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L’efficacité de la lutte contre le sexisme à Radio France remise en cause après la diffusion du documentaire de Marie Portolano

Il n’y a pas qu’à Canal+ que Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, le documentaire de Marie Portolano, diffusé dimanche 21 mars sur Canal+, a fait l’effet d’une bombe. Le témoignage qu’y livrait la spécialiste de rugby Amaia Cazenave a répercuté la détonation jusqu’à Radio France, où la journaliste officiait jusqu’à fin décembre 2020.

En exposant sur la place publique ce qui reste d’ordinaire confiné dans l’espace de l’entreprise, la jeune femme a réveillé la parole de collègues victimes de harcèlement ou d’agissements sexistes au sein du groupe radiophonique et restées insatisfaites, elles aussi, de l’accueil réservé à leurs signalements.

Interrogée mardi 23 mars sur France Info, la future chef adjointe du service des sports du Parisien a décrit les humiliations et l’environnement misogyne dans lequel elle a travaillé au sein d’une station locale de France Bleu d’abord, puis à la rédaction nationale des sports, à Paris. A deux reprises, rappelle-t-elle au Monde, elle a alerté la cellule de lutte contre les discriminations – ainsi que sa direction et la direction des ressources humaines (DRH), indépendamment. Sans résultat probant la première fois, puis « sans aller jusqu’au bout », c’est-à-dire sans réclamer le déclenchement d’une enquête, par manque de confiance en son interlocuteur, la deuxième fois.

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D’autres jeunes femmes, des « CDDettes » comme elles s’appellent entre elles, nous ont fait part de situations similaires. Après avoir signalé à la cellule d’écoute du harcèlement moral, des commentaires dégradants ou des agissements sexistes, elles ont eu le sentiment d’être « abandonnées ». « Nous avions pourtant été assurées que nous aurions un accès total aux conclusions de l’enquête, explique l’une d’elles, en poste dans une importante locale de France Bleu. Alors qu’elle est terminée depuis plus de six mois, nous ne sommes toujours au courant de rien. »

« Impunité »

« Nous faisons un retour systématique aux plaignants ainsi qu’aux mis en cause lorsqu’une enquête est terminée, conteste Catherine Chavanier, la DRH de Radio France. C’est ce que prévoit notre méthodologie. »

Dans un rapport qu’il a achevé à l’automne 2020, Renaud Dalmar, le référent des salariés sur les questions de harcèlement sexuel et les agissements sexistes à Radio France, pointe pourtant du doigt, lui aussi, l’absence d’information sur les sanctions prononcées, alors que « l’impunité est l’élément déterminant de bon nombre de ces agissements (…) et le silence, un terrain propice ». Tout en attestant d’une « vraie volonté » de sa direction de traiter ces affaires avec sérieux, l’élu CFDT regrette « les fausses sanctions que sont les mutations », qui « parfois se révèlent même devenir des sanctions-promotions ».

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Faillites : environ 22 000 entreprises seraient « en sursis »

Le secteur de la construction serait, selon Coface, le plus concerné par ces défaillances « manquantes ».

En dépit de la crise économique, la plus violente depuis la dernière guerre, la « vague » des faillites redoutée en 2020 ne s’est pas concrétisée. Leur nombre a même connu une chute historiquement faible, de 38 %, avec 31 500 entreprises seulement en dépôt de bilan. Un recul redevable aux mesures d’urgence et de soutien mises en place par le gouvernement, aux prêts garantis par l’Etat (PGE) et au dispositif de chômage partiel.

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Mais, comme le rappelle l’assureur-crédit Coface dans une note publiée le 23 mars, « ce paradoxe laisse penser qu’il existe des défaillances manquantes », des entreprises non-viables dont la survie n’est liée qu’aux aides publiques. La France compterait, selon les projections, 22 000 entreprises dans cette situation, dont la faillite devrait « se matérialiser progressivement d’ici à 2022 ». Les difficultés apparaîtront avec la fin des aides, mais aussi lors du retour à la normale de l’ensemble des secteurs économiques, explique l’économiste Bruno de Moura Fernandes, car la reprise de l’activité nécessite des dépenses supplémentaires qui vont affecter la trésorerie de ces sursitaires.

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Mais il est vraisemblable que ces faillites ne prendront pas la forme d’une vague, mais qu’elles se produiront plutôt sur longue période. « On suppose en effet que les aides seront retirées de façon graduelle et progressive », ajoute M. de Moura Fernandes. « Par ailleurs, les enquêtes montrent que les entreprises, notamment les PME, ne prévoient pas de rembourser les PGE par anticipation mais veulent plutôt étaler les remboursements au maximum. Il n’y aura donc sans doute pas de choc brutal sur la trésorerie des entreprises, mais une hausse étalée des défaillances ». C’est surtout lors du premier trimestre 2022 qu’elles devraient apparaître, selon l’expert. Leur matérialisation, surtout, sera « directement corrélée à la rapidité avec laquelle les mesures de restriction prendront fin » – qui découle elle-même de la vitesse des campagnes de vaccinations.

« Il n’y aura donc sans doute pas de choc brutal sur la trésorerie des entreprises, mais une hausse étalée des défaillances », Bruno de Moura Fernandes, économiste chez Coface

C’est le secteur de la construction qui serait, selon Coface, le plus concerné par ces défaillances « manquantes » . Un autre paradoxe alors que le BTP a retrouvé son niveau d’activité d’avant crise dès la fin de l’année 2020. Pourtant, pas moins de 8 600 entreprises de construction seraient aujourd’hui en sursis. Cela s’explique par le fait que les faillites sont structurellement bien plus fréquentes dans ce secteur, en temps normal : la construction compte d’ordinaire pour 26 % des défaillances en France. De plus, compte tenu justement du fait qu’elles ont pu retrouver rapidement un niveau d’activité normal, ces entreprises « ont reçu peu d’aides », précise M. de Moura Fernandes.

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Reconversions professionnelles : le Conseil économique, social et environnemental appelle à un changement d’échelle massif

« Les budgets alloués au projet de transition professionnelle (PTP), qui a succédé au congé individuel de formation, mobilisé pour les formations longues, sont passés de plus d’un milliard d’euros à moins de 500 millions d’euros. »

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté, mardi 23 mars, un avis sur « les reconversions professionnelles » dans lequel il appelle à aller plus loin dans la réforme de la formation professionnelle. Tout en dressant un bilan plutôt favorable des multiples réformes de la formation professionnelle engagées ces dernières années, le CESE invite à « un changement d’échelle massif » pour éviter qu’une partie croissante des actifs se retrouvent exclus du marché du travail, faute de qualifications suffisantes.

Cette instance consultative, composée de représentants issus de la société civile, insiste sur l’urgence d’avoir des dispositifs efficaces pour faire face à l’impact sur l’emploi de la crise sanitaire. « Si l’ampleur des dispositifs d’activité partielle a permis de limiter, à court terme, la détérioration du marché du travail, celle-ci risque d’intervenir, avec retard, sur les trimestres à venir », prophétisent les auteurs de l’avis, Florent Compain (ancien président de la fédération Les Amis de la Terre) et Bernard Vivier (professeur à la Faculté libre de droit et d’économie et de gestion de Paris).

La crise sanitaire précipite les mutations en cours. Alors que la modification des comportements des consommateurs donne un coup d’accélérateur aux transitions écologiques et numériques, les besoins se renforcent sur des métiers techniques très qualifiés et certains métiers pénibles et peu considérés, laissant de côté les emplois de « milieu de gamme », note le CESE. Par ailleurs, une bonne partie des métiers porteurs nécessitent d’actualiser et de « verdir » ses compétences (dans l’informatique, le BTP, le médico-social, etc.).

Les sources de financement s’amenuisent

Ces mutations du marché de l’emploi marginalisent « les jeunes arrivants sur le marché du travail et que la formation initiale n’a pas positionnés sur un métier offrant suffisamment d’opportunités », ainsi que « les personnes en deuxième partie de carrière, dont les qualifications initiales ne sont plus reconnues », regrette le CESE. Ces deux catégories d’actifs doivent se lancer dans des formations longues et coûteuses pour se remettre en selle.

Or, les sources de financement s’amenuisent. Avec la loi de 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, qui simplifie les dispositifs de formation, « le législateur a fait œuvre utile », considère le CESE. Mais la suppression partielle de l’obligation faite aux employeurs d’investir dans la formation de leurs salariés, en 2014, lui a porté un coup. « Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, les montants mutualisés à la formation professionnelle des actifs occupés du secteur privé ont décru de 3,1 % en 2017 », rapporte le CESE.

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« Télétravail » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

Dans les archives du « Monde », l’occurrence « télétravail » va apparaître plus souvent en un an que durant les quarante années qui ont précédé.

« On se voit demain ?

— Non, je suis en télétravail. »

Depuis un an, qui n’a pas entendu cet échange devenu viral ? Ou l’un de ses multiples variants : « Je travaille à la maison », « Tu peux me joindre chez moi », et, plus technocrate, « Je suis en distanciel » ? Par temps de pandémie, le télétravail s’impose comme une norme, une panacée anti-Covid-19 et une scie de la communication gouvernementale. « Le télétravail sera généralisé partout où cela est possible », prescrit Emmanuel Macron. « Au moins quatre jours sur cinq en télétravail », renchérit Jean Castex, qui fixe la posologie.

Etre ou ne pas être en télétravail. Telle est la question. Elle traverse aujourd’hui comme une évidence tous les bureaux, et seulement les bureaux, ne l’oublions pas, tant il s’agit là d’une controverse métaphysique de ronds-de-cuir. Dans les entreprises de l’économie dématérialisée, même les employés se sont volatilisés. Les couloirs sonnent le creux, les locaux ressemblent à des appartements témoins, les réunions en visioconférence ont tout de discussions entre Houston et la Lune, un rendez-vous à la machine à café nécessite un agenda.

L’âge de la télématique

Bien avant de devenir une obsession de tous les jours, le mot est arrivé subrepticement dans les colonnes du quotidien, le 13 décembre 1979. Gribouillé sur un bon vieux papier journal, il déboule à la dernière phrase d’un article d’Alain Faujas consacré à une innovation technologique, la télématique. Ce dernier terme est encore nébuleux, à l’époque. Il signifie, doit expliquer l’auteur, un « couplage, grâce au réseau téléphonique, d’ordinateurs que les utilisateurs peuvent consulter à distance grâce à un téléviseur ».

L’expression est sortie d’un rapport rendu en janvier 1978 au président Valéry Giscard d’Estaing par un haut fonctionnaire de renom, Simon Nora, et un jeune énarque de 27 ans, major de la promotion Léon-Blum et geek avant l’heure, Alain Minc. Sobrement baptisé « L’informatisation de la société », ce texte passe aujourd’hui pour une des premières tentatives en France de penser le monde numérique. S’il n’utilise pas le mot « télétravail », il en décrit déjà la réalité.

La télématique inaugure l’âge du Minitel, dont les premiers terminaux seront testés en 1980, et lancés sur le marché par les PTT en 1982. Le concept enferme des applications encore très floues. On pressent simplement que le transport massif de données par des câbles informatiques sur de longues distances est lourd de chamboulements pratiques. On hume vaguement la révolution en gestation. « Rêvons », écrit l’auteur en imaginant un PDG pilotant ses salariés à distance depuis un terminal d’ordinateur.

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Commencer un emploi à distance, un exercice d’équilibriste

Un télétravailleur à son domicile, le 18 mars à Niort.

Alexia, jeune cadre spécialiste de la logistique, a débuté un nouveau travail durant le premier confinement, en télétravail. « J’ai vraiment eu du mal à trouver ma place et à nouer des liens. En réunion en visio, je ne savais pas ce que je pouvais dire ou pas, si je pouvais blaguer… Je suis restée très en retrait pendant un bout de temps », rapporte-t-elle. Outre les difficultés pour trouver sa place, Alexia se souvient aussi avoir tardé à se sentir opérationnelle : « Quand on change de structure, toutes les procédures et les outils changent. Ne pas savoir comment faire les choses a été pour moi très stressant. Au bureau, on peut interpeller la personne à côté, mais en distanciel, quand les gens ne répondent pas par mail, on se retrouve juste seul face à son problème. »

Depuis un an, les jeunes qui ont réussi à décrocher un emploi ont fait leurs premiers pas dans l’entreprise de manière totalement inédite en raison de la pandémie. Un exercice forcément difficile pour les nouvelles recrues, selon Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à Aix-Marseille Université : « Quand on arrive dans une entreprise, on apprend un nouveau travail, mais aussi à connaître son équipe. Certaines choses ne sont pas formalisées et s’acquièrent en observant ses collègues ou en discutant à la machine à café. Ce sont des choses toutes bêtes mais qui sont primordiales pour la bonne socialisation. » Le distanciel rend alors plus difficile la compréhension du fonctionnement de l’entreprise pour les nouveaux venus, qui peuvent plus rapidement se sentir isolés.

Une situation potentiellement facteur de stress, mais aussi de perte de sens. Laura (le prénom a été modifié), 30 ans, a débuté un nouveau poste de responsable des services culturels d’une mairie au printemps 2020 : « Malgré toute la bienveillance de mon équipe et leur disponibilité, même un an après, je ne me rends pas encore compte de ma capacité à m’épanouir sur ce poste, vu que je n’ai pas connu une situation normale. Et puis j’ai passé mes premiers mois à annuler des événements culturels, alors que mon travail aurait dû être d’en programmer. » La jeune femme a aussi l’impression de prendre du retard : « Je n’ai pas commencé à constituer mon réseau, alors que c’est crucial dans ce métier. »

Ce nouveau monde du travail en distanciel est marqué par un formalisme beaucoup plus poussé dans tous les échanges. Sans discussions quotidiennes pour dissiper les frictions, et alors que le second degré passe difficilement à l’écrit, la tension peut monter plus facilement.

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Soleil, yoga, haut débit… Madère en appelle aux télétravailleurs de tous les pays

A Ponta do Sol, tout a été organisé pour le confort de la communauté des travailleurs nomades.

Bienvenue à Ponta do Sol, village de l’île de Madère de 8 200 habitants, constitué de vallées verdoyantes, de quelques restaurants, d’une plage rocailleuse et de sa centaine de « nomades numériques » venus concilier travail à distance et détente au soleil.

Employés en télétravail, autoentrepreneurs ou free-lances, ces visiteurs réinventent le métro, boulot, dodo en privilégiant une destination ensoleillée, abordable et offrant un accès haut débit à Internet. Une pratique qui compte de plus en plus d’émules auprès d’une génération biberonnée à Erasmus et facilitée par l’explosion des nouvelles technologies.

La pandémie de Covid-19 n’a fait que renforcer ce phénomène en attirant ces nouveaux travailleurs sans bureau fixe, redécouvrant, durant les phases de confinement, l’envie furieuse de fuir les métropoles.

« Les touristes ne sont que de passage, tandis que les nomades digitaux restent ici plusieurs mois et consomment donc localement. » Gonçalo Hall, entrepreneur

Nomade numérique lui aussi, Gonçalo Hall a mis sur pied ce qu’il appelle « le premier village de nomades digitaux » en trois mois seulement, avec l’étroite collaboration du gouvernement régional de Madère. Partenariat avec des sociétés immobilières et des loueurs de voitures, mise en place d’un Slack pour faciliter la communication dans la communauté, accès gratuit à un espace de travail partagé, proposition d’activités durant la journée (yoga, méditation, fitness, randonnée, plongée et observation des dauphins et baleines le week-end)… Tout a été pensé pour faciliter la venue et le séjour des travailleurs jusqu’à la date butoir de fin de projet, le 30 juin.

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« J’ai comme l’impression de ne plus être sur la planète Terre, c’est incroyable et motivant de pouvoir travailler dans un tel cadre idyllique et d’échanger avec des personnes de toute l’Europe », se réjouit Spela Tezak, Slovène fraîchement arrivée, après un an sans voyages, à Ponta do Sol, où les bars et les restaurants sont ouverts.

Compenser l’hécatombe des recettes touristiques

Le but de ce village de nomades numériques est aussi, pour ne pas dire surtout, de contrebalancer l’hécatombe des recettes touristiques, qui représentent normalement plus de 20 % du produit intérieur brut de Madère.

« Les touristes ne sont que de passage, tandis que les nomades digitaux restent ici plusieurs mois et consomment donc localement », explique Gonçalo Hall. Une aubaine pour Carla Pereira, serveuse au restaurant Caprice : « C’est une très bonne initiative pour combler le manque de touristes dû à l’épidémie. En plus, ils sont vraiment sympathiques », se réjouit-elle.

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EDF : mobilisation en Normandie contre le projet « Hercule »

Lors d’un rassemblement contre le projet « Hercule » d’EDF, devant la centrale du Blayais, en Gironde, jeudi 25 mars 2021.

En mode guerrier (« Macron se prend pour Hercule ») ou plus subtil (« Eux, Hercule. Nous, on avance »). Baptisé « Hercule », le projet controversé de réorganisation d’EDF s’est prêté, sans surprise, aux jeux de mots des opposants syndicaux et politiques réunis, jeudi 25 mars matin, devant la centrale nucléaire de Penly, près de Dieppe, en Seine-Maritime.

A l’appel de la CGT, ils étaient plus d’une centaine à tenir le piquet de grève dès l’aube, distribuant des tracts, filtrant les entrées des salariés bloqués dans leurs voitures. D’autres sites français ont été concernés, comme la centrale du Blayais, en Gironde, au nord de Bordeaux, où plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées. A l’instar des multiples journées d’action menées ces derniers mois, le mot d’ordre est clair : dénoncer « le démantèlement et la privatisation » à venir de l’électricien français.

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D’après la CGT, près de 30 % de grévistes ont été comptabilisés à Penly, et 20 % à Paluel, l’autre centrale de Seine-Maritime. Aucune action visant à baisser la production n’a, cette fois, été entreprise. Si la participation a légèrement fléchi en Normandie, au regard des mobilisations antérieures, le syndicat ne s’inquiète pas. « Localement, nous étions les seuls à appeler à la grève, ce jeudi », relativise Nicolas Vincent, délégué syndical CGT à Penly, qui a déjà en tête la mobilisation du 8 avril, jour symbolique du 75e anniversaire de la loi de nationalisation fondatrice d’EDF et de GDF. « Ce prochain mouvement, à l’appel de l’intersyndicale, sera très suivi », anticipe-t-il.

Une réforme qui vise à scinder le groupe en trois parties

La réforme « Hercule », lancée en 2019, est portée par la direction d’EDF, elle-même poussée par le gouvernement. Elle vise à scinder le groupe en trois parties : EDF Bleu, une entité publique, rassemblerait les activités nucléaires ; EDF Vert, côté en Bourse et ouvert aux capitaux privés à hauteur de 35 %, regrouperait la vente d’électricité, les énergies renouvelables et le distributeur Enedis ; EDF Azur, enfin, concentrerait les barrages hydroélectriques.

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A l’origine de ce colossal projet, on trouve la lente et incertaine négociation menée, à Bruxelles, par le gouvernement français. En échange de ce projet « Hercule », l’exécutif espère, en effet, convaincre la Commission européenne de revoir le mécanisme appelé Accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh). « Ce poison », selon Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, oblige l’entreprise, surendettée et fragile financièrement, à vendre, à prix fixe, une part de sa production à ses concurrents.

A Penly, la CGT milite, elle aussi, pour la suppression de ce dispositif, mais « en tordant le bras » à Bruxelles. « Et non pas par le biais de ce projet, synonyme de perte de souveraineté en matière énergétique, assène Nicolas Vincent, de la CGT. Une puissance étrangère qui prendrait le contrôle pourrait dicter ses conditions… » Le maintien annoncé du parc nucléaire dans le giron public ne les satisfait pas pour autant. « Car ils oublient de dire que le financement du parc se fait grâce à la vente d’électricité. Si elle passe au privé, qui va payer ? Le contribuable », estime, pour sa part, Sylvain Chevalier, secrétaire CGT du comité social et économique à Paluel.

« Un saucissonnage opéré en catimini »

Les syndicats peuvent compter sur le soutien d’un arc politique allant du Parti communiste à Europe Ecologie-Les Verts, en passant par le Parti socialiste et Les Républicains. Jeudi, seuls des élus de gauche – dont trois candidats putatifs aux prochaines élections régionales en Normandie – étaient présents devant la centrale de Penly. Critiquant « un saucissonnage effectué en catimini » et anticipant « un impact sur le prix pour l’usager », Sébastien Jumel, député PCF de Seine-Maritime, s’interroge sur « la nature du deal » négocié avec Bruxelles : « Comment garantir le caractère intégré de l’entreprise ? Comment s’assurer que les filiales d’EDF ne se concurrenceront pas entre elles ? Personne ne nous répond. »

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Pour Eric Coquerel, député La France insoumise de Seine-Saint-Denis, ce projet « ne vise qu’à socialiser les pertes et privatiser les profits ». Et d’appeler, au contraire, « à la création d’un grand pôle public de l’énergie ». La vice-présidente socialiste de la Métropole Rouen-Normandie, Mélanie Boulanger, voit, elle, dans le projet « Hercule » un facteur d’inégalités : « Nous n’aurons plus accès à l’énergie dans les mêmes conditions, où que l’on habite, et sept jours sur sept. »

Tous espèrent « faire plier le gouvernement », en sachant le temps compté. Selon Sébastien Jumel, l’exécutif voudrait en effet « accélérer le calendrier » et aurait, à l’en croire, ciblé « une fenêtre de tir pour mettre en œuvre son projet entre l’été et l’automne ».

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Pourquoi le télétravail n’est-il pas obligatoire ?

Selon l’enquête de suivi de Harris Interactive commandée par le ministère du travail, 58 % des actifs disent que leur métier peut être exercé en télétravail. Emilie et Mathieu Satostefano partage le même espace, chez eux, à Niort (Deux-Sèvres), en mars 2021.

« Il faut s’y mettre. » Emmanuel Macron a fait passer, mardi 23 mars lors d’une visite à Valenciennes dans un centre de vaccination, « un message très clair » en demandant aux employeurs et aux entreprises de se mettre au télétravail pour freiner la propagation du Covid-19. Un refrain déjà entonné jeudi 18 mars par le premier ministre, Jean Castex, qui a demandé « à toutes les entreprises et administrations qui le peuvent » de mettre en place le télétravail « au moins quatre jours sur cinq », alors qu’il annonçait un reconfinement nouvelle formule dans seize départements. Une instruction a été envoyée aux préfets de région et de département des zones confinées pour leur demander d’établir un plan d’action pour renforcer l’usage du télétravail. Car depuis novembre 2020, de moins en moins de salariés font du télétravail, avait alerté la ministre du travail, Elisabeth Borne, début février.

Selon l’enquête de suivi de Harris Interactive commandée par le ministère du travail, pendant la semaine du 8 au 14 mars, 35 % des actifs ont télétravaillé (contre 36 % mi-janvier et 41 % début novembre 2020) alors même que 58 % disent que leur métier peut être exercé en télétravail. Et parmi les actifs pouvant télétravailler facilement, 35 % étaient exclusivement en présentiel (comme en janvier). Or une étude de l’Institut Pasteur réalisée en mars montre que les contaminations au travail représentent 15 % des cas identifiés de Covid-19.

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  • Une obligation pour les entreprises ?

Aucun décret n’a été adopté pour rendre le travail à distance obligatoire. « Si les recommandations du gouvernement sont extrêmement pressantes, la loi ne prévoit aucune obligation pour l’employeur de mettre en télétravail ses salariés », observe Guillaume Roland, expert en droit social.

Outre le protocole sanitaire en entreprise, c’est le code du travail qui fixe la règle en matière de télétravail (articles L1222-9 à L1222-11). Qu’il soit occasionnel ou régulier, ce dernier doit être décidé par un « accord collectif » ou « dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur, après avis du comité social et économique [CSE] ». En l’absence d’accord collectif, voire de CSE, l’employeur et le salarié peuvent décider de recourir au télétravail et de le formaliser librement sous la forme qui leur convient. L’employeur peut refuser d’accorder le télétravail à un salarié mais doit motiver sa réponse.

  • Un employeur peut-il imposer le télétravail ?

S’il peut refuser le télétravail, l’employeur a aussi le pouvoir de l’imposer à ses salariés, en l’absence d’accord collectif ou de charte, en cas de « circonstances exceptionnelles ». L’article L. 1222-11 du code du travail mentionne explicitement le « risque épidémique » depuis 2017 parmi les motifs pouvant justifier le recours au télétravail. L’employeur décide quel poste de travail est concerné. Depuis début janvier, il est possible pour le salarié de demander un retour sur site un jour par semaine.

Vis-à-vis du télétravail, « une forme de lassitude prévaut et il devient de plus en plus difficile aux employeurs de l’imposer. De nombreux salariés disent souffrir d’isolement et souhaitent retrouver les locaux de l’entreprise », a alerté, mardi, l’organisation patronale représentant les petites et moyennes entreprises, la CPME. Près d’un salarié sur deux (45 %) se dit en détresse psychologique, selon un baromètre Opinion Way réalisé pour le cabinet Empreinte Humaine, publié mardi. Parmi les plus exposés, les jeunes de moins de 30 ans, les femmes, mais aussi les managers qui peinent à gérer leur équipe à distance.

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  • Quelles sont les mesures mises en place ?

Le protocole sanitaire national mis en place pour accompagner les entreprises dans la lutte contre le coronavirus est publié sur le site du ministère du travail depuis plusieurs mois, et régulièrement actualisé à chaque nouveau confinement. Le Conseil d’Etat a rappelé au ministère du travail « que ces textes n’étaient que des recommandations pour les employeurs et qu’ils n’avaient aucune obligation légale de contrainte ».

Un nouveau protocole en entreprise a été publié mardi 23 mars. Il précise notamment les mesures resserrées pour les seize départements concernés par les nouvelles restrictions depuis samedi et vise à renforcer les obligations en matière de télétravail. Selon ce protocole, « les entreprises définissent un plan d’action pour les prochaines semaines pour réduire au maximum le temps de présence sur site des salariés, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise ». « En cas de contrôle, les actions mises en œuvre seront présentées à l’inspection du travail », précise le document.

« On est dans un système paradoxal d’injonctions contradictoires où l’employeur a la possibilité de faire ce qu’il veut et le gouvernement semble dire ce qu’il faut faire mais en réalité il ne peut pas l’imposer », souligne Guillaume Roland.

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  • Comment contraindre les entreprises ?

Au sortir du conseil de défense, mercredi, Gabriel Attal a prévenu que le gouvernement allait durcir sa ligne pour faire respecter ces recommandations dans le milieu professionnel. « Nous allons renforcer les contrôles et sanctions pour les entreprises qui, manifestement, ne voudraient pas appliquer cette mesure, là où c’est possible. Nous avons une exigence toute particulière vis-à-vis des administrations, pour des raisons sanitaires mais aussi d’exemplarité », a dit le porte-parole du gouvernement.

Mais « sans texte pénal, pas de sanction pénale », observe Guillaume Roland. Le ministère du travail souligne que ne pas respecter la nouvelle règle sur le télétravail « est un manquement à l’obligation de protection des salariés qui expose l’employeur à une sanction civile ou pénale ». L’employeur a en effet une obligation de santé et sécurité envers ses salariés. C’est la seule obligation qui découle du code du travail, qui prévoit que l’employeur doit prendre des mesures quant à la protection physique et mentale de ses salariés. Mais les mesures qui le permettent peuvent être différentes du travail à distance.

« Cette obligation de sécurité qui incombe à l’employeur est plus forte [pour faire appliquer le télétravail] que les protocoles émis par le gouvernement, remarque M. Roland. Le gouvernement envoie des inspecteurs du travail pour contrôler dans les grandes entreprises l’application du télétravail avec cette notion d’obligation de sécurité. C’est uniquement par ce biais que les inspecteurs du travail parviennent à faire évoluer les choses. »

La direction générale du travail a adressé, début février, une nouvelle instruction aux services de l’inspection du travail pour renforcer l’accompagnement et le contrôle sur la mise en œuvre du télétravail dans les entreprises et le respect des mesures de prévention face au Covid-19. Depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020 à début février, les agents de l’inspection du travail ont effectué 64 000 interventions liées à l’épidémie de Covid-19, selon des chiffres de la direction générale du travail. Près de quatre cents mises en demeure ont été adressées aux entreprises qui ne respectaient pas leurs obligations de prévention. Dans 93 % des cas, ces mises en demeure ont été suivies d’effets. Seules 7 % des entreprises se sont montrées rétives.

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Réforme de l’assurance-chômage : l’allocation de 1,15 million de demandeurs d’emploi pourrait baisser la première année

A l’agence Pôle emploi de Château-Gombert à Marseille, le 14 décembre 2020.

On commence à y voir un peu plus clair sur les effets de la réforme de l’assurance-chômage, dont le contenu vient d’être aménagé par le gouvernement. L’une des dispositions prévues, qui doit entrer en vigueur à partir du 1er juillet, pourrait entraîner une baisse de l’allocation pour quelque 1,15 million de demandeurs d’emploi, au cours des douze premiers mois durant lesquels cette nouvelle règle s’appliquera. C’est ce qui ressort d’un document présenté mercredi 24 mars aux membres du bureau de l’Unédic, l’association paritaire copilotée par les partenaires sociaux qui administre le régime.

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Cette note, dont des extraits ont pu être consultés par Le Monde, précise que la baisse du montant mensuel de la prestation serait de 17 % en moyenne. Parallèlement, ces mêmes personnes (au nombre de 1,15 million, donc) bénéficieraient d’une augmentation de la durée de leurs droits à indemnisation : autrement dit, elles pourraient être prises en charge plus longtemps par le dispositif. Parmi les chômeurs touchés par cette amputation de leurs ressources, 365 000 verraient leur allocation reculer de 885 euros net par mois à 662 euros, « en moyenne » toujours.

De telles évolutions résultent du changement de mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base pour déterminer la somme à allouer aux demandeurs d’emploi. Le gouvernement a modifié les règles, au motif que celles qui prévalaient jusqu’à présent étaient, à ses yeux, inéquitables : elles débouchaient, selon lui, sur des niveaux d’indemnisation différents pour des personnes ayant travaillé continûment à mi-temps et pour celles qui ont été employées à temps plein un jour sur deux, même si les unes et les autres ont effectué le même nombre d’heures, sur un laps de temps donné.

Des dispositions adoucies

Lorsqu’il avait levé le voile, le 2 mars, sur ses arbitrages, le ministère du travail avait indiqué qu’environ 800 000 chômeurs étaient susceptibles de voir le montant mensuel de leur prestation diminuer. Ce chiffre pourrait donc être plus important, d’après ces nouvelles évaluations de l’Unédic.

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Engagée il y a presque deux ans par le gouvernement d’Edouard Philippe, la réforme en question avait commencé à entrer en vigueur à partir du 1er novembre 2019. Mais à cause de la crise sanitaire et économique, le pouvoir en place avait décidé, l’an passé, de reporter – ou d’adoucir – quatre dispositions-clés. Trois d’entre elles, dénoncées par les syndicats, affectent les chômeurs : augmentation de la durée de cotisation pour bénéficier d’une allocation et recharger les droits ; dégressivité des sommes versées pour les moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut au minimum quand ils étaient en poste ; nouveau mode de calcul du SJR. Une quatrième mesure – dénoncée, elle, par le patronat – instaure un bonus-malus dans les coti­sations payées par les entreprises de sept secteurs : celles qui multiplient les contrats de courte durée sont soumises à des contributions majorées, tandis que les employeurs dont la main-d’œuvre est stable voient leurs prélèvements diminuer.

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Le chômage rechute en février

Finie l’embellie. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans activité) a enregistré une hausse de 0,6 % en février, soit 23 000 inscrits en plus, pour s’établir à 3,816 millions, selon les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiés jeudi 25 mars.

En incluant l’activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emploi en France (hors Mayotte) est stable en février (+ 2 300), s’établissant dès lors à 6,012 millions, selon le service statistique du ministère du travail.

Ces statistiques mensuelles sont publiées sans commentaire sur le site de la Dares, qui a décidé de revenir à une analyse des évolutions trimestrielles (moins volatiles), comme elle le faisait avant la crise sanitaire. En janvier, le nombre de chômeurs avait diminué de 0,9 % (– 34 600) pour ce qui est de la catégorie A et était déjà resté quasi stable dans l’ensemble des trois catégories.

Toutes les classes d’âge concernées

Selon la Dares, cette hausse de février concerne toutes les classes d’âge. Les sorties pour reprise d’emploi, qui avaient nettement baissé pendant le deuxième confinement (en novembre et en décembre), ont commencé à reprendre depuis janvier.

Les derniers résultats trimestriels, publiés fin janvier, avaient fait état au quatrième trimestre 2020 d’une diminution du nombre de chômeurs en catégorie A de l’ordre de 2,7 % par rapport au trimestre précédent.

Pour 2020, sous l’effet de la crise liée au Covid-19, la hausse du nombre de chômeurs a atteint 7,5 %, avec 265 400 inscrits de plus au 4e trimestre 2020 par rapport au 4e trimestre 2019.

Par ailleurs, en février, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) a diminué de 2,7 %, après une hausse de 18,8 % en janvier, portant à + 10,1 % l’évolution sur trois mois. L’évolution sur un an reste pour sa part négative (– 15, 6 %).

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Le Monde avec AFP