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Télétravail : « Les femmes enceintes et les parents de jeunes enfants gagneraient beaucoup à un droit dédié »

Tribune. Le 1er septembre, l’obligation de télétravail liée à la pandémie a été supprimée. Mais cette expérience inédite de plusieurs mois a montré que le télétravail (au moins à temps partiel) rendait la vie plus facile à beaucoup d’employés, en particulier les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants, la diminution des temps de transport réduisant leur niveau de fatigue.

Nos recherches montrent cependant que, malgré ce contexte sanitaire très particulier, ces femmes ont dû se battre pour avoir l’autorisation concrète de travailler depuis leur domicile. Les manageurs français ont été particulièrement réticents à leur permettre de télétravailler, leur demandant souvent des contreparties, telles des tâches supplémentaires, pour se voir accorder cette « faveur », ou les incitant à venir au bureau, malgré la situation sanitaire, si elles voulaient obtenir ensuite telle ou telle évolution de carrière préalablement envisagée.

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Les femmes enceintes et mères de jeunes enfants interrogées dans le cadre de notre enquête ont très souvent affirmé avoir été culpabilisées par leurs manageurs pour avoir formulé des demandes de télétravail, alors même qu’elles témoignaient travailler plus longtemps et efficacement depuis chez elles.

Les réticences des manageurs

Des affirmations, qui sont d’ailleurs confirmées par une récente étude menée en Allemagne, établissant que les femmes en télétravail consacrent, dans la pratique, plus d’heures par jour en moyenne à leurs tâches professionnelles que lorsqu’elles se trouvent au bureau. A l’issue de la période dite de « télétravail obligatoire », de nombreuses conventions collectives viennent d’élargir les conditions d’accès au télétravail antérieures à la crise sanitaire, mais la pratique au sein des organisations françaises demeure visiblement compliquée.

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De manière générale, les manageurs français semblent être de plus en plus réticents à ces pratiques, 25 % d’entre eux déclarant y être hostiles en 2021 contre 18 % en 2019 (Baromètre du télétravail 2021, Malakoff Humanis), y compris lorsque la direction générale y est favorable. Ces manageurs rechignent à « lâcher prise » et sont tout particulièrement soupçonneux, comme nous l’avons montré, vis-à-vis des femmes. Fréquemment, des bonus financiers ou des promotions que les participantes à notre étude s’attendaient à décrocher, ne leur ont pas été octroyés.

Leurs tâches les plus gratifiantes ont été souvent attribuées à d’autres en leur absence, alors même que, de manière récurrente, elles nous ont dit avoir mis les bouchées doubles pour ne pas désorganiser leur équipe, au point, pour certaines, d’avoir frôlé le surmenage. Ce constat nous incite à plusieurs préconisations.

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Formation professionnelle : un compromis très politique

Pour la deuxième fois depuis le début du quinquennat, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord national interprofessionnel sur la formation des salariés, des chômeurs et des apprentis. Le compromis a été trouvé au cours de la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 octobre, à l’issue d’une séance de négociations qui s’est tenue dans les locaux du Medef. L’une des principales ambitions de ce texte est de réaffirmer le rôle du patronat et des syndicats sur un champ où leurs marges de manœuvre ont été réduites au profit de l’Etat par une réforme engagée il y a trois ans. Les organisations concernées se positionnent aussi clairement dans l’optique de la présidentielle de 2022, l’idée étant de « prendre date » et de dire que leur voix devra être prise en compte par la prochaine équipe au pouvoir.

A l’origine de cette initiative, il y a la volonté de tirer le bilan de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Celle-ci a transformé en profondeur les systèmes de formation continue et d’apprentissage, qu’il s’agisse de la gouvernance, du financement ou des dispositifs mis en place pour les entreprises et les actifs. Les partenaires sociaux ont éprouvé le besoin, au printemps, d’évaluer tous ces changements, dans le cadre de « l’agenda autonome » proposé par le Medef.

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Dix réunions ont eu lieu, en présence des organisations représentatives à l’échelon interprofessionnel – à l’exception de la CGT, qui avait décliné l’invitation du patronat. Ces « discussions paritaires » ont débouché, en juillet, sur une « synthèse » contenant 49 recommandations, qui a été communiquée au gouvernement. Les protagonistes ont ensuite cherché à donner plus de force à leur démarche, en essayant de conclure un accord interprofessionnel. La ministre du travail, Elisabeth Borne, les a exhortés à aller dans cette voie. D’où la négociation, qui s’est ouverte, jeudi en fin d’après-midi, et refermée quelques heures plus tard – avec la participation de la CGT, cette fois-ci.

Fixer un cap à de nouvelles négociations

Le texte final reprend la cinquantaine de préconisations rédigées durant l’été. Il revêt une forme singulière car il s’agit d’un « accord-cadre », qui ne crée aucun droit ou obligation supplémentaire, à ce stade. Sa vocation est de fixer un cap à de nouvelles négociations, qui devront être menées à bien « avant la fin du premier semestre 2022 ». Sept thématiques figurent au menu. Parmi elles, il y a la réorganisation des pouvoirs au sein du système et les ressources allouées à celui-ci.

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Le temps partagé, remède post-Covid pour « prendre en main sa vie professionnelle » ?

« Depuis le confinement de mars 2020, de nombreux salariés ont choisi de quitter le salariat classique pour rejoindre ce modèle atypique. »

« C’est une autre façon de travailler : je me gère comme une indépendante et je suis salariée. Mon positionnement n’est plus le même qu’avant : c’est super de sentir qu’on apporte une valeur ajoutée et que nos projets aboutissent à quelque chose, contrairement au travail dans un grand groupe. » Depuis septembre 2021, Vanessa Oliveira, 36 ans, est DRH à « temps partagé » : salariée d’un réseau d’experts, elle travaille à tour de rôle pour trois entreprises différentes chaque semaine, dont une où elle ne passe que quatre jours par mois. Après onze ans d’expérience dans les ressources humaines, elle avait quitté un CDI pour devenir indépendante, mais elle a découvert cet entre-deux : une forme d’activité hybride qui lui convient.

Depuis le confinement de mars 2020, de nombreux salariés ont ainsi choisi de quitter le salariat « classique » pour rejoindre ce modèle atypique : 34 % des travailleurs en temps partagé ont moins d’un an d’ancienneté, selon le Baromètre 2021 du travail à temps partagé (établi auprès d’environ 500 répondants). La treizième semaine nationale consacrée au sujet, qui s’est tenue en ligne du 11 au 15 octobre, a permis de renforcer ce constat : cette philosophie intéresse. Près de 500 000 personnes entreraient aujourd’hui dans ce cadre, contre 430 000 fin 2018.

Le temps partagé consiste pour l’individu à travailler à temps partiel (à raison d’un ou deux jours par semaine chacune par exemple) pour plusieurs entreprises en même temps, et permet aux entreprises – souvent des PME – d’accéder à des compétences très recherchées, mais pour lesquelles elles n’ont pas les moyens ou le besoin d’offrir un emploi à temps plein. Ce mode de travail, né dans les années 1980 dans le secteur agricole, concerne en majorité des cadres (81 % selon le baromètre) dans des fonctions support : ressources humaines, commerce, finance ou administratif.

Il existe diverses formes de travail à temps partagé.

En premier lieu, un salarié peut simplement cumuler deux contrats à temps partiel, qu’il a lui-même trouvés : on parle de multisalariat. Fréquemment, les missions sont exercées par des travailleurs indépendants ayant créé leur propre structure (autoentreprise), ou œuvrant dans le cadre d’un réseau d’experts ou « société à temps partagé ».

« Sens et meilleur équilibre personnel »

Enfin, il existe des groupements d’employeurs (16 % des travailleurs), structures associatives faisant office d’intermédiaires entre salariés à temps partagé et entreprises clientes qui y adhèrent.

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Dans le poisson islandais, rien ne se perd, tout se transforme

Une employée montre les découpes faites sur les morues, à Reykjavík, le 22 septembre 2021.

En ce matin de septembre, les vents glaciaux annonçant l’hiver s’engouffrent dans le port de Reykjavik, lorsque l’Örfirisey RE-4, un chalutier congélateur de 65 mètres, approche du quai. L’équipage se met en branle. Les vingt-six hommes sont en mer depuis un mois. Avant d’aller retrouver leur famille, ils s’emploient à décharger les dizaines de cartons blancs et bleus contenant les poissons – cabillaud, aiglefin, lieu noir, sébaste… – déjà conditionnés et congelés à bord.

A quelques mètres de là, les bâtiments de Brim, leur employeur, abritent des chaînes de production presque entièrement automatisées, où clignotent des écrans de contrôle. Le cabillaud de l’Atlantique Nord déjà acheminé par d’autres navires y est tranché par jet d’eau, avec la précision d’un laser. Les filets sont mis en boîte par des robots. Les têtes sont conservées pour être transformées en farine et exportées vers le Nigeria. La peau est récupérée, tout comme le foie et les viscères, dont d’autres entreprises tireront des compléments alimentaires riches en vitamine D ou de surprenantes applications médicales. « On ne jette presque rien. On cherche chaque jour comment gaspiller un peu moins encore », résume Greta Maria Gretarsdottir, responsable de l’innovation.

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Brim, l’un des géants du secteur, est le visage moderne de la pêche islandaise, lancée dans un grand pari : utiliser, à terme, 100 % des cabillauds pris dans ses filets, arêtes et queues comprises. « Nous tournons déjà autour de 80 %, contre 50 % en Europe ou en Amérique du Nord », souligne-t-on au Sjavarklasinn, le cluster (groupement industriel) local dévolu à l’océan. Les Islandais ont même un mot pour cela : nytin, ou la qualité d’une personne capable d’utiliser les choses à leur maximum.

Ça n’a l’air de rien, mais c’est une petite révolution au regard de la tradition des chalutiers qui, jusqu’au début des années 1980, se livraient à une surpêche effrénée, générant d’importants gaspillages. « Le credo était : attrapons toujours plus », résume Sveinn Margeirsson, maire de Skutustadahreppur, une petite municipalité du nord-est de l’île, et fin connaisseur du secteur. « Au point de mettre en danger les stocks de poissons, dont le cabillaud, alors en chute libre. Un désastre. »

Fin de la surpêche

Pour sauver le secteur, le gouvernement a instauré un système complexe de quotas à partir des années 1980. Chaque navire de pêche en a reçu un pour le cabillaud – mais aussi le haddock, le hareng, le maquereau… –, établi en fonction des prises des années précédentes. Depuis, ces volumes évoluent tous les ans en fonction des préconisations d’un organisme de recherche indépendant, afin de préserver les ressources halieutiques. « Le système islandais a deux spécificités : il respecte de très près les avis scientifiques, et les quotas sont individuels et transférables », explique Didier Gascuel, spécialiste de la pêche à l’Institut Agro de Rennes. Ce qui signifie qu’ils peuvent être revendus sur une Bourse spécifique, sous certaines conditions.

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La CGT relance sa campagne en faveur de la semaine des trente-deux heures

Philippe Martinez prend son bâton de pèlerin pour porter une revendication qui lui est chère : ramener de trente-cinq à trente-deux heures la durée hebdomadaire du travail. Lors d’une conférence de presse, le secrétaire général de la CGT a annoncé, jeudi 14 octobre, que son syndicat va engager une opération de communication en faveur de ce changement de la législation. « Notre ambition est d’avoir une vraie mesure pour régler en très grande partie la question de ceux qui n’ont pas de boulot », a-t-il déclaré. D’après lui, si cette proposition était mise en œuvre, elle permettrait de créer « en gros, (…) plus de deux millions d’emplois », dans le public et dans le privé.

A travers cette démarche, la confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis) relance, en réalité, une action de sensibilisation engagée en 2016, peu de temps après que M. Martinez « a pris la tête de l’organisation », comme l’a rappelé Baptiste Talbot, le « pilote de la campagne ». La direction de la CGT considère que la semaine de trente-deux heures est une piste « qui gagne du terrain », comme l’illustre l’actualité au-delà de nos frontières. En Allemagne, le syndicat IG Metall suggère de l’appliquer pour éviter les licenciements. De son côté, le gouvernement espagnol a décidé d’expérimenter cette solution dans 200 entreprises, en maintenant la rémunération des personnels. « On n’est pas la CGT, toute seule, avec ses idées farfelues », a ironisé M. Martinez.

Pour le leader cégétiste, « il faut une loi » qui inscrive les trente-deux heures comme « référence ». « Ça ne veut pas dire que ça s’applique partout de la même façon », a-t-il précisé, en insistant sur le fait que le sujet doit être discuté au sein des entreprises avec les salariés, car ils sont bien placés pour définir les rythmes horaires les plus adaptés. Dans son esprit, l’abaissement de la durée légale du travail implique de payer les personnels au même niveau et d’obliger les employeurs à embaucher, faute de quoi le dispositif engendrera de la « désorganisation ». Une allusion aux hôpitaux, où le passage aux trente-cinq heures, il y a une vingtaine d’années, a déstabilisé les équipes, avec des situations de sous-effectifs.

Le gouvernement désapprouve

Au passage, M. Martinez a critiqué « le président de la République, les ministres, le Medef », qui martèlent le discours selon lequel « les Français seraient des feignants parce qu’ils ne travaillent pas assez ». Les statistiques officielles montrent qu’il n’en est rien, a-t-il enchaîné, puisque les salariés « à temps plein » accomplissent bien plus que trente-cinq heures par semaine. En outre, « la France est un des pays au monde où le niveau de productivité est le plus haut », ce qui n’est pas sans causer des problèmes : multiplication des « burn out » et des « maladies professionnelles », « pénibilité » accrue de certaines tâches…

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Réforme de l’assurance-chômage : la bataille reprend au Conseil d’Etat

Cette fois-ci, Charles Touboul n’a pas été poussé dans ses derniers retranchements. Jeudi 14 octobre, le directeur des affaires juridiques des ministères sociaux s’est de nouveau rendu au Conseil d’État pour défendre la position du gouvernement au sujet de la réforme de l’assurance-chômage. Avec deux autres hauts fonctionnaires, il a apporté la contradiction aux avocats de huit syndicats et de quatre organisations de guides-conférenciers qui avaient saisi en référé la haute juridiction afin d’obtenir la suspension d’un décret du 29 septembre, relatif à l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Un exercice auquel il s’était déjà livré, quatre mois auparavant, dans la même enceinte. Mais les débats de jeudi furent nettement plus paisibles pour lui que lors de la précédente confrontation.

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Cette nouvelle audience au Palais-Royal constitue l’énième rebondissement d’une bataille engagée il y a deux ans et demi. Pour réaliser des économies et contenir l’inflation des contrats de travail de courte durée, l’exécutif cherche, depuis le printemps 2019, à transformer l’assurance-chômage. Il veut notamment réécrire la formule de calcul de l’allocation versée aux demandeurs d’emploi, car celle qui était en vigueur auparavant favorisait, selon lui, la multiplication des CDD de quelques jours. La mesure qu’il préconise entraîne une baisse des montants mensuels attribués aux personnes alternant petits boulots et inactivité. Le dispositif est couplé à un système de bonus-malus, ayant pour effet de majorer les cotisations des entreprises qui se séparent fréquemment de leurs collaborateurs.

Tous ces mécanismes figuraient dans un décret du 30 mars, que les centrales de salariés attaquèrent, en référé, devant le Conseil d’État. Durant l’audience, organisée le 10 juin, M. Touboul fut un peu bousculé par la magistrate qui présidait la séance, Anne Egerszegi, celle-ci se disant « un peu dubitative » face à certaines des explications fournies par le haut fonctionnaire. Douze jours plus tard, la sentence tomba : sans remettre en cause le principe de la réforme, la juge des référés ordonna la suspension des règles de calcul de l’allocation-chômage, car d’après elle, les incertitudes économiques empêchaient l’entrée en vigueur, prévue le 1er juillet, de dispositions qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi.

Nullement découragé, l’exécutif annonça, dès le début de l’été, qu’il reviendrait rapidement à la charge afin que la mesure incriminée puisse jouer à partir du 1er octobre. D’où le décret en date du 29 septembre, que les syndicats ont également contesté, ce qui a donné lieu à cette nouvelle audience au Palais-Royal, jeudi.

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Covid-19 : l’Italie instaure le passe sanitaire obligatoire pour tous les travailleurs

Manifestation contre l’instauration d’un passe sanitaire élargi à Rome, le 9 octobre.

L’Italie poursuit sa politique vers l’obligation vaccinale. Le pays instaure, vendredi 15 octobre, le passe sanitaire obligatoire pour tous les travailleurs. Une mesure provoquant manifestations, blocages et perturbations potentielles de l’économie.

Toute personne n’ayant pas été vaccinée ou n’ayant pas récemment guéri du Covid-19 doit montrer à son employeur la preuve d’un test négatif qu’elle a elle-même payé, sous peine d’être déclarée absente et privée de salaire. Plus de 85 % des Italiens âgés de plus de 12 ans ont reçu au moins une dose, mais jusqu’à trois millions d’autres, non vaccinés, risquent de se voir refuser l’accès à leur lieu de travail.

Des milliers de personnes se sont rassemblées à Rome, samedi, lors de manifestations qui ont dégénéré en affrontements violents dans le centre historique. D’autres mobilisations sont prévues dans toute l’Italie vendredi et samedi.

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Difficultés à prévoir chez les routiers

Les dockers de Trieste, un port important du nord-est, ont menacé de bloquer l’activité, tandis que des perturbations sont possibles dans le transport routier. Ivano Russo, directeur général de Confetra, la Confédération générale italienne des transports et de la logistique, une association patronale, a rapporté à l’Agence France-Presse que sur un total de 900 000 chauffeurs routiers, courriers et employés d’entrepôts, « entre 25 % et 30 % » ne possèdent pas de passe sanitaire.

Des travailleurs font la queue, attendant le contrôle de leur passe sanitaire, le 15 octobre 2021, à l’entrée du chantier naval Fincantieri, dans le port de Gênes, en Italie.

Le gouvernement a offert des tests gratuits aux dockers de Trieste, tandis que certains opérateurs de terminaux dans le port de Gênes proposent de payer eux-mêmes. « Le vrai problème du “green pass” pour le port de Gênes, et en général pour tous les ports, sera le transport routier », a déclaré Roberto Gulli, de l’Union italienne du travail (UIL), au journal La Repubblica. « Il pourrait y avoir du chaos vendredi ».

Entre-temps, le gouvernement est déterminé à éviter une répétition des violences du week-end dernier, imputées à un petit groupe d’extrême droite, Forza Nuova, qui, selon les experts, a infiltré les manifestations.

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Le gouvernement de Mario Draghi a défendu le passe sanitaire comme un moyen d’éviter de nouveaux confinements en Italie, l’un des pays européens les plus durement touchés par la pandémie, qui a fait plus de 130 000 morts et entraîné une baisse de son PIB de 8,9 % en 2020.

Le programme de vaccination a permis de maintenir les taux d’infection à un bas niveau et l’Italie devrait connaître une croissance de 5,8 % cette année, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI).

Le Monde avec AFP

Le nouveau calcul de l’allocation-chômage repasse devant le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat va se prononcer dans les prochains jours sur le dossier du calcul de l’allocation-chômage avant une audience sur le fond dans quelques semaines.

Mêmes acteurs, même lieu, même combat. Syndicats et gouvernement se confrontent à nouveau, jeudi 14 octobre, devant le Conseil d’Etat sur l’épineux dossier du calcul de l’allocation-chômage.

Toutes les grandes confédérations ont saisi, en référé, la plus haute juridiction administrative avec l’objectif d’obtenir, comme en juin, une suspension de ces règles, entrées en vigueur au 1er octobre après un nouveau décret. Après avoir entendu leurs arguments et examiné le dossier, le Conseil d’Etat devrait se prononcer dans les prochains jours sur la suspension des nouvelles règles, et une nouvelle audience pour évoquer le fond de la réforme se tiendra d’ici à quelques semaines.

Les syndicats avaient obtenu en urgence, en juin, la suspension des nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l’allocation-chômage et mesure-phare de la réforme qui devait entrer en vigueur au 1er juillet. Sans remettre en cause le principe de la réforme, le Conseil d’Etat avait avancé des « incertitudes sur la situation économique » pour suspendre l’application de ces nouvelles règles qui pénaliseront l’indemnisation des demandeurs d’emploi alternant périodes de travail et d’inactivité.

Selon l’exécutif, il s’agit à travers ces nouvelles règles d’inciter les demandeurs d’emploi à accepter des contrats plus longs, d’autant plus que les employeurs seront également incités à en proposer par la mise en place d’un « bonus-malus » sur les cotisations chômage dans certains secteurs grands consommateurs de contrats courts.

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« Un passage en force »

Sans attendre l’avis du Conseil d’Etat sur le fond des nouvelles règles, le gouvernement a publié un nouveau décret, identique au précédent avec simplement une date d’entrée décalée au 1er octobre, en le justifiant par « le vif rebond de l’emploi depuis mai », avec un nombre de chômeurs qui se rapproche de son niveau d’avant-crise.

Dans les faits, le premier versement des allocations post-réforme n’aura pas lieu avant le début de novembre, ce qui laisse au Conseil d’Etat le temps de se prononcer.

L’avocat de la CGT, Me Antoine Lyon-Caen, compte dénoncer « un passage en force du gouvernement, qui n’avait pas le droit de publier un nouveau décret tant que la décision du Conseil d’Etat de juin était en vigueur ». « Il aurait dû demander au préalable au Conseil d’Etat de revoir son ordonnance de juin en lui démontrant que la situation avait totalement changé », argumente-t-il à l’Agence France-Presse (AFP).

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Sur le fond, le principal atout des syndicats reste le décalage entre l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul le 1er octobre et celle du bonus-malus, qui ne sera appliqué sur les cotisations qu’en septembre 2022. Le gouvernement rétorque que « la période d’observation » des entreprises pour calculer cette modulation a démarré le 1er juillet 2021.

Mais, en juin, le Conseil d’Etat avait relevé que la modulation – un terme d’application de la réforme qui devra être renégociée selon la loi les mois précédents « ne deviendra[it] effective qu’au 1er septembre 2022, et seulement jusqu’au 31 octobre 2022, ce qui atténue largement le caractère supposément incitatif de la période d’observation ».

Le reste de la réforme non remis en cause

Le négociateur FO, Michel Beaugas, ne souhaite pas « que le débat sur la conjoncture occulte le débat de fond sur l’iniquité de cette réforme ».

Selon une évaluation de l’Unédic en avril, jusqu’à 1,15 million des personnes ouvrant des droits dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible (de 17 % en moyenne), avec, dans le même temps une « durée théorique d’indemnisation » allongée (14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme). Le ministère du travail conteste ce chiffrage en soulignant qu’il ne tient pas compte de l’amélioration de la conjoncture, ni « des effets de comportement » espérés de la réforme.

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Si M. Beaugas ne voit « pas de raison d’être pessimiste » sur le SJR, le reste de la réforme, à savoir le durcissement des règles sur la dégressivité des allocations et sur la durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit, n’a jusqu’ici pas été remis en cause par le Conseil d’Etat.

Si les conditions d’amélioration de l’emploi sont remplies au 1er décembre comme c’est probable, la durée d’affiliation passera alors de quatre à six mois. Et la dégressivité de 30 % pour les allocataires de moins de 57 ans ayant perdu une rémunération supérieure à 4 500 euros brut mensuelle s’appliquera au septième mois d’indemnisation et non plus au neuvième.

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Le Monde avec AFP

« Les rémunérations variables favorisent le passage de l’exploitation à l’auto-exploitation »

Tribune. Une révolution silencieuse des modes de rémunération s’opère dans le monde du travail. Elle est significative de l’avènement d’un « nouvel esprit du salariat », valorisant l’autonomie du salarié. Mais ne nous y trompons pas : cette autonomie n’est pas accordée, mais exigée des salariés, et elle mise au service de la performance de l’entreprise. Il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de mobilisation de la main-d’œuvre, valorisant dans son discours l’avènement d’un travailleur autonome et responsable. En cela, il constitue le foyer central de diffusion de valeurs individualistes et méritocratiques qui irriguent l’ensemble de la société.

Alors que la rémunération des dirigeants du CAC 40 est repartie à la hausse en 2021, l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) souligne que la crise sanitaire devrait en revanche s’accompagner d’une baisse de la rémunération des cadres du privé, en particulier celle des cadres commerciaux et des grandes entreprises. La chute de la part variable de leur rémunération, liée à leurs résultats ou aux performances de l’entreprise, explique notamment cette tendance. Elle témoigne d’une remontée de l’incertitude au cœur même du salariat stable, et qui n’affecte pas seulement les cadres. Car depuis les années 2000, les modes de rémunération se complexifient et se diversifient bien au-delà du salaire fixe mensuel traditionnel. Plus de 80 % des salariés reçoivent aujourd’hui des primes et des compléments de salaire liés aux résultats de l’entreprise, ou à leurs « performances » individuelles ou collectives.

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Les managers, dans des secteurs d’activités très divers, usent des rémunérations variables comme d’un outil de mobilisation des salariés. En les enjoignant à « faire leur salaire », il s’agit de les responsabiliser pour obtenir leur implication en leur donnant le sentiment qu’ils ne s’inscrivent pas dans un lien de subordination vis-à-vis de l’employeur, mais qu’ils travaillent pour leur propre compte, comme des travailleurs indépendants. Les primes variables seraient justifiées au motif qu’elles permettraient d’établir entre les salariés des inégalités qu’ils peuvent considérer comme « justes », puisqu’elles sont liées à leur « mérite » individuel.

Idéologie méritocratique

Trois formes de rémunération variable – le partage des bénéfices, les primes sur objectifs, les commissions sur les ventes – permettent d’identifier trois figures salariales émergentes : le salarié « associé », le salarié « méritant », le salarié « quasi-indépendant ». L’avantage d’une telle démarche est de donner à voir une diversité de mondes professionnels tout en dégageant la dynamique transversale qui les rattache à une même tendance. En dépit de leurs spécificités, ces modes de rémunération valorisent en effet une « autonomie » faisant porter aux salariés la responsabilité de leur rémunération tout en les convainquant que leur salaire est à la hauteur de leur travail et de leurs efforts.

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Sur le bulletin de salaire des profs : « Je travaille depuis vingt et un ans, je gagne 2 300 euros net par mois »

Une enseignante et des élèves, dans une école élémentaire de Cherbourg-en-Cotentin (Manche), le 23 septembre 2021.

Combien gagne un enseignant français ? La question anime régulièrement les débats, y compris ceux de la précampagne présidentielle, notamment depuis que la candidate socialiste Anne Hidalgo a annoncé son ambition de doubler leur salaire sur cinq ans. Moins de 2 500 euros net par mois en moyenne, ou 2 610 euros net si on ne considère que ceux qui sont à temps complet : les chiffres moyens sont connus, mais ils masquent des réalités très contrastées, selon le statut des professeurs, leur âge et l’établissement où ils enseignent.

Ils ne tiennent pas non plus compte des frais professionnels, qui ne sont que rarement pris en charge par leur employeur et qui pèsent sur leur revenu. Un millier d’enseignants ont répondu à un appel à témoignages lancé par Le Monde sur le sujet, acceptant de détailler leur rémunération. Voici quelques exemples à travers les témoignages d’une dizaine d’entre eux.

Elise, 28 ans, professeure des écoles en Gironde, première année en tant que titulaire

  • Dernier salaire net : 1 669 euros (40 euros de mutuelle)
  • Dont : 2,29 euros brut de supplément familial pour son fils unique
  • Dans l’année : 1 282,5 euros de prime d’entrée dans le métier, versés en deux fois aux nouveaux titulaires

« Je n’ai pas encore mon salaire du mois de septembre, car j’ai été mutée dans une autre circonscription et il semblerait qu’il y ait eu un souci informatique. Normalement, il sera plus élevé, de plus de 100 euros, avec la “prime Grenelle”, que je ne touchais pas avant d’être titulaire.

J’ai été affectée à 63 km de mon domicile, je fais donc 630 km par semaine (en voiture car mon école n’est pas desservie par les transports). Cela représente environ 250 euros d’essence par mois, non remboursés. J’essaie de déménager, mais le marché est très compliqué, je ne gagne pas suffisamment pour louer plus près de mon école.

Pour comprendre : Combien sont vraiment payés les enseignants français ?

Je dois travailler avec mon ordinateur personnel, ma propre connexion Internet 4G (ma classe n’étant pas équipée de Wi-Fi), mes fournitures de bureau. Je ne peux pas directement imprimer sur la photocopieuse de l’école, je dois donc tout imprimer chez moi, à mes frais, pour ensuite photocopier à l’école. Depuis la rentrée, j’ai utilisé trois packs de cartouches à 40 euros, uniquement pour ma classe. J’ai dû m’équiper en manuels pédagogiques, à mes frais, ce qui a représenté 120 euros supplémentaires, mais me fait gagner un temps considérable de préparation dans des matières dans lesquelles je ne suis pas parfaitement à l’aise, car pas formée (sciences, géographie et histoire de l’art).

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