Archive dans 2021

Temps de travail : « L’heure tend à être supplantée par le jour »

Chronique. Décompter les heures de travail, puis les limiter, a été un combat permanent des humanistes, puis des syndicats. L’article 2 de la loi de 1841, suite au rapport Villermé sur le travail des enfants, posait ainsi : « Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins 8 ans. De 8 à 12 ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos. De 12 à 16 ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre, divisées par des repos. Ce travail ne pourra avoir lieu que de 5 heures du matin à 9 heures du soir. »

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Près de deux siècles plus tard, du smic aux pointeuses physiques, l’heure demeure consacrée comme l’unité élémentaire de travail. Les statistiques économiques reposent aussi sur cette unité : productivité horaire, coût du travail horaire, etc. La volonté actuelle du gouvernement français d’imposer aux collectivités locales les « 35 heures effectives » ou le sempiternel débat sur les Français qui ne travailleraient pas assez d’heures, pourraient cependant n’être que le dernier soupir de la référence horaire.

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Désormais, l’heure tend à être supplantée par le jour. Sur le plan national, les lois sur les 35 heures ont en fait installé majoritairement chez les cadres une référence journalière, à travers le forfait jours. Selon les enquêtes Acemo du ministère du travail, avant la crise due au Covid-19, un peu moins de 15 % des salariés des entreprises de plus de 10 salariés étaient ainsi sous ce forfait, en général de 215 à 220 jours par an. Le forfait est également largement utilisé dans les fonctions publiques. Depuis 2004, le lien entre heures et jours est aboli s’il n’est pas prévu dans l’accord collectif instaurant le forfait. Seuls restent deux filets, le repos journalier minimum de 11 heures et les 35 heures consécutives de repos hebdomadaire. Autre outil des « 35 heures », le compte épargne temps repose aussi sur un décompte des jours.

Le révélateur du Covid-19

Parallèlement, le développement de l’emploi indépendant tiré par le statut de l’auto-entrepreneuriat participe à étendre le jour comme référence sociale pour le travail. Le découpage en jours est enfin la règle dans la plupart des accords de télétravail qui, en général, fixent deux à trois jours par semaine à distance. Or, d’une part, ces accords se multiplient, tant dans l’administration que dans le privé, et, d’autre part, les ressources humaines témoignent d’une adhésion croissante des salariés, la crise due au Covid-19 servant de révélateur de l’ampleur des emplois télétravaillables.

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Un forfait télétravail défiscalisé pour le salarié

Carnet de bureau. Pendant que gouvernement et entreprises se préparent à endiguer une cinquième vague de Covid-19, la réflexion sur l’accompagnement du télétravail avance au Parlement. La députée La République en marche (LRM) de Haute-Savoie Frédérique Lardet a ainsi déposé à l’Assemblée nationale, à la mi-novembre, une proposition de loi pour créer un « titre-télétravail » d’un montant de 600 euros totalement défiscalisés et sans reste à charge pour le salarié.

La plupart des entreprises versent déjà une indemnisation télétravail, au minimum sur la base de 2,50 euros par jour télétravaillé, parfois bien davantage. Mais la difficulté de nombreux salariés est que leur domicile n’est pas adapté, n’a pas d’espace isolé du reste de la famille. En février, déjà, le sénateur de Paris Julien Bargeton (LRM) avait déposé une proposition de loi au Sénat pour mettre en place l’équivalent d’un « titre-bureau », un moyen de paiement cofinancé par l’entreprise et le salarié pour s’installer en télétravail dans des espaces autres que leur domicile : tiers-lieux, espaces de coworking, etc.

Le nouveau pas franchi par ce « titre-télétravail » est qu’il couvre aussi les frais du télétravailleur à domicile et qu’il n’est financé que par l’entreprise. « Le salarié n’a pas à payer une partie de ce qui fait l’essence du contrat de travail, à savoir le lieu de travail », explique Frédérique Lardet.

Un enjeu de justice sociale

La prise en charge prendrait la forme d’une allocation forfaitaire plafonnée à 600 euros par an et par salarié, dénommée « forfait télétravail », exonérée de cotisations et de contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Actuellement les frais pris en charge par l’employeur sont exonérés de cotisations dans la limite de 10, 20 ou 30 euros par mois pour un, deux ou trois jours de télétravail hebdomadaires. Concrètement, l’employeur délivrera « une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée émise par une entreprise spécialisée pour permettre au salarié de procéder au règlement des frais engagés dans le cadre du télétravail », indique l’exposé des motifs de la proposition de loi.

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Avec la multiplication des variants du SARS-CoV-2 et le maintien durable des salariés en télétravail régulier, un espace de travail de qualité est devenu un enjeu de justice sociale. Selon le dernier bilan du ministère du travail, 20 % des salariés pratiquaient toujours le télétravail fin octobre. Selon les plus récentes études (Institut Sapiens, European Data Lab), la part des emplois éligibles au télétravail pourrait atteindre 37,8 % en France. Une note du Sénat sur les perspectives du télétravail post-Covid-19 à l’horizon 2050 fait une estimation à « la moitié des actifs ».

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« L’évaluation de la performance durable »

Gouvernance. L’évaluation de la performance globale des entreprises intègre de plus en plus des critères dits ESG qui apprécient la manière de gérer les effets de l’activité productive sur l’environnement (E), la vie sociale (S) et la gouvernance (G). Encore marginaux il y a une dizaine d’années, ces critères sont utilisés aujourd’hui par les gestionnaires de fonds ou les dirigeants pour repérer les risques à long terme de leurs investissements ou pour assurer à leurs parties prenantes qu’ils souscrivent aux normes de responsabilité communément admises.

Nous changeons ainsi inexorablement de paradigme en passant d’une définition de la performance économique synthétisée par son profit, qui était le propre de la financiarisation de l’économie, à une évaluation qui tient compte de la façon de réaliser ce profit et d’assurer lucidement la durabilité de l’entreprise.

Aux Etats-Unis comme en Europe ou en Chine, les régulateurs ont pris acte de cette mutation et ils se livrent à une intense négociation pour définir des normes dites « extra-financières » au niveau international. Ainsi, la Commission européenne a-t-elle publié en avril une proposition de directive (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD) qui imposera aux entreprises de plus de 250 salariés de produire dès 2024 un rapport public sur l’intégration de la durabilité dans leurs stratégies utilisant des critères ESG uniformisés au niveau européen.

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Ce changement d’époque produit comme toujours des résistances souvent dues au maintien des certitudes acquises durant la période qui s’achève. En ce sens, qualifier d’extra-financiers les nouveaux critères de performance peut nourrir l’incompréhension. En distinguant des critères non financiers et des critères financiers, on laisse entendre que ces derniers existent depuis toujours parce qu’ils ont une signification et une pertinence définitives et quasiment scientifiques, indépendamment des conditions historiques dans lesquelles ils ont été conçus.

Exigence sociale

Or il n’en est rien. Les critères comptables et financiers actuels ont été construits au fil du temps, en réponse au contexte social du moment.

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Par exemple, le financement de la retraite des salariés, qu’il prenne la forme de cotisations ou de versements à des fonds de pension, a été incorporé dans l’image « financière » des entreprises à partir des années d’après-guerre. L’évaluation de la performance s’est adaptée et le calcul du profit a dû tenir compte de cette exigence sociale. Ce qui paraissait impensable aux financiers du début du XXe siècle est devenu une évidence pour leurs successeurs contemporains.

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« Des fois, on se demande pourquoi on travaille » : dans la Vienne, le blues du garagiste indépendant

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Publié aujourd’hui à 03h14, mis à jour à 09h38

Tout ça n’arriverait pas si les gens lavaient leur voiture correctement, à l’ancienne – eau tiède, savon, huile de coude. Mais non, ils préfèrent le nettoyeur haute pression. « A force, les peintures deviennent mates, et il faut lustrer », fulmine Sébastien Eveillard. Nous sommes lundi et, depuis 7 h 30, polisseuse en main, le patron du garage Seb’Auto, à Saint-Léger-de-Montbrillais (Vienne), s’acharne à rendre son éclat initial à une Citroën Berlingo blanche. Une occasion qu’il vient de vendre. « Entre trois coups de fil et deux emmerdes, si j’ai fini ce soir, ce sera bien », lance-t-il en reculant de quelques pas pour un contrôle qualité express.

A ses côtés, courbés au-dessus de moteurs en souffrance, Franck, 36 ans, et Valentin, 21 ans, ne font pas semblant non plus. Les deux mécaniciens sont sur le pont jusqu’à 17 heures tapantes, tandis qu’Ewenn, 17 ans, l’apprenti surnommé « Popeye » parce qu’il va devoir se gaver d’épinards avant de pourvoir sortir une boîte de vitesses seul comme un grand, est en cours. Franck se bagarre avec une Peugeot 207 SW 1.6 HDi (joint de culasse à changer), Valentin avec une Audi A4 TDi (distribution à refaire). D’autres véhicules patientent, capot grand ouvert, aussi résignés que les patients d’un chirurgien-dentiste.

Franck, en plein changement d’un joint de culasse au garage Seb’Auto, à Saint-Léger-de-Montbrillais (Vienne), le 30 septembre 2021.
Valentin termine la préparation d’une voiture au garage Seb’Auto à Saint-Léger-de-Montbrillais (Vienne), le 30 septembre 2021.

Voilà quatre ans que Sébastien Eveillard, 42 printemps, a repris ce garage. Un cube de métal posé au ras de la D347, entre Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), à l’ouest, et Loudun (Vienne), à l’est. Au carrefour de quatre départements (Vienne, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Deux-Sèvres) et de trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire). Trafic chargé. Fantasia de décibels. La rumeur automobile est au mécanicien ce que le ressac océanique est au marin pêcheur : un chant d’espoir. Entre le commerce des occasions et la maintenance des diesels, on n’a pas trop à se plaindre. Et, pourtant, tout à craindre.

La loi Climat et résilience (renforcement des zones à faibles émissions-mobilité, fin de la vente des voitures les plus polluantes, renforcement des transports collectifs) et la COP26, malgré la timidité de l’accord final, sont passées par là. Les vieux véhicules ont du plomb dans l’aile, et le vénérable procédé de Rudolph Diesel un pied dans la fosse de visite.

Ici, en pleine ZRR (zone de revitalisation rurale), comme on dit à Paris pour évoquer ces campagnes « reconnues comme fragiles sur le plan socioéconomique », c’est trois quarts du business. « Les voitures neuves sont très chères, et rouler au gazole reste économique », souligne le patron de Seb’Auto.

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Cinq ans de travail et des millions d’euros perdus : Scribe, l’introuvable révolution informatique de la police nationale

C’est une histoire de comités Théodule et de rapports circonstanciés, de réunions de pilotage et de pesanteurs administratives. D’espoirs déçus, aussi. Sept ministres de l’intérieur et trois directeurs généraux de la police nationale (DGPN) en avaient fait leur « priorité », mais après cinq ans de gestation, le programme Scribe, censé simplifier la rédaction des procédures pénales, n’a pas encore vu le jour. Un bug qui se chiffrerait à plus de 11 millions d’euros. « Pas 11 millions d’euros, assure cependant une source, mais beaucoup trop au vu de ce piètre résultat. » « Un fiasco, selon Anthony Caillé, représentant de la CGT-Police. Et pendant ce temps-là, la procédure se complexifie chaque jour un peu plus, avec un exécutif qui se sent obligé de sortir une loi au moindre fait divers. »

« C’est un échec cuisant, renchérit Yann Bastière, responsable de l’investigation au syndicat SGP-Police, et malgré ça, on met en place d’autres outils informatiques qui devaient être adossés à Scribe. Bilan, rien ne fonctionne. » A l’unisson, syndicats et enquêteurs s’inquiètent : alors que la procédure pénale numérique devrait être étendue à l’ensemble des juridictions françaises en 2022, la police attend encore un outil informatique moderne devenu indispensable.

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Indispensable parce que l’institution traite 3,8 millions d’infractions chaque année, soit 70 % de la masse constatée en France. Moderne, parce que le logiciel actuel, le LRP-PN (logiciel de rédaction de procédures – Police nationale) tient de l’« usine à gaz ». Son architecture est obsolète, les déconnexions fréquentes, le coût de maintenance de 1 million d’euros annuel est exorbitant et son ergonomie quasi-nulle.

« Si on consulte le Ficoba [fichier des comptes bancaires], explique un enquêteur, impossible d’intégrer directement les éléments recueillis dans un PV, on doit tout ressaisir. Et associer une pièce jointe à une procédure, c’est l’enfer. » Sans compter les champs statistiques ubuesques à remplir pour satisfaire la voracité de l’administration – donc, du politique – pour les chiffres. La blague a fait le tour des commissariats : parmi les centaines d’items proposés pour préciser les circonstances d’une infraction ou la nature d’un objet volé, vaut-il mieux saisir « canot » ou « barque » ?

Arlésienne de la police

Aussi, l’enthousiasme est unanime lorsque le projet d’un nouveau logiciel est annoncé début 2016. Coût prévisionnel : 11,28 millions d’euros. Maîtres-mots du chantier : fluidité, souplesse, fiabilité, intuitivité. Cinq ans plus tard, une abondante documentation interne, que Le Monde a pu consulter, permet de mesurer l’écart entre les objectifs affichés à l’époque et l’état actuel d’un dossier en souffrance, véritable arlésienne de la police.

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La rédaction de Franceinfo.fr en grève le jour du débat des Républicains

A la redaction de Franceinfo.fr, lors de son lancement en 2016.

Le mouvement ne risque pas de passer inaperçu. Du moins aux yeux de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte. La rédaction de Franceinfo.fr a prévu de se mettre en grève, mardi 30 novembre. Le mouvement, dont le préavis a été déposé le 24 novembre, devrait être fortement suivi.

Lundi 29 novembre, la rédaction s’est déjà opposée à 96 % à un protocole d’accord proposé par la direction. La date n’a pas été choisie au hasard : mardi, France 2 diffusera en « prime time » le dernier débat du parti Les Républicains, avant le vote en congrès le 4 décembre.

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Or, la rédaction de Franceinfo.fr doit participer à l’animation et à la mise en valeur de cette émission politique, coanimée pour la première fois par le directeur de l’information de France Télévisions, Laurent Guimier. Ce dernier vient remplacer Thomas Sotto, qui s’est mis en retrait en raison de sa relation avec l’une des conseillères du premier ministre Jean Castex. Interrogée, la direction de France Télévisions ne souhaite pas faire de commentaires.

Conditions de travail

Le dispositif d’accompagnement prévu pour l’émission, qui prévoyait l’intervention en direct d’experts sur le numérique, un live et la publication d’extraits sur le Web, devrait être fortement perturbé, même si les journalistes de Radio France, qui alimentent également le site Franceinfo.fr assureront une partie du suivi. Officiellement, la jeune rédaction de France Télévisions − la moyenne d’âge y est d’une trentaine d’années contre 49 ans à France Télévisions − proteste contre la suppression potentielle de deux postes − un départ en retraite et la non-titularisation d’un journaliste vidéo.

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En réalité, elle s’insurge plus largement contre ses conditions de travail. « Alors qu’on est déjà très fatigués en raison du Covid-19, parce qu’on nous en demande toujours plus, et qu’on est déjà à flux tendu, cette nouvelle a fait l’effet d’une bombe, affirme un membre de la Société des journalistes (SDJ). Non seulement, nous ne voulons pas de réduction d’effectifs, mais nous demandons au moins deux embauches. »

« C’est un bras de fer inattendu avec Delphine Ernotte, qui montre qu’ils sont très en colère » – Antoine Chuzeville, du Syndicat national des journalistes

Même si le mouvement n’affectera pas l’antenne en tant que telle, il tombe mal pour la présidente Delphine Ernotte, qui loue en toute occasion la réussite numérique de Franceinfo.fr, alors que les audiences de la chaîne d’information éponyme peinent à décoller.

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« Il y a une inadéquation entre les ambitions de la plate-forme et les bouts de ficelles dont on dispose », poursuit la SDJ. « Cette rédaction a très envie de bosser. Ses journalistes ont toujours été considérés comme les bons élèves de France Télévisions. C’est un bras de fer inattendu avec Delphine Ernotte, qui montre qu’ils sont très en colère », analyse Antoine Chuzeville, du Syndicat national des journalistes (SNJ), qui précise aussi qu’à ancienneté égale ces journalistes sont « moins bien payés » que dans les autres rédactions de la télévision publique.

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Covid-19 : comment les entreprises s’adaptent à la nouvelle vague

Des employés travaillent sur la chaîne de montage de l’usine de voitures Smart, à Hambach (Moselle), en juillet 2020.

Retour au télétravail ou simple rappel des gestes barrières entre les salariés sur les sites ? Avec l’accélération du nombre de cas de Covid-19, doublée de l’arrivée du nouveau variant Omicron, la fébrilité gagne le monde du travail.

L’Etat doit-il obliger les entreprises au télétravail ? A l’heure qu’il est, « on ne va pas fixer une obligation, mais moi, j’invite les employeurs à [le] favoriser », rappelait, vendredi 26 novembre sur Franceinfo, la ministre du travail, Elisabeth Borne.

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Elle a entendu les suppliques de Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui assurait, le 23 novembre sur BFM-TV-RMC : « Les chefs d’entreprise doivent se remobiliser sur le télétravail, mais pas d’obligation. » « Il faut laisser le dialogue de proximité se faire », affirmait-il, rappelant que de nombreuses entreprises avaient déjà des accords de télétravail et que suivre l’exemple belge d’un travail à distance obligatoire quatre jours sur cinq serait « une erreur ».

Le président de la fédération Syntec, Laurent Giovachini, qui regroupe 1 million d’emplois dans le numérique, l’ingénierie ou le conseil, estime également que pour contrer la cinquième vague, « au stade actuel, on n’a pas besoin d’oukase sur le télétravail ».

Contrairement aux grandes entreprises, les plus petites sont pour leur part prêtes à soutenir un renforcement du télétravail là où c’est possible. « Dans les petites entreprises, c’est avec le Covid-19 qu’on a découvert le télétravail. On l’a vécu dans la douleur, on n’était pas formé, on avait des difficultés d’accès aux logiciels, on s’est heurté à l’illectronisme et beaucoup de personnel faisait du surtravail faute de logement adéquat pour télétravailler. Mais le télétravail nous a sauvés. On va jouer le jeu », assure Bernard Cohen-Hadad, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises Paris-Ile-de-France.

« Contre-pied »

Le dirigeant de l’organisation patronale pense que « dans les activités compatibles avec le travail à distance, les entreprises vont monter à trois ou quatre jours par semaine. Mais ce sera en fonction de la capacité à fournir les commandes en cette période de flux tendu qu’est la fin d’année ». L’ensemble des fonctions administratives – les commandes, la facturation, la gestion de paie – sont concernées. Quant aux tâches incompatibles avec le travail à distance, les entreprises organisent la division des équipes pour qu’elles ne se croisent pas, ou le moins possible.

« On demande aussi aux entreprises d’étaler les horaires d’arrivée des salariés, en fonction des métiers, entre 6 heures et 10 heures, comme elles l’avaient déjà fait en juin 2020, pour éviter que tout le monde ne se retrouve dans les transports en même temps », ajoute M. Cohen-Hadad. Avec l’arrivée de la cinquième vague, « ce qu’on redoute le plus, c’est le retour des jauges, du couvre-feu, voire d’un confinement, qui provoquent une chute immédiate du chiffre d’affaires et le départ d’une partie des achats vers la vente à distance ».

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Ces diplômés qui choisissent de travailler moins pour « vivre mieux »

Emilien Long, prix Nobel d’économie, se présente comme le « candidat de la paresse » à l’élection présidentielle. Son programme : sortir d’un « productivisme morbide » en réduisant le temps de travail à trois heures par jour. « Je suis la voix de ceux qui veulent que la vie ne se résume pas au travail, à la croissance, à la consommation », fait valoir ce Marseillais, qui porte des espadrilles et s’exprime parfois depuis son hamac. S’il n’est autre qu’un personnage de fiction – issu du dernier roman d’Hadrien Klent, Paresse pour tous (Le Tripode, 360 pages, 19 euros) – Emilien Long pourrait être l’élu d’une partie de la jeunesse en quête de temps libre. Façon bréviaire de lutte, sa politique répond à des attentes réelles, à mi-chemin entre utopie et pragmatisme.

Après deux années de pandémie qui ont bouleversé nos repères et changé durablement l’organisation du travail, l’envie de retrouver du sens s’accompagne plus que jamais d’un désir de ralentir, de se retrouver. En témoignent les apéros « after-workless » organisés à Nantes par le collectif Travailler moins. Du chômage choisi – et non subi – à la retraite anticipée, en passant par une simple réduction de son temps de travail, toutes les options sont envisagées pour lever la tête du guidon.

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En ce mardi d’octobre, une quinzaine de jeunes sont réunis dans l’espace de coworking La Cordée sur Erdre, à trois minutes de la préfecture de Loire-Atlantique. Au milieu des kayaks et des transats qui garnissent cet appartement haussmannien, on boulotte des croissants au beurre à 19 heures, avec encore du pain sur la planche. « Pourquoi/pour quoi dé-travailler ? » ; « Comment dé-travailler ? » ; « Freins et blocages au dé-travail » : chacun avance de table en table pour faire mûrir une réflexion à la fois individuelle et collective.

« Rentiers frugalistes »

« Dé-travailler, c’est diminuer volontairement son temps de travail contraint, sans exploiter celui des autres, introduit Matthieu Fleurance, 30 ans, membre cofondateur du collectif. On veut aller vers une démarchandisation du temps et repenser nos modes de vie, dans un mouvement anticapitaliste, voire post-capitaliste. ». « Retraité précoce non-milliardaire » comme il aime à se définir, le trentenaire prône une forme de radicalité et de décroissance personnelle – à l’encontre des « rentiers frugalistes » qui misent sur des investissements financiers ou immobiliers.

Fils d’un ouvrier en boucherie et d’une employée de bureau à La Poste, Matthieu Fleurance a intégré très tôt « la culture de l’économie ». « Jusqu’à mes 25 ans, j’ai économisé à mort sans savoir pourquoi », raconte-t-il. Aujourd’hui, le Nantais a 30 000 euros de côté et touche le revenu de solidarité active (RSA), qu’il considère « comme un revenu de base ». Selon ses calculs, il n’a besoin que de 500 à 600 euros par mois pour vivre : « Et je me prive jamais, précise-t-il. Je ne subis pas ce truc. Je me fais un resto quand je veux. »

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