Archive dans 2021

Les entreprises sans seniors, une spécificité française

A quoi ressemble une société qui écarte les plus de 50 ans du monde de l’entreprise ? Depuis juin 2020, quelque vingt-deux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été déclarés chaque semaine à l’administration, auxquels s’ajoutent d’autres vagues de départs de toute nature. Il est difficile de chiffrer précisément la part de seniors dans les myriades de plans de départs plus ou moins volontaires lancés depuis le Covid-19. Les seniors n’ont pas tous le même âge selon les entreprises et la « cible » n’est pas quantifiée dans les accords négociés.

Les mesures d’âge permettent néanmoins, sans jouer les Cassandre, d’anticiper un phénomène d’ampleur. Les plus de 50 ans sont « prioritaires » pour quitter l’entreprise. Les exemples sont légion. Chez Airbus, 60 % des départs volontaires seraient des départs en retraite ou préretraite. Michelin, qui envisage 2 300 suppressions de postes d’ici à 2023, prévoit un plan de départs volontaires « comprenant en priorité des mesures de préretraite ». La SNCF réduira ses effectifs de 2 % en 2021 « en jouant sur les départs à la retraite ». A bien moindre échelle, pour Renault Trucks, en décembre 2020, sur les 290 départs prévus, 189 souhaitaient partir à la retraite ou en préretraite.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Marché du travail : « La catégorie des seniors “ni en retraite ni en emploi” va augmenter »

Après un an de Covid-19, Pôle emploi confirme la tendance. Depuis le 1er mars 2020, les plus de 50 ans inscrits au chômage (en catégories A, B et C) sont 50 100 de plus. Dans le même temps, quelque 70 000 postes étaient supprimés dans le cadre des PSE. Les seniors (50 ans et plus) nouvellement inscrits à Pôle emploi représentent donc deux tiers du volume des ruptures de contrat des PSE 2020. Quelles conséquences sociales et économiques en attendre ?

Nouvelle catégorie de déclassés

Le risque macroéconomique pour la société est bien moindre que dans les années 1980, assure l’économiste Antoine Bozio. « Le choc pétrolier avait alors pénalisé l’activité pour vingt ans, dans une période de forte inflation, où l’Etat avait une faible capacité d’endettement, rappelle-t-il. Aujourd’hui, l’activité a fortement ralenti mais la crise est provisoire. L’endettement est efficace face à une crise temporaire. Quels que soient les dispositifs qui ciblent les seniors, la grosse différence est qu’on est en capacité de les financer. Les taux d’intérêt sont à un niveau très faible et, pour l’instant, on ne voit pas d’inflation qui arrive. Donc aucun élément factuel n’indique que l’endettement est un risque pour l’économie. » Par le passé, le coût des vagues de préretraites a été considérable : il a fallu les indemniser plus de cinq ans. « De 1979 à 1983, le nombre de départs à partir de 55 ans est passé de 160 000 à 700 000 par an et n’est redescendu en dessous des 500 000 qu’en 1992, pour un coût annuel qui a atteint jusqu’à 9 milliards de francs [1,35 milliard d’euros] en 1985. »

Il vous reste 77.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Marché du travail : « La catégorie des seniors “ni en retraite ni en emploi” va augmenter »

Entretien. Sociologue, professeure émérite à l’université de Paris Descartes-Sorbonne, Anne-Marie Guillemard est notamment l’auteure d’Allongement de la vie. Quels défis ? Quelles politiques ? (La Découverte, 2017).

Que pensez-vous de la tendance des entreprises à favoriser la sortie de l’entreprise des seniors dans les plans de départs ?

Dans un contexte de longévité, les préretraites sont une absurdité. C’est une catastrophe par rapport à l’équité entre les générations. Il y a maintenant trois générations en emploi et on en a besoin. La durée moyenne de la retraite atteint aujourd’hui vingt-huit ans. La coopération intergénérationnelle est un élément important pour la compétitivité et l’innovation qui vient du croisement de l’expérience et du travail nouveau. Le jeune ouvrier sait lire le plan, son binôme senior anticipe toutes les pannes qu’il connaît.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les entreprises sans seniors, une spécificité française

Mais les entreprises sont confrontées à un problème de réduction de la masse salariale à moindre coût social…

En France, nous sommes restés dans la culture de la sortie précoce. Dès qu’il y a un problème, on reprend la vieille recette, alors qu’il faut sortir de la segmentation par l’âge pour résoudre le problème de l’emploi. La demande de travail des seniors est restée une boîte noire. Ce n’est pas à 50 ans qu’on se préoccupe de la deuxième partie de sa carrière. L’entretien du capital humain se fait sur tout le parcours.

Aujourd’hui, c’est indispensable car l’allongement de la vie augmente la population active. Il y a certes une remontée du taux d’emploi des seniors avant 60 ans. Mais la France est, derrière le Luxembourg, le pays de l’OCDE où on quitte le marché du travail le plus tôt, à 60,8 ans en moyenne, alors même que l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé. Les ruptures conventionnelles représentent 25 % des fins de CDI des seniors contre 16 % pour les jeunes.

La priorité donnée aux seniors dans les plans de départs va augmenter la population des « ni-ni seniors » − « ni en retraite ni en emploi » −, une catégorie mise « en attente » de pouvoir liquider sa retraite.

A-t-on une idée du nombre de « ni-ni seniors » aujourd’hui ?

A 60 ans, dans la période 2015-2017, 29 % des personnes n’étaient ni en emploi ni en retraite : 7 % au chômage, 12 % inactives depuis l’âge de 50 ans et 10 % inactives dès avant 50 ans. Dans toutes ces catégories, on trouve de nombreux bénéficiaires des minimums sociaux. On est en train de créer une nouvelle poche de pauvreté : 42 % de ceux qui liquident leur retraite sont déjà sortis du marché du travail, une partie sont auto-entrepreneurs. Soit ils coûtent aux pouvoirs publics, soit ils dépendent de la solidarité familiale. Dans les deux cas, ce n’est pas satisfaisant, car ils pourraient être au travail. Pour en sortir, des politiques publiques peuvent jouer leur rôle, avec une politique active pour construire les parcours professionnels et rendre le travail soutenable plus longtemps. Aujourd’hui, la fin de carrière n’est plus du tout attractive. Les seniors ont l’impression d’être sur un siège éjectable, et les entreprises veulent se délester d’effectifs. Il y a une convergence d’intérêt.

Chez Michelin, les salariés, moins nombreux, sommés de faire mieux

L’usine Michelin à Clermont-Ferrand, le 6 janvier 2021.

C’est la partie immergée de l’iceberg. Derrière les 2 300 suppressions d’emplois annoncées le 6 janvier par Michelin se pose la question des quelque 17 000 salariés qui vont continuer de travailler sur les sites français du numéro deux mondial du pneumatique. « Nous sommes en train de négocier quelque chose qui aura un impact sur les organisations et qui sera très structurant pour l’avenir, note José Tarantini, le délégué syndical central de la CFE-CGC. Nous voulons nous assurer que ceux qui restent, et à qui on demandera de porter le changement, seront bien traités. »

Sur le principe, l’objectif est partagé par la direction. « Nous négocions un accord-cadre pour ceux qui partent mais aussi pour préserver ceux qui poursuivront leur carrière chez Michelin », confirme Jean-Paul Chiocchetti, le directeur de Michelin France. L’accord sur les suppressions de postes, que la direction espère signer en avril, devrait donc comporter un volet concernant les emplois maintenus.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Chez Michelin, après le choc des 2 300 suppressions de postes, la négociation commence

Prévues pour s’étaler jusqu’en 2023, les suppressions d’emplois visent une amélioration de la productivité allant jusqu’à 5 % par an. Cela concerne la quinzaine de sites industriels français où 1 200 postes devraient disparaître. Cela touche aussi l’activité tertiaire (1 100 emplois concernés), pour l’essentiel au siège du groupe, à Clermont-Ferrand. Environ 60 % des départs devraient se faire dans le cadre de retraites anticipées financées par l’entreprise. Le restant serait des départs volontaires dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives.

« Il ne faut pas croire qu’il y a 2 300 personnes qui se tournent les pouces, affirme Laurent Bador, le délégué syndical central de la CFDT. Leur départ aura un impact fort sur ceux qui restent. » « Nous voulons éviter la surcharge temporaire de travail qui pourrait résulter des départs », promet le directeur de Michelin France.

« Risques psychosociaux »

L’autre grand défi est d’accompagner les mutations de l’organisation du travail. « Il y a déjà, en temps normal, près de 10 % des gens qui changent de métier tous les ans, sans compter que les compétences requises pour chaque métier évoluent en permanence, poursuit Jean-Paul Chiocchetti. Le plan va entraîner de nouveaux changements. Nous allons définir des dispositifs innovants pour permettre à ceux qui restent d’accéder à des reconversions ou à des évolutions professionnelles répondant aux besoins futurs de Michelin. ».

Il vous reste 42.64% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Je n’ai pas le bac et je n’ai jamais passé d’entretien » : dans l’Oise, face à la crise, des bus à la rencontre des plus éloignés de l’emploi

Par

Publié aujourd’hui à 16h13, mis à jour à 16h15

On y tient tout juste à trois. Une coquille rassurante aux faux airs de départ en vacances dans laquelle opère chaque fois la même mue. Lorsqu’elles redescendent du marchepied, après quarante minutes d’entretien chacune et des offres d’emploi fermement agrippées, Isabelle Zinetti, 51 ans, et Ana Nunes, 42 ans, ont relevé la tête. Un courrier de Mme la maire les a invitées à monter à bord du « bus pour l’emploi » du département – un camping-car, en réalité. Pas question de rater son passage à Tracy-le-Mont, 1 730 habitants, un Proxi, une Poste et une petite zone artisanale en lisière de forêt, dans le nord-est de l’Oise. « C’est une chance d’avoir ce service qui vient jusqu’à nous, glisse Ana. On se sent parfois gênés de demander de l’aide. » Le Pôle emploi est ici à une distance encore raisonnable, à 20 kilomètres, à Compiègne. A condition d’avoir une voiture : pas de bus, hormis pour les scolaires.

Les deux femmes recherchent un poste d’assistante administrative. Dans le petit bureau ambulant d’Aurélie Michaux, conseillère emploi, se déverse l’usure de ces heures passées à postuler partout, sans réponse. Certes, il y a la crise. « Mais s’il y a des offres, c’est bien qu’il y a de l’emploi ! », s’impatiente Ana, inscrite dans plusieurs boîtes d’intérim. Elle a déposé des CV à 30 kilomètres à la ronde. « J’ai bac + 2, une formation adaptée… Qu’est-ce qui ne marche pas ? Mon âge, mes origines portugaises ? »

Travaillant aussi au sein d’une Maison départementale des solidarités, Aurélie Michaux a remarqué que ceux qu’elle reçoit dans le bus « se livrent plus facilement que dans la disposition classique du bureau, peut-être plus institutionnelle ». Elle a rejoint l’équipe du troisième bus lancé en septembre 2020 avec Mickaël Petit, chauffeur et agent d’accueil.
Ana Nunes (à droite) et son mari ont quitté le Portugal pour la France il y a 14 ans, convaincus qu’ils y trouveraient de meilleures opportunités d’emploi. Ce fût le cas jusqu’à la crise. Malgré ses diplômes et sa recherche active, Ana Nunes ne sait « plus quoi faire ».

Après vingt-neuf ans d’entreprise, le poste d’Isabelle a été supprimé. « On me proposait de redescendre à l’atelier. » Elle a préféré partir. « J’ai de l’expérience, mais je n’ai pas le bac, seulement un CAP et un BEP, et j’ai jamais passé d’entretien, soupire-t-elle. Puis à mon âge et vu tous les jeunes sur le marché… » En attendant, elle fait des heures de ménage à l’école. Et se forme aux réseaux sociaux. Elle montre ses nouvelles applis : LinkedIn, Indeed…

Lire l’enquête: Les oubliés de la mobilité : « Sans voiture, je ne suis plus rien »

« Maillage le plus fin possible »

« C’est une belle candidature, vous avez des techniques, ne vous découragez pas », rassure la conseillère. Elle explique comment affiner les recherches à Pôle emploi, oriente vers d’autres partenaires, note des contacts et « prescrit » des pauses « pour se changer les idées ». « On vous rappelle dans un mois. Et si vous avez besoin d’être reboostées, revenez. » Isabelle enverra sa fille, qui cherche une alternance. Et espère qu’elle viendra bientôt grossir l’épais classeur des « sorties » – ceux qui ont retrouvé un travail, entamé une formation ou créé leur entreprise.

Il vous reste 73.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Covid-19 : la logistique, un secteur devenu incontournable

Le groupe Deutsche Post DHL, leader mondial du colis, a enregistré un chiffre d’affaires pour 2020 de 67 milliards d’euros, en hausse de 5,5 %.

Des lots de masques négociés au plus haut niveau gouvernemental et jusque dans la soute des avions-cargos, des restaurants fermés partout, mais ouverts pour les chauffeurs routiers, des ministres qui se mettent à s’occuper des conditions de travail et d’accueil dans les entrepôts… C’était au printemps 2020, lors du premier confinement, en France. La fonction essentielle de la chaîne d’approvisionnement, ligne de vie d’une nation soudain pétrifiée, est alors apparue de manière éclatante.

Le secteur logistique – peu considéré, sorte d’arrière-cuisine de la mondialisation – a donc pris depuis un an une dimension nouvelle. Et ce nouveau statut est fortifié en ce mois de mars 2021, alors que la France remet sous cloche un tiers de sa population et que l’opération vaccination mondiale, qui nécessite un effort logistique important, est devenue cruciale.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Logistique urbaine : l’impact social et environnemental de la livraison

« La crise a révélé l’importance de la “supply chain” pour l’économie et la société, confirme Guillaume Péard, président pour la France et le Maghreb du géant germano-suisse de la logistique Kühne + Nagel. On s’est rendu compte de l’importance du travail des conducteurs, des livreurs, des caristes. Eux aussi faisaient partie de ces salariés-combattants de la deuxième ligne, venant juste après les soignants dans la lutte contre le virus. »

« Au printemps [2020], nos équipes ont rapporté en France 1 milliard de masques par voie aérienne, 1,2 milliard par voie maritime, se remémore de son côté Marie-Christine Lombard, présidente du directoire de Geodis (filiale de la SNCF), le premier logisticien français. On a affrété en urgence des avions-cargos face à la disparition des avions de passagers et de leurs soutes indispensables pour le fret. Dans ce contexte, la compétence d’un logisticien professionnel est la clé pour faire face à un bouleversement aussi brutal, à une telle “disruption”. »

« Dépendance excessive à certains pays »

Au-delà du choc du moment, la montée en puissance stratégique du secteur logistique se confirme durablement. Cela pourrait même s’apparenter à une microrévolution. « Tout est rebalayé, analyse Mme Lombard. La crise a mis en évidence des risques mal identifiés jusqu’ici, dont celui d’une dépendance excessive à certains pays – singulièrement la Chine – et à certains produits. Chez nos clients, le sujet de la chaîne d’approvisionnement va remonter de plusieurs crans, jusqu’aux conseils d’administration. » Parallèlement, la crise a été l’occasion de repenser un modèle de logistique reposant sur le seul flux tendu et le juste-à-temps. « Les entreprises ont cartographié leurs chaînes d’approvisionnement en allant bien au-delà de leurs fournisseurs, et repensent leurs chaînes de valeur pour qu’elles résistent aux chocs », observe Maxime Lemerle, directeur des recherches sectorielles de la société d’assurance-crédit Euler Hermes.

Il vous reste 58.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Donner un nouvel élan au secteur de la restauration en améliorant la rémunération des salariés »

Chronique. Le vaste plan de relance adopté le 27 février par le Congrès américain est peut-être un succès pour Joe Biden, mais il n’inclut pas, pour l’instant, l’instauration d’un salaire minimum horaire fédéral à 15 dollars. L’éventualité de cette mesure a toutefois généré des débats nourris dans la restauration et d’autres activités où les salariés perçoivent des pourboires.

Car plus que l’augmentation générale, d’ailleurs déjà actée dans de nombreux Etats, la promesse démocrate incluait la suppression du « sous-salaire minimum », qui permet aux employeurs de ne payer que 2,13 dollars de l’heure si les salariés perçoivent des pourboires permettant d’atteindre le minimum fédéral de 7,25 dollars. Un débat qui devrait nourrir aussi la réflexion sur les rémunérations dans l’hôtellerie-restauration en France, où l’on se prépare au redémarrage post-pandémie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Joe Biden lance la bataille du salaire minimal aux Etats-Unis

Le Royaume-Uni avait déjà opéré une réforme majeure en 2009. Jusqu’à cette date, en l’absence de sous-salaire, les salariés des restaurants et pubs britanniques pouvaient être rémunérés exclusivement par trois types de pourboires : la « charge de couvert », le « service compris » et les pourboires discrétionnaires des clients.

Le royaume a décidé, en 2009, de les retirer de l’assiette de vérification du salaire minimum – le terme technique qui désigne tous les éléments de rémunération monétaire ou en nature (logement, nourriture) retenus pour le calcul du salaire minimum. Les pourboires devaient donc désormais venir en complément d’une rémunération fixe au moins égale au salaire minimum. Il n’y eut pourtant ni vague de faillites ni déclin de l’emploi.

En effet, dans un secteur dépendant essentiellement d’une demande locale peu élastique, les augmentations du coût du travail sont répercutées sur les prix des menus. Une rémunération plus forte et plus stable permet également d’augmenter la productivité et de conserver les salariés les plus performants. De même, des revenus plus importants permettent aux étudiants, jusqu’alors obligés de travailler à temps plein pour financer leurs études, de passer à temps partiel, permettant une forme de partage du travail.

Demande peu sensible à une augmentation des prix

La situation française est aujourd’hui proche de la situation britannique d’avant 2009 pour le personnel au contact de la clientèle. Leur salaire peut être constitué de tout ou partie des pourboires centralisés par l’employeur. Si l’employeur ne tient pas de registre de répartition, les cotisations sociales sont calculées sur des bases fictives, dites assiettes forfaitaires, reflétant les grilles de la branche HCR (hôtels, cafés, restaurants) ; les salariés accumulent alors des droits chômage, maladie et retraite minimaux. Parallèlement, les salariés sans contact [avec les clients], les cuisiniers notamment, ne peuvent percevoir une part des pourboires.

Il vous reste 29.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Bretagne, la victoire des salariés empoisonnés aux pesticides

Edith Le Goffic (ici, le 9 juin 2015) vient d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de Nutréa dans le suicide de son mari.

« C’est l’aboutissement d’un long combat, après tant d’années. » Dans les yeux bleus d’Edith Le Goffic se lit une part de soulagement malgré le chagrin. En mars 2014, son mari, Gwenaël, 41 ans, s’est suicidé sur son lieu de travail, l’entreprise d’agroalimentaire spécialisée dans l’alimentation animale Nutréa, à Plouisy, dans les Côtes-d’Armor. Après six ans et demi de bataille judiciaire, le lundi 8 mars, cette employée commerciale de 48 ans a enfin pu souffler : l’entreprise a choisi de ne pas se pourvoir en cassation.

En janvier, la cour d’appel de Rennes a acté la responsabilité de la société et sa faute inexcusable quant au suicide de son conjoint. Elle déclare : « L’employeur a violé les obligations s’imposant à lui en matière de sécurité et destinées à protéger tant la santé mentale que physique de Gwenaël Le Goffic. » « Leur attitude inhumaine, leur volonté d’étouffer l’affaire m’ont donné envie de me battre », ajoute la mère de deux enfants, pleine d’émotion, dans les modestes locaux de l’Union syndicale Solidaires à Saint-Brieuc.

Céphalées, nausées, diarrhées

C’est ici que tout a commencé, ou presque, dans cette salle où sont réunies ce matin-là toutes les parties qui combattent l’entreprise. En juin 2010, Stéphane Rouxel, réceptionneur de céréales sur le site de Nutréa à Plouisy, franchissait la porte du syndicat. Un an plus tôt, lui et son collègue Laurent Guillou étaient intoxiqués par du dichlorvos, un insecticide dangereux et interdit en France depuis 2007, utilisé à au moins deux reprises pour éradiquer charançons et autres vers de farine dans les silos de céréales.

« Notre syndicat, la CFDT, nous a demandé de ne rien dire, de ne pas faire de vague. Mais, nous, on ne pouvait plus travailler, on saignait de partout. » Stéphane Rouxel, ex-salarié de Nutréa

« Tous les soirs, on devait couper la ventilation dans le lieu de stockage des céréales pour faire des économies d’énergie », raconte le second. Très vite, les deux hommes, qui ont été en contact avec le produit, ont ressenti des symptômes : céphalées, maux de ventre, nausées,
diarrhées, irritations des voies aériennes, brûlures cutanées… et ont souhaité alerter leur entreprise, filiale du groupe d’agroalimentaire Triskalia (aujourd’hui Eureden), géant aux 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018.

« Notre syndicat, la CFDT, nous a demandé de ne rien dire, de ne pas faire de vague, soupire Stéphane Rouxel, physique trapu et regard perçant. Mais, nous, on ne pouvait plus travailler, on saignait de partout. Il fallait qu’on aille plus loin. »

Il vous reste 57.8% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Participez au salon de la formation continue organisé par « Le Monde » le samedi 27 mars

Si cette période de crise incite beaucoup de cadres et de managers à instaurer de nouvelles dynamiques de travail, elle est aussi propice à la réflexion pour se poser de bonnes questions sur son avenir : évolution de carrière, reconversion…

Ce salon de la formation continue 100 % en ligne, organisé par Le Monde samedi 27 mars 2021, s’adresse à tous les cadres en activité. Il a pour ambition de permettre à chacun de se renseigner sur les différents types de diplômes, sur les propositions des écoles en matière de programmes, de rythmes, d’objectifs, de financement, et de repartir avec le plein de conseils et d’informations personnalisées.

Salon virtuel Execution Education | Masters, MBA, MS

Le 27 mars 2021, de 10 heures à 18 heures : une journée pour trouver la formation continue qui donnera un nouvel élan à votre carrière.

S’inscrire à l’événement

Trois conférences animées par une journaliste spécialisée

  • MBA-EMBA : une bonne idée en temps de crise ?
  • Executive master : quelle plus-value ?
  • Reconversion : quelle formation pour changer de carrière ?

Sur le tchat, vous pourrez poser toutes vos questions en direct à notre journaliste ainsi qu’aux différents acteurs des établissements participants à ces rencontres-conférences en ligne.

Des lives, des master class et des rencontres avec les écoles

  • Près de 20 écoles (dont l’Essec, l’ESCP, HEC Lausanne, Audencia, Sciences Po, Neoma BS) présenteront leurs formations : procédures d’admission, cursus, rythme de la formation, financement, débouchés…
  • Près de 30 lives et master class seront organisés par les écoles
  • Les visiteurs pourront aussi prendre rendez-vous individuellement en ligne pour échanger avec les directeurs de programmes.
     

Le salon Executive Education du « Monde »
En live, le 27 mars 2021
Sur inscription

Le Monde

La portabilité de la mutuelle en cas de perte d’emploi est possible mais pas automatique

« Les démissions considérées comme légitimes par Pôle emploi, permettent aussi au salarié de percevoir une allocation chômage et donc de bénéficier de la portabilité de la mutuelle de son ancienne entreprise. »

Nos confrères de Que choisir l’ont récemment rappelé : si un salarié perd son emploi, lui et ses éventuels ayants droit peuvent continuer à bénéficier gratuitement de la complémentaire santé de l’entreprise pendant une durée égale à la période d’indemnisation par Pôle emploi, dans la limite de douze mois. Cette « portabilité » s’applique aussi aux contrats de prévoyance souscrits par les entreprises pour couvrir leurs salariés en cas de décès, d’incapacité ou d’invalidité.

Alors que la plupart des économistes prédisent la montée inexorable du chômage, le recours à ce dispositif risque de s’accentuer. Mais les modalités de cette couverture demeurent méconnues : sur les forums spécialisés, les témoignages de personnes s’interrogeant sur leur droit à la portabilité abondent.

Pas automatique

Sur LégiSocial, une licenciée économique découvre ainsi que son contrat de mutuelle a été résilié à la suite de la liquidation judiciaire de son entreprise. Sur le forum-juridique.net-iris.fr, une autre salariée qui négocie une rupture conventionnelle avec son employeur se demande si elle pourra en bénéficier alors qu’elle est en congé maladie. Sur Ameli.fr, un autre salarié en invalidité voit la portabilité refusée et d’aucuns, dans la même situation, témoignent avoir reçu un courrier de leur ancienne mutuelle leur demandant de rembourser le trop-perçu…

Le maintien de la mutuelle n’est effectivement pas automatique.

D’une part, ce dispositif exclut un certain nombre de cas, dont le licenciement pour faute lourde et le départ à la retraite.

Et d’autre part, la portabilité de la couverture est subordonnée au versement des allocations-chômage.

Lire aussi Quel est l’impact du chômage partiel sur la retraite ?

Si, pour une raison ou une autre, le salarié n’y a pas droit, en cas de démission par exemple, il ne pourra pas non plus être couvert gratuitement par la mutuelle de son ancienne entreprise. Pour bénéficier de la portabilité, « il faut que la démission ouvre droit à l’assurance-chômage », martèle Marion Robert, avocate associée au sein du cabinet Actance.

Le salarié qui négocie une rupture conventionnelle peut donc conserver gratuitement sa couverture pendant quelques mois. Les démissions considérées comme « légitimes » par Pôle emploi, permettent aussi au salarié de percevoir une allocation-chômage et donc de bénéficier de la portabilité de la mutuelle de son ancienne entreprise : lorsqu’il s’agit de suivre son conjoint qui déménage pour motif professionnel, par exemple. La liste des motifs de démission considérés comme « légitimes » se trouve ici.

Il vous reste 49.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Télétravail pendant le confinement : la piqûre de rappel du premier ministre

La règle reste inchangée mais elle doit être scrupuleusement respectée. Lors de sa conférence de presse consacrée à la lutte contre la crise sanitaire, Jean Castex a, une fois de plus, exhorté tous les employeurs, privés et publics, qui le peuvent à « pousse[r] au maximum le télétravail ». « L’objectif » à atteindre est « au moins quatre jours sur cinq » en activité à distance, a ajouté, jeudi 18 mars, le premier ministre, précisant que les salariés gardent la possibilité de venir à leur poste, un jour par semaine, s’ils le demandent.

Lire notre analyse : Avec un troisième confinement pour une large partie de la France, le gouvernement défend sa « troisième voie »

Mise en place en début d’année, cette doctrine n’est pas autant suivie que l’exécutif le voudrait : « Beaucoup d’entreprises en sont encore loin aujourd’hui », a déploré M. Castex. Pour étayer son propos, le chef du gouvernement a cité « la dernière étude » de l’Institut Pasteur, montrant que les lieux de travail « représentent 29 % des cas [de contamination] identifiés ».

L’inspection du travail attentive

De son côté, le ministère du travail rapporte que l’activité à distance « est globalement en légère hausse depuis le mois de janvier », pour ceux qui peuvent « facilement » accomplir leurs tâches ainsi. Une appréciation étayée par des sondages réalisés, à intervalles réguliers, par l’Institut Harris. Une autre enquête menée en février par l’inspection du travail dans près de 1 600 entreprises aboutit au constat qu’une « majorité » de patrons se conforment aux consignes gouvernementales. Ceux qui s’en affranchissent – « environ 16 % » – font l’objet d’une surveillance de la part des services déconcentrés de l’État.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le confinement, et la fermeture de 110 000 commerces « non essentiels », va lourdement peser sur l’économie

Cherchant à peser sur les comportements, la ministre du travail, Elisabeth Borne, a tenu des rencontres, en visio-conférences, avec des représentants des branches professionnelles considérées comme des mauvaises élèves (banques, assurances, ingénierie-conseil). A ces séances de pédagogie se sont ajoutés quelques coups de bâton : d’après l’entourage de Mme Borne, l’inspection du travail a adressé, depuis octobre 2020, 55 mises en demeure à des entreprises où les conditions sanitaires n’étaient pas satisfaisantes, du fait, entre autres, d’un recours insuffisant au télétravail.

Mais la sortie de M. Castex, jeudi soir, prouve qu’il y a encore un petit bout de chemin à parcourir. La piqûre de rappel administrée par le premier ministre « se justifie, au vu de l’évolution épidémique », commente François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). L’Association nationale des directeurs de ressources humaines, elle, apprécie modérément les propos du chef du gouvernement : son vice-président, Benoît Serre, confie qu’« il n’était peut-être pas nécessaire de faire croire qu’il faut stigmatiser les entreprises ». « Elles jouent le jeu, globalement », complète-t-il, soulignant que le point d’« équilibre » n’est pas évident à trouver : il faut à la fois veiller à la santé du personnel, maintenir l’activité de la société et tenir compte de la lassitude de collaborateurs qui « n’en peuvent plus » de travailler à distance.