Archive dans février 2021

Pour les « promotions Covid », la crainte de diplômes au rabais

Un étudiant à l’université de Rennes 1. AFP / Damien MEYER

Léa devait partir pour un an au Mexique afin d’y étudier les représentations et les pratiques sanitaires. Mais en raison de la pandémie, l’étudiante en master d’anthropologie à l’université de Bordeaux a dû revoir ses plans. Pas question d’aller rencontrer des médecins sur le terrain. « Comme la plupart de mes camarades, je fais tous mes entretiens depuis mon salon, par Zoom ou WhatsApp », explique-t-elle. Une pratique moins enrichissante personnellement que si elle avait pu mener ces entretiens sur place… Elle craint d’en payer le prix dans les mois à venir pour trouver un stage, accéder au doctorat ou décrocher un poste. « Sans une réelle enquête de terrain à mon actif, ce sera difficile de se distinguer… », souffle-t-elle.

Les résultats exceptionnels obtenus par
les étudiants en 2020 peuvent semer
le doute

Avec la généralisation des cours en visioconférence, l’aménagement des modalités d’examen en raison de la crise sanitaire et la suppression de certains stages, les diplômes de l’enseignement supérieur vont-ils perdre de leur valeur sur le marché du travail ?

Les résultats exceptionnels obtenus par les étudiants en 2020 peuvent semer le doute. A l’université de Pau et des Pays de l’Adour, 68 % des étudiants inscrits en première année des licences scientifiques (maths, sciences de la vie, physique, chimie…) en 2019-2020 ont été admis en deuxième année contre 58 % l’année précédente. Le bond est encore plus fort dans les filières sciences sociales et humanités : 59 % d’admis en deuxième année parmi la dernière promotion contre à peine 42 % un an plus tôt.

Soupçons de fraude aux évaluations

A l’université de Bordeaux, le taux de réussite des inscrits en première année de licence est passé de 47 % en 2019 à 60 % en 2020. Même tendance à l’université de Caen-Normandie, où le taux de passage en deuxième année a bondi de 43 % à 53 %. Pour son président, Lamri Adoui, le succès des étudiants néo-entrants dans l’enseignement supérieur s’explique principalement « par une orientation plus adaptée à leur projet d’études et par la mise en œuvre de modalités d’accueil particulières en faveur des publics identifiés comme fragiles ». Difficile cependant de ne faire aucun lien avec les circonstances particulières de la crise sanitaire, reconnaît-il.

« Nous devrons prouver deux fois plus que nos aînés que nous avons notre place ». Katell, en licence professionnelle métiers du notariat

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Travail au noir dans le privé : jusqu’à 7 milliards d’euros de perte pour la Sécurité sociale

Le « travail au noir » coûte très cher à notre Etat-providence : dans le secteur privé, le préjudice oscillerait entre 5,7 milliards et 7,1 milliards d’euros, selon la dernière estimation diffusée récemment par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS). Cette recherche confirme « les évaluations antérieures » qui avaient été rendues publiques durant l’été 2019. Elle offre par ailleurs de nouveaux éclairages, en particulier sur l’impact des fraudes commises par des actifs non salariés.

Le chiffrage avancé par le HCFIPS porte sur le « manque-à-gagner » subi par les Urssaf et par le régime d’assurance-chômage. Il s’agit, en l’occurrence, de cotisations sociales « éludées », c’est-à-dire qui n’ont pas été payées par les employeurs alors qu’elles auraient dû l’être. Les pratiques des patrons qui grugent recouvrent des formes variées : heures de travail non déclarées (voire qui n’ont pas été payées au salarié), omission du signalement d’une embauche…

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Quand de telles infractions sont identifiées, les Urssaf procèdent à des « redressements » : l’entreprise se voit alors sommer de régulariser sa situation en réglant les sommes dues, assorties d’une majoration. La proportion de sociétés rattrapées à la suite d’« irrégularités » ou de « fraudes » peut être significative dans les secteurs ayant « fait l’objet de contrôles spécifiques » : 21,3 % dans les cafés-restaurants et 23,6 % dans le transport routier, selon le HCFIPS. Par comparaison, ces taux sont nettement plus faibles quand les manquements ont été décelés à la suite d’une campagne « générale » de vérifications « aléatoires » (6,2 %).

« Marge d’incertitude »

Pour la première fois, le HCFIPS livre une évaluation des contributions éludées par les travailleurs indépendants : elles seraient de l’ordre de 250 millions d’euros. Un chiffrage à manier avec prudence, puisqu’il « ne couvre pas l’ensemble du manque-à-gagner », précise l’étude : le résultat a été obtenu à partir d’un échantillon de « contrôles partiels sur pièces » qui sont moins poussés que ceux « réalisés sur place ».

S’agissant des micro-entrepreneurs, la perte de recettes serait encore plus importante : environ un milliard d’euros, ce qui équivaut à « un tiers des cotisations déclarées ». Cet ordre de grandeur doit, là encore, être lu avec prudence, car il repose sur une « extrapolation en première analyse », qui sera affinée à la faveur de travaux déjà en cours. Quant à la part des micro-entrepreneurs visés par un redressement après un contrôle, elle s’avère particulièrement haute : 40,4 %. Autant de constats qui plaident pour qu’une « attention » soit accordée « à une plus grande sincérité des déclarations » faites par les indépendants, considère le HCFIPS.

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Le travail à distance nourrit le désengagement

Le contexte Covid n’est pas la seule cause de la morosité ambiante. Le travail à distance installé depuis de longs mois déjà nourrit également le désengagement des salariés. C’est le résultat d’une étude réalisée par l’IFOP pour le cabinet de conseils en transformation des entreprises Julhiet Sterwen et publiée ce vendredi 12 février. L’institut de sondage a interrogé plus de 1 000 salariés dont un tiers de manageurs, du 27 octobre au 9 novembre 2020.

Plus d’un manageur sur deux (57 %) pense que les salariés se désengagent du collectif. Le travail à distance est pointé du doigt, comme la cause de ce désengagement. Ainsi, 55 % des salariés estiment qu’il affecte le sentiment d’appartenance à l’entreprise et que ce niveau de désengagement est croissant. « Nous avons en effet la population des « décrocheurs », dont le désengagement préexistant s’est naturellement renforcé et accéléré face aux obstacles rencontrés (difficultés de coordination, absence de vie collective, effet d’isolement, risques accrus de stress, sentiment de délaissement…). D’autre part, les « surengagés » d’un temps, qui peuvent, sur la durée, souffrir d’une forme d’épuisement, mais aussi de frustrations face à l’absence de reconnaissance de l’effort consenti », commente l’IFOP.

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D’autre part, 19 % des répondants estiment que les liens entre les équipes se sont renforcés. C’est 8 points de plus qu’il y a deux ans. Mais du point de vue des salariés, les entreprises se sont surtout appuyées sur les qualités personnelles des collaborateurs pour affronter la crise : 44 % sur leur capacité d’adaptation, 37 % sur leur engagement et 31 % sur leur autonomie. Les manageurs ont découvert qu’ils pouvaient faire confiance à leurs équipes et les télétravailleurs ont apprécié leur autonomie, tant et si bien qu’ils se détachent de l’entreprise. Ainsi, 53 % des manageurs estiment avoir moins d’impact et d’influence sur leurs collaborateurs.

Pour la poursuite du télétravail

« Les accords de télétravail en cours de (re) négociation au sein des organisations soulèvent donc bon nombre d’interrogations au-delà des seules conditions d’exercice au quotidien, comme le maintien de la performance collaborative quelle que soit la situation de travail », analyse l’IFOP. Le deuxième enseignement de cette étude est le nouveau regard porté sur l’environnement de travail. Si l’open space n’a pas toujours eu bonne presse aux yeux des salariés, notamment à cause du bruit ou du manque de confidentialité, le Covid ne l’a pas rendu plus populaire, cette fois au nom de la sécurité sanitaire. Les salariés ne sont plus que 7 % à envisager leur travail en open space.

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Des aides à domicile en grève dans le Loir-et-Cher : « On est prises pour des riens du tout alors que notre travail est essentiel »

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Publié aujourd’hui à 02h14

« C’est grâce au Covid tout ça, lance Ana, emmitouflée dans sa parka. On a pris conscience qu’on était méprisées et prises pour des riens du tout alors que notre travail est essentiel. » Pendant le confinement, comme tous les aides à domicile de France, elle et ses collègues n’ont jamais cessé de travailler. Manquant de masque et de blouse pour se protéger, mais là pour accompagner au quotidien leurs « papys et mamys » comme elles disent avec tendresse. Pour cela elles ont reçu une prime, certes. Mais elles continuent de gagner une misère.

Ana, responsable CGT à Blois (Loir-et-Cher), le 10 février.

C’est pour mettre ce scandale sur la place publique que dans le Loir-et-Cher, quinze d’entre elles ont entrepris ce qu’aucune autre n’avait osé auparavant : une grève illimitée. Le mouvement entrera lundi 15 février dans sa neuvième semaine. Le piquet de grève est installé ce matin-là devant l’ADMR-41 (Aide à domicile en milieu rural), à Blois, leur employeur, antenne d’une des principales fédérations de structures d’aides à domicile en France.

« On a été exploitées depuis des années ! Aujourd’hui on demande notre dû !, explose Cécile, 42 ans, dans le froid glacial de février. On veut pouvoir vivre de notre métier qu’on adore. Mais comment on fait avec 900 euros par mois ? » Dire cela enfin à haute voix semble déjà la libérer d’un poids. « C’est national, hein, votre journal, vérifie Sylvie, 55 ans, derrière elle. Parce que faut que ça paraisse nationalement, c’est toutes les aides à domicile qui sont concernées ! »

Cécile.

Elles voudraient bien en effet « ouvrir la brèche » pour que d’autres se soulèvent contre le fonctionnement de ce service à la personne, financé par l’argent public, qui produit des travailleurs pauvres. Travailleuses devrait-on dire, car ce métier est principalement exercé par des femmes.

Rémunération, temps partiels non choisis, plannings…

Celles-ci parlent parfois toutes en même temps, comme pour sortir le trop-plein de couleuvres avalé toutes ces années. Il y a d’abord leur rémunération. La plupart sont payées au smic horaire (10,25 euros) ou quelques centimes au dessus, même avec plus de dix ans d’ancienneté. C’est qu’on part de loin : dans la convention collective de la branche des aides à domicile, les dix premières années sont carrément sous le salaire minimum.

Il y a aussi ces temps partiels qu’elles n’ont pas choisis. Seule Christine, 42 ans, est à plein temps. En 2020, Sylvie, Cécile, Lucie, Delphine, Ana, ou Carole ont travaillé entre 21 et 30 heures par semaine. Cela donne de tout petits salaires, parfois moins de 1 000 euros net par mois.

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Les scénaristes, ces « premières lignes » du cinéma ballottées par la crise due au Covid-19

Devant le cinéma UGC Gobelins, dans le 13e arrondissement de Paris, le 29 décembre 2020.

Six fois nominé aux Golden Globes, le film Mank de David Fincher, diffusé sur Netflix, rappelle opportunément les misères qui perturbaient déjà les scénaristes les plus talentueux d’Hollywood dans les années 1940. Après un grave accident de voiture, Herman Mankiewicz passe deux mois la jambe dans le plâtre, isolé dans un ranch californien − loin de tout alcool, dont on veut le sevrer −, entre une ravissante dactylo et une infirmière faussement acariâtre.

Il écrit jour et nuit le scénario de Citizen Kane pour le jeune et tyrannique réalisateur Orson Wells à qui la RKO a donné carte blanche. Herman Mankiewicz estime avoir écrit une petite merveille et contrairement à leur accord initial, impose à Orson Wells d’avoir son nom au générique. S’en suit une engueulade mémorable. Et l’Oscar du meilleur scénario en 1941 sera finalement attribué à… Orson Wells, qui n’en a pas écrit un seul mot, et à Herman Mankiewicz.

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En ces temps troublés par la pandémie de Covid-19, le sort des scénaristes français devient plus instable que jamais. Depuis plusieurs semaines, ils rendent publiques leurs turpitudes dans « Paroles de scénaristes » sur Facebook. Une litanie de complaintes anonymes amorcée par Sabrina B. Karine, qui a notamment travaillé sur Les Innocentes d’Anne Fontaine en 2016, détaillant par le menu des abus de pouvoirs des producteurs, des injustices, des trahisons, des usurpations, des non-paiements et des oublis au générique…

Un « statut mal reconnu »

« On y voit le symptôme d’une souffrance », explique Agnès de Sacy, scénariste chevronnée qui a cosigné les derniers longs-métrages de Pascal Bonitzer et de Valeria Bruni-Tedeschi. « Notre statut est mal reconnu, autant économiquement que symboliquement », dit-elle. Les pratiques à l’égard de ce petit monde − environ 900 professionnels qui écrivent pour le cinéma, la télévision et les plates-formes − ne sont pas toujours élégantes. Mais la parole se libère, parfois longtemps après les faits.

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Dans la chaîne de fabrication d’un film, les scénaristes interviennent les premiers. Or, en raison de la pandémie, environ 140 longs-métrages français terminés attendent − puisque les cinémas sont fermés − une date de diffusion en salle, parfois reportée en 2022. Cet embouteillage historique a épuisé les finances des distributeurs et des producteurs. Ces derniers hésitent à lancer de nouveaux projets.

La scénariste Vanessa Lépinard note que la pandémie a modifié les attentes des producteurs, enclins à « passer définitivement à la comédie »

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Une plate-forme pour signaler les comportements discriminants mise en ligne par le gouvernement

Il s’agit de la deuxième « brique » de « l’agenda égalité des chances » du chef de l’Etat. C’est ainsi que l’Elysée présente la plate-forme antidiscriminations qui devrait être officiellement lancée par Emmanuel Macron, vendredi 12 février. Après une première série de mesures consacrées à la politique de la ville, le 29 janvier, la promotion de la diversité dans la haute fonction publique et la lutte contre les discriminations veulent à leur tour répondre à la « promesse d’émancipation au cœur du projet du président depuis 2017 », assure-t-on à l’Elysée.

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L’objectif de cette plate-forme Internet et du numéro d’appel unique, le 3928, est de permettre aux victimes de comportements discriminants – qu’ils visent le handicap, le genre, les origines ou le lieu de résidence, qu’ils aient lieu dans le cadre d’une recherche de logement ou d’emploi, du travail ou d’un échange avec les forces de l’ordre – de les signaler plus facilement, de bénéficier d’une véritable écoute, d’une garantie d’un suivi du dossier et d’une « vraie prise en charge ». Six écoutants formés en droit ont déjà été engagés. Quinze juristes spécialisés, dont cinq référents territoriaux, sont en cours de recrutement. Une application Web permettra également aux plaignants de discuter en direct avec eux.

Rattachée à la Défenseure des droits – qui traite déjà 5 000 dossiers chaque année –, Claire Hédon, cette plate-forme avait été annoncée en décembre par Emmanuel Macron, lors d’une interview au média en ligne Brut, dans laquelle il évoquait les violences policières : « C’est vrai qu’aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé (…), le seul moyen de bouger, c’est de faire ce qu’on a su faire sur d’autres violences, c’est de mettre en place une plate-forme commune pour que les gens puissent dénoncer de manière très simple, unique et nationale. » La mise à disposition d’un « nouveau dispositif d’accès au droit » devrait ainsi produire un « effet de levier sur le nombre de saisines », espère l’Elysée.

La jeunesse, « son cœur de cible »

Disposant d’un budget de fonctionnement de 3,5 millions d’euros pour l’année 2021, la plate-forme sera également connectée aux plates-formes déjà existantes et vers lesquelles les juristes redirigeront les victimes si nécessaire. Ainsi celles mises en place par l’inspection générale de la police nationale et par l’inspection générale de la gendarmerie nationale, et celle consacrée aux violences sexistes et sexuelles, Arrêtons les violences.

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Touché par le Covid-19, le marché de la bière s’émousse

Logo d’Heineken sur la façade d’un bar d’Amsterdam (Pays-Bas) fermé en raison de la crise liée au Covid-19, le 7 février 2021.

Une période de frugalité. Dolf van den Brink, patron du brasseur néerlandais Heineken, annonçait la couleur à l’automne 2020, suggérant un tour de vis à venir. Le couperet est tombé, mercredi 10 février, lors de la publication des résultats annuels du groupe, connu pour ses marques Heineken, Desperados, Affligem ou Fischer. Il s’apprête à supprimer 8 000 emplois dans le monde, soit près de 10 % de ses effectifs. La France n’est pas épargnée, puisque 85 postes devraient aussi disparaître.

M. van den Brink a repris les rênes du numéro deux mondial de la bière en juin 2020, en pleine crise due au Covid-19. Depuis mars 2020, le brasseur est secoué par les fermetures des bars et restaurants, mais aussi par les suppressions des festivals, l’annulation des événements sportifs et une activité touristique moindre – lieux et moments où la boisson fermentée coule à flots. Au point que ses comptes ont viré au rouge au premier semestre.

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Il n’est pas seul à être pénalisé par la pandémie. Son concurrent, le Danois Carlsberg, propriétaire de Kronenbourg en France, a annoncé, il y a une semaine, un repli de son chiffre d’affaires de 11 % pour son exercice fiscal 2020. Mais son bénéfice net n’a reculé que de 8 %, à 6 milliards de couronnes (environ 807 millions d’euros), quand celui du Néerlandais chutait de 49 %, à 1,154 milliard d’euros, avant la prise en compte des éléments exceptionnels. En tenant compte des dépréciations d’actifs, par exemple la marque Lagunitas, Heineken affiche une perte de 204 millions d’euros. Son chiffre d’affaires décroît, lui, de 11,9 % à taux de change et périmètre constants, pour atteindre 19,79 milliards d’euros.

Heineken est beaucoup plus dépendant des cafés et restaurants, canaux de distribution très lucratifs. Le cas du marché français l’illustre parfaitement. Dans l’Hexagone, il possède une filiale baptisée France Boissons, chargée de distribuer bouteilles et fûts dans la restauration. Elle pèse près de la moitié de son chiffre d’affaires, et plus encore en termes de profit. Globalement, selon Brasseurs de France, 65 % des volumes de bière sont écoulés en grande distribution et 20 % dans les bars et restaurants, le solde irriguant les concerts et autres événements.

Restructurer l’activité

Même si les ventes en grande distribution ont progressé de 8 % à 9 % en 2020, les « apéros zoom » des confinés n’ont pas permis de compenser le reflux de près de la moitié des demis consommés au « zinc ». La rentabilité s’est dégradée. D’autant que, comme le met en exergue Heineken, « la déflation structurelle d’année en année en grande distribution et l’augmentation significative des coûts impactent fortement les marges ».

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Grâce à la crise, la formation professionnelle apparaît plus utile aux salariés

« Pour 88 % des actifs interrogés, la formation est une nécessité pour conserver son employabilité tandis que 49 % envisagent de changer d’emploi. »

« La crise a profondément modifié le regard des actifs sur la formation, avec un regard accru sur son utilité » : telle est la conclusion de Julie Gaillot, directrice du pôle Society chez CSA, l’institut de sondage qui a réalisé la deuxième édition du Baromètre de la formation et de l’emploi pour Centre Inffo publié mercredi 10 février.

Pour cette enquête de l’association sous tutelle du ministère chargé de la formation professionnelle, 1 626 actifs français (en emploi ou chômeurs ayant déjà travaillé) ont été interrogés du 14 au 21 janvier.

Le contexte d’incertitude du marché du travail a érodé la confiance des actifs dans leur avenir professionnel : 68 % des personnes interrogées affirment avoir confiance en leur avenir, contre 75 % début 2020.

Quête de sens

L’instabilité les incite à se former : « On remarque une réelle importance de l’agilité et de l’acquisition de nouvelles compétences », indique Julie Gaillot. Près d’un actif sur deux souhaite suivre une formation dans les douze prochains mois, dont 62 % ont une idée précise de la formation qu’ils souhaitent suivre ; 48 % projettent de se former en 2021, pour pallier l’évolution de leurs métiers.

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Pour 88 % d’entre eux, la formation est une nécessité pour conserver son employabilité tandis que 49 % envisagent de changer d’emploi, et ce chiffre est d’autant plus fort chez les femmes et les jeunes. « Ils ont compris que les métiers changeaient vite, donc ils cherchent à s’enrichir par la formation », souligne Bruno Lucas, le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle au ministère du travail. Ainsi, 47 % des actifs préparent ou envisagent une reconversion, et un sondé sur cinq en prépare une actuellement.

La crise nourrit également la quête de sens. « La première motivation de reconversion professionnelle est de faire un métier plus proche de ses valeurs », note Julie Gaillot. Les jeunes « n’hésitent pas à changer de métier quand ils ne sont pas satisfaits de ce qu’ils font », renchérit Patrice Guézou, directeur général de Centre Inffo : 86 % des personnes tentées par la reconversion veulent exercer un métier plus proche de leurs valeurs, c’est bien plus que ceux qui souhaitent améliorer leur employabilité et leur rémunération (57 %).

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La responsabilité individuelle introduite en 2015 par le compte personnel de formation (CPF) est désormais bien intégrée : 78 % des personnes interrogées se sentent « responsables » de leur propre parcours de formation continue. « C’était un des enjeux de la loi du 5 septembre 2018 » : Bruno Lucas se félicite que les individus se saisissent de leur parcours professionnel. « On leur a donné les clés, et ils savent que c’est à eux que revient cette responsabilité de se former tout au long de leur vie. Mais il y a un besoin d’être accompagné ! », note Julie Gaillot.

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A bout de souffle, les accompagnants d’élèves en situation de handicap se mobilisent

« Nous sommes les pions invisibles de l’éducation nationale », enrage Elisabeth Garnica, présidente du collectif AESH France. Ecartés de la revalorisation salariale pour les enseignants et personnels annoncée par le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, en novembre 2020, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) veulent se faire entendre du gouvernement. Après une première journée de manifestation locale organisée à Bobibny, mardi 9 février, à l’initiative du SNES-93, les AESH se mobilisent à nouveau jeudi 11 février à l’appel de la CGT Educ’action, à l’occasion des 16 ans de la loi sur le handicap.

Tous les AESH que Le Monde a interrogés ont le même mot à la bouche : les PIAL. Ces « pôles inclusifs d’accompagnement localisés » constituent un point de crispation majeur depuis leur mise en place en 2019. L’objectif initial, explique la chercheuse en éducation inclusive à l’Institut catholique de Paris, Fabienne Serina-Karsky : apporter un dispositif qui puisse regrouper les professionnels qui travaillent autour de l’école inclusive. Mais dans les faits, la mise en place s’avère compliquée. Selon elle, « l’idée est bonne mais ça complexifie beaucoup les choses d’un point de vue administratif ».

Création massive de postes

Le fonctionnement des PIAL correspond à une stratégie gouvernementale de mutualisation des professionnels qui consiste à répartir les AESH sur les établissements d’un même secteur. Une démarche particulièrement contestée par le personnel : « Nous devons faire preuve d’une forte capacité d’adaptation avec des emplois du temps qui changent du jour au lendemain », explique Perrine Crinquette, AESH dans un lycée de Lomme, dans le Nord.

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Sans cesse transférés d’un établissement à l’autre, les AESH déplorent un accompagnement qui ne peut être individualisé. « Certains AESH doivent parfois jongler entre sept ou huit élèves par semaine, raconte Elisabeth Garnica. C’est l’horreur, les enfants ont besoin de repères. » Cette gestion des AESH a également un impact néfaste sur la scolarisation des enfants. « C’est le monde à l’envers. Nos enfants n’ont pas assez d’heures notifiées auprès d’accompagnants, alors que sur les réseaux sociaux, nous voyons que beaucoup d’AESH sont en recherche d’un poste », remarque Adeline Drapeau, mère d’un enfant reconnu en situation de handicap il y a un an.

Les besoins sont là. Jean-Michel Blanquer a même annoncé, en septembre 2020, la création massive de 4 000 nouveaux postes d’AESH, dans le cadre du projet de loi de finances 2021, qui s’ajouteraient aux 8 000 postes déjà annoncés pour répondre à des besoins croissants de scolarisation des élèves en situation de handicap. Une annonce qui ne satisfait pas les personnels mobilisés : « Déjà faudrait-il faire quelque chose pour les postes existants et précarisés », souligne Sébastien Cazaubon, AESH depuis janvier 2019 dans les Landes et membre de la CGT Educ’action.

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