« Les effets pervers du défaut d’accès des jeunes à un revenu de base sont plus importants que ceux d’un prétendu assistanat »
Tribune. Non seulement les jeunes sont les plus touchés par la pauvreté, mais ils sont aussi ceux qui ont le plus souffert de la crise du Covid-19. Selon les derniers chiffres disponibles de l’Insee, en 2019, 12,5 % des 18-29 ans ont eu un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (soit 50 % du revenu médian), alors que ce taux est de 8,3 % pour l’ensemble de la population, et d’à peine plus de 3 % pour les plus de 65 ans. On ne connaît pas encore le taux de pauvreté en 2020, mais l’Insee indique que les jeunes sont ceux pour qui la hausse du chômage a été la plus forte en 2020.
A cette forte incidence de la pauvreté chez les jeunes, notre système social ajoute une difficulté supplémentaire : le principe de dépendance des jeunes adultes envers la solidarité familiale. Les 18-25 ans n’ont pas droit au RSA. Cette logique impose aux jeunes d’origine modeste, qu’ils soient en études, en formation, en recherche d’emploi ou en emploi précaire, une situation de détresse financière que la crise sanitaire n’a fait qu’aggraver.
Erreur de logique
Pourquoi exclure les jeunes adultes de la solidarité nationale ? La raison est idéologique : nos dirigeants politiques, et une grande partie de l’opinion publique, redoutent des effets supposément pervers liés au versement d’une prestation à des jeunes. Cet « assistanat » les pousserait à la fainéantise ; ceux qui cherchent un emploi pourraient se contenter de jouer à la PS4 ; ceux qui étudient ne verraient plus l’intérêt d’aller en cours ; ceux qui travaillent pourraient préférer diminuer leur nombre d’heures de travail et toucher un complément de l’Etat. Si de tels effets pervers peuvent exister pour certains jeunes – en général en difficulté psychologique et qu’il serait d’ailleurs bon de prendre en charge –, ils sont si limités qu’ils n’ont jamais pu être confirmés par les travaux statistiques.
L’idée d’« assistanat » est une idéologie intuitive et profondément ancrée. Elle provient de l’observation empirique que telle ou telle personne touche le RSA et ne cherche pas efficacement du travail, alors que les travaux des chercheurs démentent cette simple observation. L’apparente contradiction vient de ce qu’on appelle un « biais d’attribution » selon lequel on interprète intuitivement la situation comme « untel ne cherche pas efficacement du travail parce qu’il touche le RSA », alors que les raisons de son inactivité sont autres : manque d’accès à l’information, manque de confiance en soi, découragement, honte, problèmes de santé mentale, etc.
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