s’en ressent. Cet outil, qui sert de base au calcul du traitement des fonctionnaires, n’a pas été revalorisé depuis 2010. A une exception près : en 2016, François Hollande décide d’un coup de pouce de 1,2 % en deux temps.

De fait, de 2009 à 2019, l’Insee constate bien « une différence de dynamique » entre le public et le privé. Les salaires des agents publics (y compris ceux des contractuels, donc) ont diminué de 0,7 % sur la période, quand ceux du privé ont augmenté de 4,8 %. Ces données prennent en compte l’inflation. « Globalement, note Fabien Guggemos, chef de la division salaires et revenus d’activité à l’Insee, le pouvoir d’achat des salaires dans la fonction publique est quasiment stable entre 2009 et 2019 : corrigés de l’inflation, les salaires ont baissé en moyenne de 0,1 % par an. » Dans le privé, ils ont progressé de 0,5 % par an.

Explications : A quoi correspond le point d’indice des fonctionnaires ?

La tendance est la même pour les trois « versants » de l’administration : − 0,1 % par an pour les agents de l’Etat, + 0,1 % pour la territoriale et − 0,2 % pour les hôpitaux. Mais ces moyennes cachent des disparités, notamment selon les catégories de fonctionnaires (de « A », qui correspond aux fonctions d’encadrement, à « C », pour les fonctions d’exécution). C’est dans la territoriale que l’écart entre les agents est le plus élevé. En 2019, le salaire net moyen des A était de 3 202 euros, contre 1 828 euros pour les C.

« Gel du point d’indice »

« Globalement, il n’y a pas, à proprement parler, de décrochage par rapport au privé », estime-t-on dans l’entourage de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin. Chez les bas salaires, fait-on remarquer, le salaire médian est de 1 806 euros dans le public, contre 1 703 dans le privé. « Chez les cadres, c’est différent, poursuit la même source. Si on exclut l’hôpital, il y a clairement un décrochage par rapport au privé : le salaire médian est de 3 405 euros, contre 4 103 euros dans le privé. » La fonction publique hospitalière est à part, en effet, dans la mesure où les médecins, souvent sous contrat, gagnent en moyenne 5 700 euros par mois, indique l’Insee.

« Dans la territoriale, quand on ne peut pas travailler à temps complet, il arrive que l’on touche moins que le smic. Nous constatons de vrais effets de paupérisation », dénonce Jean-Marc Canon, de la CGT

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Chômage partiel : un dispositif qui continuera à diminuer à la rentrée

Jusqu’ici indispensable pour faire face aux conséquences économiques désastreuses de la crise sanitaire, le dispositif de chômage partiel, expérimenté depuis avril 2020, va diminuer progressivement dans les prochains mois. Ces aides publiques ont coûté au total 27,1 milliards d’euros en 2020, selon le ministère du travail.

Consistant en un versement par l’Etat d’une allocation aux entreprises affectées par la pandémie due au coronavirus, le chômage partiel a permis de sauver des milliers d’emplois depuis son introduction, tout en garantissant le paiement des salariés.

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Ainsi, au printemps 2020 – alors que la crise sanitaire était à son paroxysme – près de 9 millions de salariés étaient concernés par ce dispositif, selon une estimation de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). En juin, ils n’étaient plus que 1,3 million, toujours selon la Dares. Un recul significatif par rapport au mois de mai, 2,3 millions de salariés avaient alors bénéficié du dispositif.

Redémarrage de l’économie

En avril 2020, le gouvernement avait modifié par décret les conditions de recours au chômage partiel. Entre autres, le dispositif pouvait être mis en œuvre sans autorisation préalable des autorités publiques, et l’employeur bénéficiait d’une allocation plus importante du gouvernement. Ces dispositions n’ont cessé d’évoluer depuis. Et, aujourd’hui, face au redémarrage de l’économie, l’heure est à la baisse.

Les dernières modifications sont intervenues le 1er juillet. Depuis, les salariés des entreprises les moins défavorisées ont vu le montant de leur indemnité diminuer. Ils ne perçoivent à présent que 72 % de leur rémunération antérieure nette, contre 84 % auparavant. Le reste à charge pour l’employeur s’élève à 40 % – c’est-à-dire que l’Etat paye 60 % de la rémunération totale des salariés placés sous le régime du chômage partiel.

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Pour que cette baisse ne pénalise pas d’autant plus les entreprises peinant déjà à survivre, le gouvernement a dressé une liste de secteurs « protégés » : le tourisme, la culture, le transport, le sport et l’événementiel.

Les salariés de ces secteurs continueront de toucher 84 % de leur rémunération nette jusqu’au 1er septembre. A partir de cette date, on ne leur versera que 72 % de leur rémunération antérieure nette, comme les autres salariés. Les restes à charge pour ces entreprises s’élèvent à 15 % en juillet, puis 25 % en août et 40 % en septembre.

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Dans les Ardennes, le fiasco de la relocalisation des cycles Mercier, stoppée par l’Etat

Anciennes friches industrielles de Revin le 3 janvier 2020.

« Le sanglier des Ardennes, notre emblème, est courageux et tenace, mais il ne se fait pas avoir aussi facilement que ça. Les Ardennais n’aiment pas qu’on se moque d’eux. » Comme d’autres citoyens et acteurs locaux de la vallée de la Meuse, le député (LR) des Ardennes Pierre Cordier est remonté. Tous se rassemblaient ce mardi 3 août, en fin de matinée, pour demander des comptes : alors qu’il devait injecter plus de 5 millions d’euros pour aider à redynamiser ce territoire, l’Etat a décidé de se retirer du projet d’implantation des cycles Mercier à Revin.

L’occasion semblait pourtant belle pour cette ville de 6 000 habitants, au taux de chômage élevé (26 %), qui abritait autrefois les usines de machines à laver Arthur Martin, avant d’être marquée par la crise industrielle. Jusqu’à 270 emplois « 100 % locaux » devaient normalement voir le jour à partir de la fin de 2021, afin de fabriquer 500 000 vélos Mercier par an. La marque de bicyclette centenaire, associée aux heures de gloire de Raymond Poulidor, souhaite revenir en France après avoir délocalisé en Asie, alors que le marché du vélo est en pleine croissance. « Ce projet coche toutes les cases, sur la réindustrialisation ou l’écologie », note Jean-Marc Seghezzi, PDG de CEMF et des cycles Mercier.

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Revirement de Bercy

Le 15 mars, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, s’était rendue à Revin et avait confirmé le soutien financier de l’Etat, qui devait dépasser les 5 millions d’euros, au titre du dispositif Territoires d’industrie et du fonds « friches industrielles ». En tout, sur un projet au coût évalué entre 11 millions et 15 millions d’euros, l’investissement était assuré pour les deux tiers par l’Etat et les collectivités locales.

C’était compter sans le revirement de Bercy. Mercredi 28 juillet, Jean-Marc Seghezzi reçoit une réponse négative de la Banque publique d’investissement. Le lendemain, le couperet tombe pour de bon : la préfecture des Ardennes annonce le retrait inattendu de l’Etat. « Les services de l’Etat ont relevé des faits suffisamment graves pour considérer en responsabilité qu’il n’est pas possible d’engager de l’argent public », a annoncé le préfet, Jean-Sébastien Lamontagne.

« On aurait pu se prémunir de toute annonce publique à renfort de présence ministérielle, quand on voit le résultat aujourd’hui » Jean Rottner, président de la région Grand-Est

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Social : « Les deux chantiers pour l’emploi d’ici à la fin du quinquennat »

Tribune. Praticiens des ressources humaines, nous plaidons pour initier deux chantiers en faveur de l’emploi d’ici à la fin du quinquennat : rapprocher l’offre et la demande d’emploi à l’échelon des bassins de vie ; mieux valoriser le travail dans l’entreprise. Nul ne sait quelles compétences seront nécessaires pour porter des emplois qui ne sont pas encore dessinés.

Selon l’Institute for the Future, 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore. Dans le même temps, les pénuries de compétences sont réelles : 44 % des entreprises exprimaient des difficultés de recrutement en juin, contre 33 % en mai selon la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France. Pour autant, le chômage reste important et devient donc « paradoxal », conséquence de l’inadéquation entre les ressources disponibles et les besoins.

Seules les entreprises sont en mesure de formuler des hypothèses sur ce que pourraient être leurs besoins en emplois et compétences futurs. Mais elles sont peu nombreuses à établir ce type de projection. Il existe bien des dispositifs législatifs incitatifs, par exemple l’obligation triennale de négocier sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Mais ce n’est pas suffisant.

Importance de la proximité territoriale

La situation actuelle peut se résumer ainsi : les entreprises conduisent des exercices d’anticipation dans une seule logique de conformité légale. Les branches professionnelles produisent des études nationales et sectorielles qui ne trouvent pas de solution pratique localement. Les administrations d’Etat font de même, pour l’essentiel, bien que quelques dispositifs récents pour favoriser l’insertion des plus jeunes aient été lancés.

Or, l’efficacité de la mise en relation entre l’offre et la demande d’emploi repose sur la proximité territoriale. Mais les collectivités locales n’ont aucune visibilité sur les travaux conduits par le secteur privé. Elles tentent parfois de mettre en place des dispositifs de rapprochement de l’offre et de la demande d’emploi par des aides à la mobilité et à la formation, mais elles interviennent trop tardivement. Leurs résultats sont donc très limités.

Pire, les efforts entrepris pour répondre en temps réel au décalage entre l’offre et la demande d’emploi ont un coût disproportionné au regard de leurs bénéfices. Pour résoudre les tensions sur le marché du travail, nous proposons donc la mise en place de « plates-formes locales de convergence pour l’emploi ».

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