Archive dans 2021

Un nouveau conflit chez Volkswagen affaiblit le patron, Herbert Diess

Le PDG de Volkswagen, Herbert Diess, à Zwickau, en Allemagne, le 23 juin 2021.

Un nouveau conflit violent a éclaté chez Volkswagen (VW), entre le patron du groupe, Herbert Diess, et les représentants des salariés, et nul ne sait comment il s’achèvera. En Bourse, la querelle a déjà fait dévisser de 4 % le cours dans la journée de mercredi 3 novembre. Face à leur dirigeant, les salariés ont apparemment dégainé l’arme la plus puissante dont ils disposent chez VW, le vote de défiance, assure le quotidien Handelsblatt. La phase qui s’ouvre, si aucun compromis n’est trouvé, pourrait aboutir à l’éviction d’Herbert Diess, qui dirige VW depuis avril 2018 et mène, depuis, une des plus grandes transformations jamais effectuées par le deuxième constructeur automobile mondial.

A Wolfsburg, au siège du groupe, la tension montait depuis plusieurs semaines. Le premier choc est survenu le 24 septembre, lorsque Herbert Diess a laissé entendre, lors d’une session du conseil de surveillance, que 30 000 emplois étaient menacés chez VW. Face à l’émotion suscitée par ce commentaire, il avait finalement précisé qu’il ne s’agissait que d’un « scénario extrême », dans le cas où l’entreprise ne parvenait pas à améliorer considérablement son efficacité et poursuivre sa transformation vers l’électrique et le numérique.

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Un second conflit a éclaté quelques jours plus tard, quand Herbert Diess a décliné sa participation à une assemblée du personnel prévue pour jeudi 4 novembre, pour pouvoir se rendre à une conférence d’investisseurs aux Etats-Unis. Daniela Cavallo, la nouvelle présidente du comité des salariés, le « Betriebsrat », traditionnellement très puissant chez VW, avait pris l’annonce comme un affront personnel et sévèrement critiqué cette décision, reprochant au patron de ne pas s’intéresser aux préoccupations des travailleurs, dans une situation où la pénurie de composants électroniques affecte la production. Finalement, M. Diess a changé d’avis. Il participera, jeudi, à cette réunion à haut risque.

Moderniser le groupe et baisser les coûts

Ce n’est pas la première fois qu’Herbert Diess est à deux doigts de la mise à pied. A l’été 2020, il n’avait sauvé son poste que d’extrême justesse, après des excuses officielles pour des propos accusatoires envers certains membres du conseil de surveillance. Quelques mois plus tard, une nouvelle querelle s’était installée sur la question de la prolongation de son contrat, qu’il exigeait avec deux ans d’avance. Cela avait été très mal perçu, renforçant son image de patron solitaire, peu enclin à se plier aux usages du groupe. Dans l’univers VW, les décisions importantes sont le fruit d’un compromis entre deux camps aux intérêts opposés : le comité des salariés et le land de Basse-Saxe, qui détient 11,8 % du capital du groupe et 20 % des droits de vote, alliés pour garder les emplois sur place, et la famille Porsche-Piëch, actionnaire à 31,3 % (53,3 % des droits de vote), plus soucieuse de la rentabilité et des résultats.

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« L’impasse. Comment Macron nous mène dans le mur » : réquisitoire contre « une aristocratie d’Etat endogamique »

Le livre. Voilà bientôt un demi-siècle que Guillaume Duval est engagé au sein de ce que l’on appelle la gauche de gouvernement. Après François Mitterrand en 1974 et 1981, l’ancien rédacteur en chef d’Alternatives économiques a soutenu activement Lionel Jospin en 1997 et appuyé François Hollande en 2012. « La politique que mène Emmanuel Macron depuis 2017, avec l’aide de beaucoup d’ex-socialistes, se situe aux antipodes de tout ce pour quoi je me suis battu depuis cinquante ans », affirme l’auteur de L’impasse. L’ouvrage décrypte les raisons de cet échec.

D’après l’ancien membre du Conseil économique, social et environnemental, une aristocratie d’Etat endogamique domine tout le spectre des partis de gouvernement. Elle s’est emparée en particulier du Parti socialiste, « devenu progressivement un parti de cadres animé quasi exclusivement par des hauts fonctionnaires issus de l’Ecole nationale d’administration. La présidence de François Hollande, avec la fameuse promotion Voltaire et dans son entourage direct un certain Emmanuel Macron, a été l’aboutissement, le sommet de cette évolution ».

La gauche sociale-libérale et la droite de gouvernement, dominées toutes deux par cette aristocratie d’Etat, mènent des politiques de plus en plus convergentes en matière économique et sociale, et partagent le même mépris pour les classes populaires. « Toutes deux considèrent que c’est la paresse supposée, le coût du travail trop élevé, les droits sociaux trop importants et la protection sociale trop étendue des salariés ordinaires qui sont à l’origine de nos difficultés économiques persistantes. » Emmanuel Macron incarne cette convergence, devenue une seule force politique, juge l’auteur.

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Face à l’autoritarisme d’Emmanuel Macron, Guillaume Duval appelle les syndicalistes français à se rapprocher tout en se renforçant : « Il faut un chèque syndical que chaque employeur doit verser à chaque salarié ; il faut renforcer les règles concernant les accords collectifs en portant le seuil de représentativité pour les valider au-delà de 50 %. »

Congés sabbatiques rémunérés

L’auteur milite aussi pour l’introduction de la codétermination à l’allemande pour introduire la démocratie dans l’entreprise. Ensuite, au lieu de vouloir faire travailler plus longtemps celles et ceux qui ont déjà un emploi dans un pays qui compte 6,4 millions d’inscrits à Pôle emploi, il invite à relancer la dynamique de réduction du temps de travail.

Proposer six mois de congés sabbatiques rémunérés tous les cinq ans, ou un an tous les dix ans, représenterait une réduction de 10 % du temps de travail tout en répondant à une demande sociale de temps de respiration supplémentaires, au cours d’une vie professionnelle devenue plus longue. Enfin, l’auteur souhaite le rétablissement d’un impôt sur la fortune et l’accroissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu tout en relevant les minima sociaux.

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Passe sanitaire : l’Assemblée rétablit la possibilité d’y recourir jusqu’au 31 juillet 2022

L’Assemblée nationale a voté, dans la nuit de mercredi 3 à jeudi 4 novembre, le projet de loi de vigilance sanitaire, rétablissant notamment la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, une date que le Sénat avait ramenée au 28 février.

Le texte a été approuvé par 147 voix contre 125 et deux abstentions, au terme d’une nouvelle lecture, qui rétablit le texte, profondément modifié lors de la semaine dernière par la chambre haute, dans le sens souhaité par le gouvernement.

Après cette séance au Palais-Bourbon, les sénateurs doivent à nouveau plancher sur le texte plus tard dans la journée de jeudi. L’Assemblée nationale doit avoir le dernier mot vendredi lors d’une lecture définitive.

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Séance marathon

Quelque 500 amendements, provenant en large partie des bancs des Républicains (LR), mais aussi de la gauche, hostiles au projet de loi du gouvernement, ont été examinés lors d’une séance marathon, souvent houleuse, entamée mercredi en début d’après-midi, qui s’est terminée vers 3 heures du matin jeudi.

Le principal contentieux portait sur la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet prochain, date que le Sénat, dominé par la droite, avait ramenée au 28 février. Les sénateurs, comme les oppositions de droite et de gauche au Palais-Bourbon, dénoncent un « blanc-seing » donné au gouvernement sur une période qui « enjambe » les élections présidentielle et législatives. Le pouvoir a « peur d’avoir un débat sur ce sujet quelques semaines avant l’élection présidentielle », a lancé le député LR Julien Dive. La socialiste Lamia El Aaraje a accusé la majorité de « jouer avec la démocratie ».

Le ministre de la santé, Olivier Véran, a assuré que cette date permettait d’avoir de la « lisibilité et de la visibilité » quant à la progression du Covid-19, « qui continue de circuler », et les moyens de lutter contre. Le gouvernement a aussi rappelé qu’un débat parlementaire sur le sujet était prévu le 15 février, sans parvenir à convaincre les oppositions, qui réclament un examen en bonne et due forme de la politique gouvernementale, avec vote.

D’autres dispositions rejetées

Plusieurs parlementaires ont tenté en vain d’obtenir une abrogation sans délai du passe sanitaire, comme l’élu La France insoumise Michel Larive, qui a qualifié celui-ci d’« aberration démocratique et sanitaire ». Le rapporteur Jean-Pierre Pont (La République en marche) a, au contraire, salué un dispositif « souple et adaptable, qui a fait ses preuves ».

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Les députés sont également revenus sur la décision des sénateurs de supprimer une disposition controversée permettant aux directeurs d’établissement scolaire de connaître le statut vaccinal des élèves. Ils ont aussi rejeté des dispositions introduites par les sénateurs visant à « territorialiser » le recours au passe sanitaire en fonction du taux de vaccination et de la circulation du virus selon les départements.

Les Républicains et la gauche ont d’ores et déjà prévu des recours auprès du Conseil constitutionnel.

Le Monde avec AFP

Pourquoi le plein-emploi sur les plateaux de cinéma complique les tournages de films

Au printemps, quand le réalisateur Antoine Garceau est appelé par France 2 pour tourner une adaptation des Particules élémentaires de Michel Houellebecq, deux techniciens attrapent le Covid-19, un machiniste et un assistant caméra. Surprise : là où, il y a quelques années, pour ce tournage en Bretagne, deux coups de fil auraient suffi pour les remplacer, voilà qu’il faudra à la production des dizaines d’appels pour trouver à recruter.

« C’est dingo ce qui se passe, s’étonne le réalisateur depuis Athènes, où il tourne aux côtés de Cédric Klapisch et Lola Doillon, le quatrième volet – sous forme de série – de L’Auberge espagnole. Mais cette anecdote, tout le monde peut vous la raconter. » C’est Claire Denis qui tourne The Stars at Noon au Panama et peine à trouver une directrice de postproduction ; ce sont Olivier Nakache et Eric Toledano qui, en pleine deuxième saison d’En Thérapie, au printemps, ont du mal à trouver des techniciens mais également du matériel, des caméras : « On s’est retrouvé même en pénurie de batteries, qui sont fabriquées en Chine. »

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Il n’y aurait plus de rails de travelling sur Paris, dit la rumeur. Nous restera-t-il assez de câble ? s’interroge un régisseur… Panique à Hollywood-sur-Seine. C’est le grand paradoxe qui agite la profession : alors que le public n’est toujours pas revenu en masse dans les salles obscures, le milieu n’a jamais connu une telle euphorie. « C’est paradoxalement le plein-emploi », expliquait, au milieu d’un confinement qu’on croyait assassin pour le septième art, un Eric Toledano éberlué.

Marmite en ébullition

L’équation est pourtant simple : multiplication des tuyaux (les plates-formes – Netflix, OCS, Amazon, Apple TV, Mubi…) signifie multiplication des demandes de contenus, égale multiplication des tournages. Ajoutez à cela le triomphe des séries sur le petit écran – lesquelles engagent beaucoup plus de gens sur des périodes beaucoup plus longues, quelque 100 jours d’affilée pour 8 à 10 épisodes de cinquante-deux minutes –, et vous avez votre marmite en ébullition.

« Terminé le temps où les intermittents du cinéma avaient du mal à boucler leur nombre d’heures », dit Sandrine Paquot, directrice de production

« Terminé le temps où les intermittents du cinéma avaient du mal à boucler leur nombre d’heures », remarque Sandrine Paquot, qui vient de terminer le tournage du Astérix de Guillaume Canet, en tant que directrice de production. Epaulé par le régisseur pour la logistique, l’administrateur de production pour la comptabilité, et l’assistant à la mise en scène pour l’artistique, le directeur de production est en première ligne dans cette crise.

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Contrat d’engagement jeune : déception des associations et des syndicats

Copie à améliorer. Voilà, à grands traits, l’appréciation qui est portée sur le « contrat d’engagement jeune » par les associations et par les syndicats. Ces organisations attendaient beaucoup du dispositif dévoilé, mardi 2 novembre, par Emmanuel Macron et par le premier ministre, Jean Castex, pour favoriser l’insertion des moins de 26 ans en situation de précarité. Après les annonces du pouvoir exécutif, elles expriment souvent de la déception, tout en reconnaissant qu’il y a des avancées.

Le contrat d’engagement s’adresse aux jeunes qui, de façon durable, ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation – les NEET en anglais. A ces publics qui ne parviennent pas à trouver, seuls, un poste, il va être proposé de suivre un « parcours » de six à douze mois (parfois dix-huit, dans certains cas dérogatoires). Les bénéficiaires feront l’objet d’un « accompagnement intensif » de quinze à vingt heures par semaine, avec une « mise en activité systématique » sous diverses formes : stage ou immersion en entreprise, préparation à l’entrée dans un centre pour apprentis, service civique, etc. Ceux qui sont sans revenus ou qui en ont peu seront éligibles à une allocation pouvant aller jusqu’à 500 euros par mois. Les signataires du contrat qui ne tiennent pas leurs engagements cesseront d’être aidés, selon la logique de « devoirs et de droits » énoncée par M. Macron.

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La mesure présentée mardi a vocation à faire converger, voire à absorber les mécanismes déjà en place, parmi lesquels la garantie jeunes, qui est mise en œuvre par les missions locales. Quelque 550 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour l’exercice 2022, l’objectif étant d’épauler 400 000 individus en 2022.

« Une forme de renoncement »

« Le président de la République et le gouvernement ont tracé un cadre commun à tous les outils existants dans un souci de simplification, ce qui est une bonne chose, en termes de lisibilité », commente Antoine Dulin, du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse. Autre point qu’il juge « positif » : le fait de « chercher 50 000 jeunes en situation de grande exclusion, en s’appuyant sur les associations ». Cette volonté d’« aller vers » ceux qui sont en rupture est « intéressante », renchérit Christophe Devys, du collectif Alerte, qui réunit des associations de lutte contre la pauvreté : « Nous sommes prêts à y participer », ajoute-t-il, même si la tâche s’annonce ardue, car elle implique une coordination avec d’autres opérateurs (missions locales, Pôle emploi…). Une telle démarche au profit de ceux qui « sont hors des écrans radars » est également saluée par Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité : « Il faut qu’elle soit opérationnelle rapidement, nous allons nous en emparer. »

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Contrat d’engagement jeune : le chantier inachevé

Le laborieux accouchement du contrat d’engagement jeune, annoncé mardi 2 novembre par Emmanuel Macron puis détaillé par son premier ministre, explique en grande partie le faible enthousiasme que son annonce a suscité. Durant trois mois, Bercy a bataillé pour réduire le champ du dispositif qui vise à attribuer une allocation pouvant aller jusqu’à 500 euros par mois aux moins de 26 ans cherchant à s’insérer sur le marché du travail. Le public potentiel était évalué à 1 million de bénéficiaires, mais Bruno Le Maire a mené croisade pour le réduire en invoquant le coût du dispositif (plusieurs milliards d’euros) et le risque de voir prospérer en France un RSA jeunes sans réelle contrepartie en matière d’emploi.

Le ministre de l’économie a finalement été entendu au-delà de ses espérances. La jauge est tombée entre 400 000 et 500 000 jeunes, le coût a été ramené à 550 millions d’euros. La sémantique elle-même a évolué : alors que, le 12 juillet, le président de la République avait évoqué la création d’un « revenu d’engagement », le nouveau dispositif a été rebaptisé « contrat d’engagement », afin de bien mettre en valeur l’équilibre entre droit et devoir, la perception d’une allocation d’un côté, la réalisation d’une démarche d’insertion de l’autre. Pas question d’accréditer l’idée que le gouvernement encouragerait l’assistanat, au moment où nombre d’entreprises, en pleine surchauffe, se plaignent de ne pas trouver la main-d’œuvre dont elles ont besoin.

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Mal né, le nouveau contrat n’en est pas moins intéressant, précisément parce qu’il concentre les moyens financiers et humains sur les publics les plus en difficulté, ceux qui ont décroché depuis des mois, si ce n’est des années. Il développe l’idée du « sur-mesure », en insistant sur la mobilisation de tous les acteurs : entreprises, monde associatif, missions locales mais aussi Pôle emploi, appelé, pour la première fois, à recruter des conseillers spécialement formés à l’accompagnement de ces jeunes décrocheurs. De quinze à vingt heures de formation ou d’accompagnement leur seront fournies chaque semaine pendant un an, avec l’espoir de leur remettre le pied à l’étrier.

La garantie jeunes améliorée

L’Etat ne part pas de rien. Il se fait fort d’améliorer la garantie jeunes, lancée sous le quinquennat de François Hollande, qui permet à la moitié des bénéficiaires de trouver un emploi six mois après leur sortie du dispositif. Ce faisant, il ne fait que corriger a posteriori l’une des grandes faiblesses du système scolaire français, qui laisse échapper chaque année, sans diplôme ni qualification, quelque 95 000 jeunes voués aux plus grandes difficultés d’insertion. Leur nombre a beau diminuer, il reste scandaleusement élevé.

La déception qui a prévalu à l’annonce du contrat d’engagement jeune montre que le gouvernement est loin d’avoir épuisé le sujet de la jeunesse. Certes, l’apprentissage a connu un bel essor durant le quinquennat, et la prolongation du plan « 1 jeune, 1 solution », lancé en juillet 2020, contribue à améliorer leurs possibilités d’insertion. Mais la précarité dont ils continuent d’être victimes accroît le risque de rupture générationnelle dans un pays vieillissant.

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Emmanuel Macron l’avait senti à la sortie du confinement. Il avait alors appelé à bâtir « un nouveau pacte entre les générations », en insistant également sur la nécessité d’une meilleure prise en charge des aînés. Ces deux chantiers restent malheureusement en jachère, notamment parce que la question du financement n’a toujours pas été clairement posée, ni clairement débattue. Espérons que la campagne présidentielle donnera l’occasion de le faire.

Le Monde

La marque Petit Bateau sanctuarise son usine historique de Troyes

Dans l’atelier de teinture de l’usine Petit Bateau, à Troyes (Aube), le 27 octobre 2021.

L’imprimé est fleuri. Il servira à la confection de petites culottes. Depuis septembre, une nouvelle imprimante numérique tourne dans l’usine Petit Bateau située à Troyes (Aube). A l’allure de 120 à 130 mètres à l’heure, cette machine à jet d’encre dépose un motif sur un tricot de coton écru prétraité, avant la polymérisation. Sur un an, « elle devrait avoir imprimé 400 kilomètres de tricot », précise John Bredemestre, responsable des ateliers tricotage, teinture et impression, de cette filiale du groupe Yves Rocher.

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Cet investissement – 600 000 euros, en y incluant la construction de l’atelier et la formation de trois spécialistes de la sérigraphie – relève d’un plan de modernisation de l’usine historique de la marque de mode enfantine ; sur deux ans, 2 millions d’euros seront investis dans de nouveaux équipements. Petit Bateau y réfléchissait depuis longtemps. Tout s’est accéléré au printemps, lors du déploiement du plan France Relance par le gouvernement pour soutenir la modernisation de l’industrie tricolore.

La société a obtenu un financement à hauteur de 900 000 euros. Le reste provient de ses fonds propres. Sans l’aide de l’Etat, cet achat aurait été « décalé », précise le directeur général de la marque, Guillaume Darrousez, quelques jours après l’inauguration officielle de cet équipement, le 4 octobre, en présence de François Baroin, maire LR de Troyes, et de Stéphane Rouvé, préfet de l’Aube.

« Il s’agit de maintenir l’emploi productif à Troyes »

Sous peu, le fabricant de mode enfantine devrait aussi se doter d’une table de coupe automatisée, pour réduire ses chutes, et de machines à coudre semi-automatiques. D’un montant de 3 millions d’euros, un deuxième investissement portera sur la « décarbonation de la teinture » pour laquelle la marque a obtenu 920 000 euros d’aides de l’Agence de la transition écologique Ademe et du plan France Relance. En 2022 et 2023, la marque, dont la devise est désormais « liberté, qualité, durabilité », se dotera de machines à teinture à meilleur rendement, moins énergivores et plus économes en eau.

Cent couturières travaillent à l’atelier de confection de l’usine Petit Bateau, à Troyes, le 27 octobre 2021. Elles produisent entre 300 000 et 500 000 pièces par an.

L’enjeu est de taille dans cette région marquée par la disparition de l’usine Absorba, à la suite de la liquidation du groupe Kidiliz fin 2020. « Il s’agit de maintenir l’emploi productif à Troyes », explique Jean-Marc Guillemet, directeur des opérations de Petit Bateau. La filiale du groupe Yves Rocher, géant des produits cosmétiques, cherche ainsi à sortir d’une mauvaise passe. A la tête de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, déficitaire depuis « plusieurs exercices », selon son patron, Petit Bateau emploie 400 personnes à Troyes.

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« Se soucier des effets concrets du travail sur la santé et l’environnement, c’est commencer à rompre avec le productivisme »

Tribune. La réduction du temps de travail (RTT) continue à cliver la société. Tandis que la CGT lance sa campagne nationale pour les 32 heures et que tous les candidats de gauche se prononcent pour une nouvelle avancée en la matière, Emmanuel Macron affirme à titre préventif que « nous sommes un pays qui travaille moins que les autres » et le président du Medef propose de « travailler plus longtemps ».

Les données statistiques disponibles montrent que l’on travaille certes moins en France qu’aux Etats-Unis ou au Mexique, mais au moins autant qu’en Allemagne. Toutefois, ce débat classique et quelque peu répétitif entre gauche et droite ne doit pas masquer un renouvellement profond de la manière dont la gauche envisage désormais la RTT.

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La brochure publiée le 14 octobre par la CGT en donne une illustration tout à fait frappante. Les arguments syndicaux ne se limitent plus au partage du travail et au gain de temps libre : l’égalité femmes hommes (la RTT permettant le passage à temps plein des salariées à temps partiel subi), l’écologie (les gains de productivité servant à libérer du temps au lieu d’accroître la consommation), mais aussi – c’est sur ce point qu’on voudrait ici insister – la santé et la démocratie au travail, deviennent des arguments centraux.

L’impasse d’une dynamique d’accumulation perpétuelle

D’une vision assez réductrice et largement quantitative, que n’a pas réussi à limiter l’intensification du travail lors des lois Aubry (1998-2000), le syndicat passe à une approche où la santé et la démocratie au travail deviennent centrales. Face à des réorganisations permanentes et imposées, qui instillent un sentiment d’insécurité chronique dans les entreprises et fragilisent la santé psychique des salariés, il est affirmé que « libérer du temps pour réfléchir et s’organiser, est aussi un moyen de permettre davantage d’interventions collectives sur les lieux de travail ».

La réduction du temps de travail sera aussi l’occasion d’affirmer que « celles et ceux qui produisent les richesses sont légitimes à remettre en cause les actuelles finalités et modalités de l’organisation du travail, faute de quoi nous ne pourrons pas éviter des catastrophes sociales et écologiques qui pourraient bien devenir irréversibles ». La crise sanitaire a montré l’impasse d’une dynamique d’accumulation perpétuelle, destructrice des équilibres sociaux et naturels et de la santé. Se sont affirmées plus que jamais les aspirations à une reconnaissance des activités essentielles à la vie et à un travail qui ait du sens.

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L’individualisation des rémunérations, casse-tête pour les manageurs

Dans son ouvrage Le Nouvel Esprit du salariat (PUF, 2020, Prix du livre RH 2021), Sophie Bernard nous entraîne dans les coulisses d’un organisme bancaire. De témoignage en témoignage, cette maîtresse de conférences en sociologie analyse le système d’attribution des primes sur objectifs et les stratégies qui le sous-tendent. Elle en tire notamment cette conclusion : « Les manageurs optent souvent pour le saupoudrage, qui consiste à répartir uniformément les primes entre les bénéficiaires ». Par là, explique-t-elle, ils « renoncent (…) à l’idéal méritocratique ». En cause : l’« enveloppe » qu’on leur demande de répartir, jugée trop modeste : sa distribution « au mérite » entraînerait « une forte discrimination potentiellement source de conflits ». D’aucuns préfèrent donc lisser les sommes versées aux membres de l’équipe. Ce qui revient à « acheter la paix sociale ».

« Au lieu de créer une émulation au sein des équipes, cette part variable – principalement des primes et des compléments de salaire liés à la performance individuelle ou collective des salariés ou aux résultats de l’entreprise – peut susciter jalousie, rancœur ou incompréhension. »

Courante, la pratique illustre l’embarras dans lequel se trouvent parfois des manageurs lorsqu’ils doivent gérer la part variable des rémunérations. « L’individualisation de ces rémunérations est un outil ambivalent, confirme Sophie Bernard. D’un côté, cela doit permettre de mobiliser leurs collaborateurs, mais d’un autre, cela peut provoquer la démotivation de certains salariés estimant que leur prime n’a pas été à la hauteur du travail qu’ils ont accompli. »

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Le revers de la médaille est là : au lieu de créer une émulation au sein des équipes, cette part variable – principalement des primes et des compléments de salaire liés à la performance individuelle ou collective des salariés ou aux résultats de l’entreprise – peut susciter jalousie, rancœur ou incompréhension. Et ce d’autant plus qu’elle représente une part non négligeable de la rémunération brute totale : 19,7 % en France, en 2018, selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares). « La gestion des déceptions doit évidemment être prise en compte par les manageurs », abonde Claire (le prénom a été modifié), cadre dirigeante d’une banque d’affaires.

« Effets pervers en interne »

« Et ce qui était vrai pour cette part variable tend dans certaines entreprises à le devenir pour la part fixe du salaire, explique Pierre (le prénom a été changé), cadre dans un groupe de conseil. Des modulations apparaissent selon les profils. » Ce que confirme Serge Legagnoa, secrétaire confédéral Force ouvrière : « Pour attirer des talents, certaines entreprises peuvent par exemple proposer au nouvel entrant un salaire supérieur à celui de collaborateurs déjà en place, à compétences égales. » Une individualisation de la part fixe qui peut également « avoir des effets pervers en interne, poursuit Pierre. Certains salariés vont adopter des stratégies de mercenaire en se positionnant sur des tâches où ils savent qu’ils auront plus de chance d’être en vue, espérant avoir ainsi la meilleure augmentation possible ».

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Le télétravail thérapeutique : un soutien à l’emploi handicapé

Carnet de bureau. Personnes en situation de handicap, aidants familiaux ou femmes enceintes : pour ces salariés, le groupe Bayer a instauré mi-octobre le concept de « télétravail thérapeutique ». Comme beaucoup d’entreprises, après l’épisode Covid-19, la société pharmaceutique a ressorti du tiroir l’accord préexistant et l’a renégocié en élargissant la palette du recours au télétravail : ordinaire, spécifique, occasionnel, imposé, mais aussi… « thérapeutique », « décidé pour des raisons de santé, généralement temporaires et médicalement justifiées ». C’est le service de santé qui propose des modalités d’organisation en télétravail auxquelles s’adaptent au mieux manageurs et RH, précise Bayer.

« Le nombre de salariés handicapés maintenus en poste a bondi de 21 % sur un an (+ 33 % dans le public et + 20 % dans le privé). »

Jusqu’à la crise sanitaire, « pour les personnes en situation de handicap, comme pour les autres salariés, le télétravail n’était pas une pratique coutumière, observe Véronique Bustreel, directrice de l’innovation et de la stratégie à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. C’est le temps partiel thérapeutique qui était utilisé ». Mais depuis le Covid-19, c’est une alternative.

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L’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA), qui interroge régulièrement les personnes en situation de handicap, le confirme dans une enquête à paraître le 15 décembre. Le télétravail représente désormais une opportunité pour leur emploi et leurs conditions de travail, « parce qu’il réduit le temps de trajet et la fatigue, parce qu’il répond au besoin de concilier le temps de travail avec les soins, parce qu’il permet de travailler dans un environnement plus calme et facilite l’aménagement du temps de travail en toute autonomie », expliquent les salariés sollicités. Même s’ils alertent contre le risque d’isolement et le manque d’équipement.

Avenants et charte

Le Covid-19 a mis en lumière l’articulation possible du travail à distance avec les contraintes de santé, le « télétravail sur ordonnance » a donc servi de béquille à l’emploi handicapé. Dans l’enquête de l’ANSA, un tiers des salariés handicapés estiment que le télétravail peut contribuer au maintien en emploi.

Les chiffres de l’Observatoire de l’emploi et du handicap le confirment pour 2021 : le nombre de salariés handicapés maintenus en poste a bondi de 21 % sur un an (+ 33 % dans le public et + 20 % dans le privé). « C’est d’abord un effet de rattrapage par rapport au creux de 2020, relativise Véronique Bustreel. Comparée à 2019, la hausse est plus modérée (+ 10,47 %). Mais il y a un réel effet de mise en visibilité. Pendant le Covid, des salariés handicapés ont dû se faire connaître pour obtenir les aménagements nécessaires en tant que personnes vulnérables. »

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